Analyse du traitement de Gaza par les médias, avec Michel Warschawski.
Fin connaisseur de la société israélienne, Michel Warschawski est une référence sur le sujet, même si tout le monde ne partage pas forcément ses vues. Pas mal de journalistes qui débarquent au Proche-Orient et qui souhaitent « tout connaître » sur la région, autrement que par les biais officiels, tentent de le rencontrer, à Jérusalem.
Infatigable militant pour une paix juste au Proche-Orient, qui suppose la fin de ce qu’il appelle « lʻoccupation-colonisation » d’Israël sur les territoires palestiniens, il créé L’Alternative Information Center (Jérusalem-Ramallah). Et écrit plusieurs ouvrages, dont Sur la frontière (Stock, 2002) et Programmer le désastre, la politique israélienne à l’oeuvre. Ce dernier livre, paru aux éditions La Fabrique en février 2008, commence par un démontage en règle des mystifications sur le Proche-Orient, fabriquées et / ou entretenues par les médias internationaux.
Il nous propose de lire les titres des grands quotidiens internationaux, et de savoir si, oui ou non, ces titres correspondent à la réalité. Le résultat est surprenant. Pour celles et ceux que le passage qui suit va déranger : l’auteur du bouquin n’est ni membre, ni sympathisant, du Hamas.
Un des titres ou phrases fréquemment rencontrés :
« Après que le Hamas s’est emparé du pouvoir à Gaza… »
Vrai ? Faux ? C’est faux, dit l’auteur. Et il explique. « C’est dans des élections, dont le monde entier a salué le caractère transparent et démocratique, que le Hamas a gagné les voix de la grande majorité de la population palestinienne. Non seulement il ne s’est pas “emparé” du pouvoir, mais il a immédiatement accepté de former un gouvernement d’union nationale, dans lequel les vaincus – le Fatah et ses supporters – étaient surreprésentés ».
Une autre assertion médiatique à méditer : « Le Hamas a déclaré la sécession de Gaza et a rompu tout lien avec la Cisjordanie ».
C’est faux là aussi ? Faux, dit l’auteur : « C’est Mahmoud Abbas qui, sous la protection de lʼarmée israélienne, et après un coup dʼEtat avorté dans la bande de Gaza et la fuite de ses troupes en Egypte, a retiré son administration. En rompant tout lien avec la bande de Gaza, il acceptait que celle-ci soit considérée par Israël et la communauté internationale comme une “entité hostile” (sic), à savoir une zone où vivent plus d’un million de femmes, hommes, enfants et vieillards, dont les droits les plus élémentaires, à commencer par le droit à l’alimentation et aux soins médicaux, sont niés ».
Mais il y a des tas de terroristes au Hamas ? D’après quelques grands journaux, oui : « On ne peut reconnaître le gouvernement Hamas, car il est responsable dʼattentats terroristes… »
Faux, archifaux ? Warschawski enfonce le clou : « Depuis quatre ans, le Hamas respecte scrupuleusement une trêve unilatérale, et les (rares) attentats ainsi que les roquettes tirées du nord de la bande de Gaza sont surtout le fait… des brigades Al-Aqsa, liées au Fatah » (pp. 11-12).
Pour Michel Warschawski, la plupart des grands médias, en déformant des faits, et en en inventant d’autres, prennent parti dans le conflit, contre les Palestiniens. Tache facilitée, nous dit-il, par les fréquents petits coups de pouce du Président de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, au gouvernement israélien. Alors que Warschawski écrivait son livre, « le chef des miliciens du Fatah » s’est réjouit, devant des journalistes israéliens, que tous les livres – y compris les exemplaires du Coran – d’une institution culturelle liée au Hamas aient été détruits par l’armée israélienne. Et, affirme l’auteur, très récemment, Abbas a « franchi une limite ». En appelant Israël à « renforcer l’isolement » de la bande de Gaza, il a préféré la compromission au compromis.
Finalement, pour Warschawski, ce sont les deux populations, palestinienne et israélienne, qui coincent Israël dans la mise en oeuvre complète de sa politique. Les Israéliens aussi, car ils ont « perdu l’esprit de sacrifice et refusent de payer le prix d’une politique qu’ils ne soutiennent que dans la mesure où elle est gratuite. Dès lors qu’on lui soumet une facture et que la normalité de son existence est remise en question, ne serait-ce que pour quelques semaines, la population de l’Etat juif rejette les aventures militaires » (pp. 33 - 34).
A Tel Aviv, dans la nuit de samedi à dimanche 28 décembre, environ 2000 Israéliens ont d’ailleurs manifesté contre les attaques aériennes de l’armée israélienne sur Gaza.
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