Portrait chinois : Wen Jiabao

Wen Jiabao n’était pas présent à l’inauguration de l’expo universelle, et ce fût le seul du bureau politique à ne pas être de la partie à cause d’un désaccord profond avec le reste des membres du bureau politique qui avaient voté un décret imposant aux millions de fonctionnaires d’aller visiter l’expo, tous frais payés par l’État (sic !).

C’est cette petite précision qui a ulcéré l’ami Wen … préférant aller le 1er mai au chevet des victimes du séisme du 14 avril qui a eu lieu dans le Qinghai. Aujourd’hui comme hier, être premier ministre de la grande puissance du XXIe siècle implique des sacrifices…

C’est un peu sa marque de fabrique, être toujours le premier à chausser ses bottes en plastique pour aller en campagne réchauffer le cœur et la foi communiste des paysans ayant tout perdu, parader avec son immense parka kaki pour fêter le nouvel an avec les militaires en stationnement à Lhassa et surtout sourire toujours de son parfait sourire émail diamant aux photographes.

Wen Jiabao par Oliv’

Prononcez "wouen tia baho"

Wen, le bien-aimé

Wen Jiabao, l’un des dirigeants les plus appréciés de la Chine communiste par le peuple chinois, n’est pourtant pas un novice en la matière, et n’en est plus à un sacrifice vestimentaire maintenant qu’il a atteint le sommet.

Né en septembre 1942 à Tianjin (la cité portuaire à l’Est de Beijing), Wen se destine vite à des études en géologie et notamment en prospection des minerais rares à l’Institut de Géologie de Beijing. Son diplôme d’ingénieur en poche, il adhère au PCC en 1965 et se lance dans des études sur la tectonique (1965-1968). Son intérêt pour la géologie semble avoir été reconnu à sa juste valeur puisque lors de l’éclatement de la Révolution Culturelle (1968), le voilà envoyé au Gansu comme responsable de la section politique pour le bureau géologique de la dite province.

Au cours de ses prospections minières, il trouvera une femme, une géologiste de carrière, Zhang Beili. Elle lui donnera deux enfants : un fils, Wen Yusong, aujourd’hui PDG d’une grosse entreprise de nouvelle technologie à Beijing, et une fille, Wen Chunru, directrice financière dont le mari (Xu Ming) est la huitième fortune de Chine selon le magazine Forbes. On trouve décidément de l’or dans le sous-sol chinois !

Wen Jiabao restera dix ans (1968-1978) à la campagne jusqu’à ce qu’il soit remarqué par le secrétaire provincial du Gansu, Song Ping (soit le même « parrain politique » que Hu Jintao) qui le prend sous son aile. Sous sa férule, Wen Jiabao monte dans la hiérarchie du bureau géologique de la province pour en finir directeur adjoint (1982). Avec le retour de Song Ping auprès des conservateurs du Centre, et fort de cette longue expérience de terrain, Wen entre au ministère de la Géologie par la petite porte en 1982.

1983 sera l’année de sa consécration politique, puisqu’il devient vice-ministre dudit ministère. Sa stricte obédience politique aux principes du marxisme léninisme et son esprit d’ouverture (il vient de passer 15 ans à la campagne et n’a aucune envie d’y retourner…) vont le faire connaître et lui permettre de faire son entrée au Comité Central du PCC (1985) auprès du premier secrétaire Hu Yaobang, toujours en recherche de jeunes talents. Puis, il parvient à survivre à la démission de ce dernier en se plaçant dans le sillage du nouveau premier secrétaire, le très libéral Zhao Ziyang chargé de renégocier l’ouverture du pays et notamment l’épineuse question paysanne.

Wen et Hu, le sourire et la matraque

En 1991, il est récupéré par Deng Xiaoping pour être la seconde tête de l’hydre aux commandes (avec Hu Jintao) et ce malgré l’opposition des conservateurs menés au pas de charge par Jiang Zemin. Wen Jiabao devient finalement vice-1er ministre en 1998 puis 1er ministre en 2003. Depuis, il semble savourer chaque moment hors du sable et des pierres. Wen Jiabao semble être l’expression parfaite de ces dirigeants de la « quatrième génération », qui ont survécu malgré les crises politiques à répétition en s’étant rendu administrativement indispensable…

Cette caractéristique pourrait peut-être expliquer l’inconnue de taille de ce portrait : comment a-t-il survécu politiquement à la chute de Zhao Ziyang ? Wen Jiabao est en effet présent aux côtés du 1er secrétaire lors de sa sortie sur la place Tiananmen tenue par les manifestants le 19 mai 1989 (c’est le type qui sourit derrière) lorsque Zhao s’oppose publiquement à l’imposition de la loi martiale (décidée par les conservateurs) ce qui provoque non seulement la purge mais aussi la mise en résidence surveillée du premier secrétaire jusqu’à sa mort (17 janvier 2005).

Aujourd’hui, tous louent sa grande capacité de travail et sa connaissance approfondie de la campagne. Les roches du Gansu conservent, pour sûr….

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