Non seulement Paul Lantieri, en fuite depuis 2007, n’est pas sérieusement recherché, mais le tribunal d’instance d’Ajaccio autorise son frère à gérer ses affaires. Seul hic : sa société suisse ne trouve plus d’administrateur.
Si la Corse avait peur de perdre son sobriquet de république bananière, qu’elle se rassure. Un jugement du Tribunal d’instance d’Ajaccio, remontant au 3 septembre 2010, montre qu’il n’en est rien. Le service de la protection des majeurs a mis bien au chaud les avoirs de Paul Lantieri, en cavale depuis fin 2007. Son grand frère Jean-Baptiste, domicilié à Bonifacio, a été désigné « pour le représenter et administrer ses biens » (lire le document ci-dessous).
En d’autres occasions, on aurait pu penser que le premier souci de la justice aurait été de mettre la main sur l’un des hommes les plus recherchés de France (et de Corse). Le juge des tutelles d’Ajaccio constate benoîtement que Paul Lantieri, 47 ans, « a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence depuis fin 2007, sans que l’on ait eu de ses nouvelles ».
Le 19 novembre dernier, Bakchich révélait que le grand Paul (il mesure près de deux mètres) avait été vu durant sa cavale dans le Vaucluse, à Rome, et à Marseille, promenant son petit chien. Mais que la police se gardait bien de l’arrêter. Apparemment, il n’est pas question non plus de toucher à ses biens. Il détenait pourtant 50 % des parts dans la société suisse Sextius, fondée à Genève le 16 mars 2000. Les autres 50 % revenant à l’ancien banquier genevois François Rouge.
La société holding Sextius possédait, d’une part, la SARL Concorde Cadet Restauration à Paris, c’est-à-dire le restaurant Le Rich (attenant au cercle Concorde) établissement aujourd’hui en faillite. D’autre part, la SARL Fontaine Rotonde Mirabeau à Aix-en-Provence, exploitant deux restaurants, La Rotonde et Les Artistes qui eux, en revanche, marchent toujours très bien.
Il est pour le moins étonnant que la justice n’ait pas cherché depuis trois ans à séquestrer le patrimoine d’une personnage mis en cause dans deux affaires gratinées, la tuerie des Marronniers d’une part, le cercle Concorde d’autre part.
Pour mémoire, Ange-Toussaint Federici a été condamné le 5 novembre 2010 à 28 ans de réclusion pour l’assassinat de trois voyous le 4 avril 2006 au bar des Marronniers à Marseille. Dans la fusillade à coups de kalachnikov, de fusils à pompe et de pistolet semi-automatique, Ange-Toussaint Federici se prend une balle perdue.
Qui l’aide à se faire admettre dans un hôpital ? Paul Lantieri, personnalité du monde des jeux et de la nuit. Le 17 janvier 2007, ce dernier est arrêté à Aix-en-Provence, et mis en examen pour association et recel de malfaiteur. Mais curieusement, le grand Paul est laissé en liberté. Il peut remplir sa tâche de « directeur artistique » du Cercle de jeux Concorde, installé rue Cadet à Paris.
Soupçonné de blanchir l’argent du crime organisé, le cercle Concorde est fermé fin 2007. Tous les protagonistes qui ont approché de près, de loin - ou même de très loin - le cercle de jeux sont arrêtés. Tous, sauf un, Paul Lantieri, prévenu à temps par certains « amis » policiers, comme l’a révélé Bakchich.
Chargé par le tribunal d’instance d’Ajaccio d’établir dans les quinze jours « un inventaire très complet et détaillé de tout le patrimoine personnel de l’intéressé » (sous-entendu Paul Lantieri), Jean-Baptiste Lantieri n’a pas perdu de temps : il a aussitôt racheté les 50% de parts que détenait l’ancien banquier suisse François Rouge dans les restaurants La Rotonde et les Artistes.
Ce dernier, incarcéré huit mois dans l’affaire du cercle Concorde, souhaitait à tout prix couper les derniers liens qui le reliaient au milieu corse. Des liens qui auraient pu lui coûter cher devant un tribunal. Le 3 novembre 2010, l’avocat Bénédict Fontanet, ami de François Rouge et administrateur de Sextius, quitte à son tour la société. Il faut donc dénicher un autre administrateur suisse pour le remplacer.
Nommé administrateur par l’Assemblée générale extraordinaire du 10 novembre, l’avocat genevois Jean-Franklin Woodtli a préféré renoncer quelques jours plus tard. Etre associé à un homme en fuite, cela fait désordre, même sur les bords du lac Léman.
La famille Lantieri va-t-elle être contrainte de publier une petite annonce pour recruter un candidat ?