Les auditions d’Alexandre Guérini et de sa compagne évoquent l’action d’"un conseiller juridique" dans le démarrage de l’enquête sur les marchés truqués marseillais, notamment l’envoi de lettres anonymes.
Nom de code : dossier Guernica. Dès l’ouverture, en février 2009, de l’enquête sur les marchés publics marseillais, gendarmes, parquet et juge d’instruction ont fait preuve d’une belle inspiration.
À l’instar du chef-d’oeuvre de Picasso, l’affaire qui fait trembler la classe politique marseillaise a de multiples facettes. Appels d’offres truqués, corruption de fonctionnaires, abus de bien sociaux, blanchiment… Des soupçons qui touchent aux milieux politique, industriel et du grand banditisme. Le patchwork qu’aurait tissé Alexandre Guérini, croque-mitaine de la politique locale et cadet de Jean-Noël, tout-puissant président socialiste du conseil général des Bouches-du-Rhône, l’a conduit, depuis le 1er décembre, à la maison d’arrêt de Luynes. Au frais.
Courriers anonymes
À l’Élysée, la température monte. Car les auditions de Guérini et de sa compagne, Jeannie Peretti, évoquent l’action d’« un conseiller juridique » dans le démarrage de l’enquête, notamment l’envoi de lettres anonymes. Madame explique que, après le lancement de l’affaire, toujours sur PV : « Ce conseiller juridique a fait dire à M. Alexandre Guérini qu’il se dégageait de toute responsabilité (…), car il avait suffisamment de problèmes actuellement. »
Des déclarations qui mettent en cause Patrick Ouart, l’ex-conseiller justice de Nicolas Sarkozy. Durant son passage à l’Élysée, Ouart a eu la haute main sur les nominations des procureurs, de Nanterre à Paris. En passant par Marseille, avec l’installation, en 2008, de Jacques Dallest, qui a lancé l’affaire Guérini sur la base de… courriers anonymes. « Je n’ai rien à voir avec cette affaire, orientez-vous vers le procureur », s’est contenté de répondre à Bakchich l’ancien magistrat, reconverti dans le privé.
En toile de fond de l’affaire : la rivalité entre Suez et Veolia, deux géants de l’environnement qui se disputent les marchés des ordures de Marseille.
Depuis des années, Suez cherche à récupérer les contrats marseillais, contre un Veolia bien en place. Or la chute de la maison Guérini, provoquée par l’affaire, ne manque pas d’éclabousser Veolia, qui s’est montré particulièrement généreux envers Alexandre Guérini : rachat d’une société pour plus de 1 million d’euros en 1989 quand Guy Dejouany présidait le géant de l’environnement ; rebelote, en 2000, pour près de 30 millions d’euros. Le tout assorti d’une amitié de trente ans entre Henri Proglio, ancien boss de Veolia passé à EDF, et « Alex ». C’est ici que réapparaît Patrick Ouart : ce dernier, après avoir grenouillé dans le groupe Suez au tournant des années 2000, siège désormais au conseil d’administration de ce groupe.
La guerre des géants de l’eau sera-t‑elle la nouvelle facette du Guernica marseillais : une œuvre d’art et un sanglant tableau ?