Les filets judiciaires se rapprochent du premier cercle des Guérini. Où les enquêteurs croient reconnaître le goût du grand banditisme. Voire la patte de Bernard Barresi, légende du milieu marseillais.
« Je n’ai pas l’habitude de répondre aux journalistes. Et je ne comprends pas bien le sens de votre appel ». Ton courtois, Philippe Rapezzi s’étonne du coup de fil d’un gratte-papier, sur le coup des 20h30 lundi 15 novembre. Pourtant l’associé unique d’une société que M. Rapezzi préside dort à la prison de Luynes depuis fin octobre. Un élément suffisant pour demander une réaction. « D’ailleurs comment avez vous eu mon numéro de téléphone ? Ah vous m’avez eu à la même époque l’an dernier ? » Oui.
A l’époque, Bakchich, se prélassant dans les ordures marseillaise, découvre une enquête sur les marchés publics d’ordure qui vise sous un large X, la famille Guérini. Au loin Jean-Noël, boss incontesté du Conseil Général des Bouches du Rhône, leader des socialistes du cru. Au près son frère Alexandre, croquemitaine de la politique marseillaise qui prospère notamment dans la gestion de déchets. Au milieu, Rapezzi apparaît dans la plupart des sociétés au sein de la sphère d’influence de "M. Frère", comme on surnomme Alexandre sur le Vieux Port. "Je ne me rappelle pas très bien de vous, mais bravo, vous avez retrouvé mon numéro ; Vous devez bien ranger vos affaires". Un peu d’humour à défaut d’un mot ou d’une info. Quand le temps n’est pas à la galéjade dans l’entourage des frères.
Les filets judiciaires se rapprochent du premier cercle des Guérini. Depuis sa saisine en avril 2009, le juge Charles Duchaine fouine autour d’Alexandre sans jamais le convoquer. "Avec de tels poissons, décrivent les gendarmes de la section de recherche, missionnés par le magistrats, mieux vaut serrer les mailles". Et remonter doucement la prise.
Après les perquisitions de son domicile et de ses entreprises en fin d’année dernière ; après la mise en examen de son ami Eric Pascal et de quelques employés à l’été, voilà qu’un de ses actionnaires a été mis au frais. Depuis fin octobre, Damien Amoretti séjourne à la prison de Luynes. Via la société SMAD dont il est l’unique associé, Amoretti est actionnaire à 49% de la SMA Vautubière présidée par Alexandre Guérini.
Le loustic de 34 ans est soupçonné d’avoir pas mal carambouillé en Haute Corse, avec un comparse, Jacques Boudemaghe, incarcéré à Malaga et en attente d’extradition.
Surfacturations de marchés publics auprès du conseil général de Haute-Corse, détournements de fonds publics, escroquerie. Deux à trois millions escamotés via une myriade de sociétés… et un soupçon de blanchiment vers le paradis fiscal américain de l’Etat du Delaware. Du gros œuvre.
D’autant que l’une des entreprises du duo Amoretti-Boudemaghe, ABT, a raflé quelques marchés publics auprès d’institutions locales. Du conseil général de Nono Guérini au Service départemental d’incendie et de secours (SDIS 13, les sapeurs pompiers) dont le conseil d’administration regorge d’élus cantonaux et d’autorités préfectorales.
Pour finir de faire mauvais genre, ABT, après avoir quintuplé ses revenus de 2003 à 2008 et atteint 16 millions de chiffres d’affaires, est à présent en liquidation judiciaire. Apre bouillabaisse. Dans laquelle les enquêteurs croient reconnaître le goût du grand banditisme. Voire la patte du chef, Bernard Barresi, légende du milieu marseillais, arrêté en juin dernier après 18 ans de cavale
"C’est l’obsession de Duchaine, maugrée, circonspect, un grand flic à l’accent chantant. Débusquer les liens qui uniraient les politiques aux voyous, idéalement Guérini à Barresi".
N’empêche. A défaut de preuves, d’étranges liens commencent à faire jour.
Comme l’avait révélé Bakchich en juin dernier, Alba sécurité, l’entreprise de la compagne de Bernard Barresi, dispose de menus contrats avec le Conseil Général, l’office des HLM du coin (OPAC 13) et l’OM. Malheureux hasard, nombre de sociétés du couple Amoretti-Boudemaghe sont sises dans le quartier du Payannet, à Gardanne, tout près du siège social d’Alba… De temps à autre, la bicoque retirée dans l’arrière pays marseillais, a servi de planque à Barresi. Selon les écoutes des enquêteurs le duo communiquait beaucoup avec l’ami Bernard. Peut-être seulement pour blaguer autour de leur cabane de Gardanne ? Ou discuter de déménagement.
Le 12 janvier 2009, la SMAD, l’entreprise actionnaire de la SMA Vautubière présidée par Alexandre Guérini, a gentiment migré vers le bord de mer en 2009. Plus précisément au 171 bis, chemin de la de la Madrague, siège des entreprises de Barresi… Jean-Luc. Le frère de Bernard, agent de joueur un temps très influent à l’OM et toujours proche de Renaud Muselier, "lou ravi"de la droite marseillaise. Dernier détail, Philippe Rapezzi est depuis 2007, président de la SMAD.
Le juge Duchaine n’a pas fini de mailler ses filets…Et de les resserrer ?