Coups de fils et verbe haut, le frère du président du Conseil général des Bouches-du-Rhône savait faire preuve d’entregent pour satisfaire ses protégés.
Nom de code : dossier Guernica. Et d’aucuns diront que la justice ne compte plus de poètes. Dès l’ouverture de l’enquête sur les marchés publics marseillais en février 2009, gendarmes, parquet et juge d’instruction ont pourtant fait preuve d’une belle inspiration. Quasiment des Cassandre. A l’instar du chef-d’œuvre de Picasso, l’affaire a de multiples facettes.
Appels d’offres truqués, corruption de fonctionnaires, abus de bien sociaux, blanchiment, politique, industrie, grand banditisme. Le patchwork qu’aurait tissé Alexandre Guérini, croque mitaine de la politique locale, cadet du tout puissant président socialiste du conseil général, l’a conduit à la maison d’arrêt de Luynes. Où il prend le frais depuis le 1er décembre.
Son incarcération laisse un peu de répit aux oreilles des pandores, après des mois à suivre les pérégrinations téléphoniques d’Alex, son langage fleuri, son influence. Et ses oukases.
A la directrice de cabinet du président d’Habitat 13 ou au propre président de cet office HLM dépendant du conseil général, Guérini parle comme à ses employés. "Mais je veux qu’il habite dans le 4-5 (…) dans le 9e ça m’intéresse pas. - Antoinette : alors je vais le rechercher, je vous le dis, hein".
Le patron d’entreprise passe commande pour loger la famille de ses amis (dont la femme et la fille de Bernard Barresi, figure du grand banditisme), exigeant une augmentation pour son ami Antoinette, ou la tête d’une "connasse" de directrice. "Cette pute" sera effectivement virée…
Au Conseil Général, M. Frère reçoit, donne ses rendez-vous. Surtout, l’énergique socialiste s’assure que ses protégés reçoivent bien des subventions. Et se plaint de "ces connards" d’administratifs qui renâclent à payer… avant d’exiger (et d’obtenir) "des paiements flash", de "ce pédé-là" qui refuse de le rappeler (…). Ou summum de la grâce d’éructer que "malgré de versement d’1,4 million d’euros par an" à une association "on était maître de mes couilles".
"Ma façon de m’exprimer me désavantage, concèdera Alex lors de sa garde-à-vue, parce que je vais droit au but et sans fioriture". Sans rencontrer d’opposition non plus dans des institutions où il n’a aucune rôle. A droite, à gauche, de la part de géants industriels, des policiers, tous auraient ignoré un si vaste système…
Surréaliste ? Non un Guernica marseillais.
"Patrick Ouart dans la benne de Guérini" à lire dans Bakchich Hebdo n°51 !
La saga des ordures marseillaises sur Bakchich.info :