Les « FFD », fils et filles de, sont un indice. D’une société stagnante. D’une égalité en retrait. D’une culture consanguine. D’une gauche qui a renoncé.
Le dernier numéro de Fakir consacre un dossier complet à la République des héritiers. Un dossier coordonné par Josef Kohlhaas, avec Alexandre Arnaud et François Ruffin. Avant de lire son intégralité dans le Fakir, en vente en kiosques, en voici un extrait.
Quand les héritiers se racontent, ils étalent un vernis de « mérite » sur leur biographie. La nouvelle aristocratie s’habille, bien sûr, de démocratie. Efface son hérédité…
Ils en ont tellement plein la bouche, de la « valeur individuelle », de l’ « esprit de compétition », du « salaire au mérite », dans cette libre entreprise où, sur la ligne de départ, nous sommes tous égaux dans la course au succès. Du coup, leur légitimité, ils doivent l’asseoir sur autre chose qu’une branche de l’arbre généalogique…
Qualités.
De Martin Bouygues, François Pinault apprécie le « courage », son avocat salue dans la presse le « sens stratégique » et sa « fermeté d’âme », le journaliste applaudit « le flair, le goût du travail bien fait et l’humour ». C’est, tout simplement, que les héritiers sont pleins de qualités : Antoine Arnault « bouillonne d’idées », avec un « esprit de compétition ». Franck Riboud, de Danone, est présenté comme un « patron habile, volontaire, sans états d’âme ». Les adjectifs fleurissent à tout bout de papier : ils l’ont dans le sang, leur puissance. « Du talent en intraveineuse », titre ainsi Marianne pour Charlotte Gainsbourg. Affaire de race…
Fatalité.
Son bac en poche, d’après sa bio, Martine Aubry ambitionnait de devenir « dactylo » ou « journaliste » : elle entre néanmoins en politique, et finit – pour l’instant – premier secrétaire du PS… Ils sont nombreux, ainsi, à abandonner leur vocation première : Thomas Dutronc « se destinait à une carrière dans les arts plastiques, il est détourné de sa route par des amis d’enfance qui sont aussi des ‘fils de’, Mathieu Chedid et Pierre Souchon », et le voilà chanteur. Stéphane Paoli « s’imaginait aviateur » - et le voilà « interviewer musclé » sur Europe 1, comme papa qui co-fonda Europe 1. Plutôt que la facilité d’une autre voie, eux acceptent la fatalité familiale. Un crève-coeur…
Toutes ces justifications ont une vertu commune : de naturaliser le social. Que ces trajectoires apparaissent comme une affaire de « talent », de « tempérament », de « courage », d’ « efforts » - c’est-à-dire inné, ou acquis mais à la force du poignet. Tandis qu’ils effacent l’éducation reçue, le milieu où l’on baigne, les coups de piston au bon moment. Les héritiers gomment l’héritage.
Leur récit se construit autour d’un vide.
Et on peut lire leurs biographies à l’envers :
« Rien ne prédisposait Vincent Cassel à devenir une star du grand écran. Longtemps préservé du milieu, l’héritier de Jean-Pierre s’est formé à l’école du cirque, puis à l’actor’s studio de New-York. » On doit comprendre que « tout l’y prédisposait », son « milieu » et sa formation : a priori, « l’actor’s studio » n’est pas une école de pizzaïolo. Son père l’a, d’ailleurs, ensuite recommandé au réalisateur « Philippe de Broca, qui a démarré dans le septième art avec Cassel senior », avant que « Cassel père et fils se côtoient au générique » de Métisse.
« Une entrepreneur », voilà Laurence Parisot. « Une femme à poigne », « dynamique », « volontaire ». Mais dans ses présentations, Laurence Parisot oublie le coup de pouce initial : c’est son père, patron de l’ameublement, qui lui achète 51 % de l’IFOP. Et sans ces millions, cette « self-made woman » ne serait rien. Ni patronne, ni patronne des patronnes.
Il fut un temps, pas si lointain, où la gauche, et le centre avec, songeaient à « l’abolition de la transmission héréditaire des moyens de production. »
D’après le très officiel Conseil des prélèvements obligatoires, « les 10% de ménages les plus riches possèdent près de la moitié du patrimoine » - tandis que les 10 % les plus pauvres détiennent « moins de 900 € », 400 fois moins. Sauf que « le fait d’avoir reçu un héritage ou une donation explique une part croissante des inégalités », car l’argent va à l’argent : « Les enfants de cadres qui déclarent avoir reçu un héritage de plus de 60 000 euros sont quatre fois plus nombreux que les enfants d’ouvriers. »15 Sauf que, dans la patrie de la « valeur travail », un euro hérité est deux à trois moins imposé qu’un euro gagné à la sueur de ses 35 heures. Cent ans en marche arrière.
La droite a œuvré pour son camp.
Et la gauche, alors ?
Se saisit-elle, à nouveau, de cette arme à aplatir les inégalités ?
Les « droits de succession » ne sont pas évoqués, pas une seule fois, dans la nouvelle déclaration de principes du Parti socialiste. Pas plus que, durant la présidentielle, Ségolène Royal n’a parlé des « gros héritages ».
Pendant cette campagne, pourtant, un héritier a fait des siennes. Le « frère » de Nicolas Sarkozy, en plus : Arnaud Lagardère. A l’école primaire, raconte sa maîtresse, lui « avait toujours les derniers gadgets. Quand je demandais aux élèves de mettre leur cartable sur le dos, il rétorquait, avec sa voix flûtée : ‘Mais non, moi j’ai mon valet qui va venir le porter’. » Son père décédé, il recevait un nouveau « gadget » : Airbus. D’un délit d’initiés à plan Power 8, le jeune propriétaire s’empressait de casser son joujou : « J’ai le choix entre passer pour quelqu’un de malhonnête ou d’incompétent, qui ne sait pas ce qui s’est passé dans ses usines, se défendait-il étrangement. J’assume cette deuxième version. »
Jean Jaurès aurait tonné. Le François Mitterrand du Programme commun, à coup sûr également. La candidate du PS, elle, n’a pas désigné une seule fois Arnaud Lagardère comme un « adversaire ». Et à cet « incompétent », à sa lignée, l’on ne songe toujours pas – comme nous y invitait Léon Blum – à reprendre les « moyens de production ».
Ce combat long d’un « siècle entier » n’est pas seulement perdu : il n’est même plus mené.
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Il y a quelques années, je refusai de signer une pétition demandant une plus grande place à la télévision pour les minorités visibles,…
pour la raison que le problème était mal posé.
Le service public de la télévision ne fait pas partie de la fonction publique. Les candidats ne sont pas recrutés lors d’un vrai concours.
On voit donc des journalistes qui ne parlent que le globish, des présentateurs humoristes auto-proclamés…., presque tous ( ?) époux, fils, filles, neveux, concubins, etc.
Si le brillant Normalien Leopold Senghor avait préféré la jeune RTF, Radio Télévision Française, à sa belle carrière d’homme d’Etat, au moins la moitié des présentateurs seraient aujourd’hui d’origine sénégalaise.
Il est infiniment plus facile pour un enfant d’immigré d’entrer sur concours ( écrit anonyme, oral public) à Normale Sup ou à Polytechnique, qu’à la télévision.
Professeur Emmanuel Gilquin.
Rappel : en latin, langue de l’Eglise, nepos ( génitif nepotis) signifie le neveu (celui du Pape ou d’un membre de la Curie Romaine).
Un peu, mon neveu !!!!
Et des politiciens réputés intelligents qui on défendu bec-et-ongles Jean-Jean quand celui-ci essayait de constituer son premier trésor de guerre, ça n’est pas un bon exemple d’une aristocratie qui ne dit pas son nom ?
Un qui s’est bien marré dans cette affaire, c’est le fils Bongo. Maintenant il est sûr que la France lui fichera la paix…