Au zénith de sa forme actuelle, Aubry ne remplirait pas le Bataclan…On sent comme un vide !
Comme Musset venu pour voir jouer Molière au Théâtre français, les socialistes se sont fait rares au « Printemps des Libertés » organisé par Martine Aubry et ses amis. Terrible salle vide aux deux tiers, dans laquelle le rouge était surtout la couleur des sièges inoccupés. Comme, pour un parti de la taille et de l’expérience du PS, remplir des salles est le b-a-ba des campagnes électorales de tout niveau, il faut arrêter de tourner autour du pot : Martine, tu t’es plantée grave ! Et pourtant, dans le contexte que nous connaissons, alors que la popularité de Sarcoco est au plancher, que sa majorité se tiraille, que l’opinion enrage de voir le bouclier fiscal plus sacré que le bouclier social, que les jeunes et les vieux foncent dans le chômage et que la revendication à l’ancienne, avec pancartes et slogans, remplit les rues, l’opposition, logiquement, a la main. Encore faut-il qu’elle joue son rôle d’opposition autrement qu’en ayant l’audace de participer aux cortèges syndicaux et de titiller le bouclier fiscal par le biais de la Commission des finances. Et en organisant des cérémonies politiques dont les motifs et les objectifs sont loin d’être absurdes (le sarkozisme glisse nettement vers un bonapartisme bien assis sur la restriction des libertés), mais qui ne sont pas au premier plan des préoccupations des Français ! Cela ne signifie pas que lesdits Français ne pensent qu’à leur gamelle – le même week-end, la mobilisation pour le Sidaction le prouve. Mais à quand les réponses attendues aux questions incontournables ?
Le job de l’opposition, en temps de crise, ce n’est pas seulement de s’affoler contre la nomination d’un copain du Président à la tête d’une banque (ce coup-fourré n’a rien d’original, seule la méthode montre que Niko ne s’embarrasse même pas de sauver les apparences…), c’est de faire des contre-propositions fortes et crédibles, et au moins de se prononcer fermement sur les questions ouvertes par les manifestations, sur les licenciements massifs (faut-il les interdire et comment ?), sur le pouvoir d’achat (faut-il le relever, et comment ?), sur l’intervention de l’Etat dans le sauvetage des institutions financières (jusqu’où et comment ?) : sur tout cela, rien de clair, rien de sonore, rien qui secoue ! La campagne présidentielle de Ségolène, bricolée au « feeling », dira-t-on pour être gentils, a montré les limites des bons sentiments servis avec du beurre compassionnel et de la mayonnaise charismatique : raison de plus, pour Martine Aubry, montée au créneau avec l’intention affichée de reconstruire un gauche « sérieuse », de ne pas se contenter de fouetter la crême pour fourguer le babeurre, comme disait ma grand-mère. Que la gauche ait des valeurs (et pas seulement côtées en Bourse), c’est l’hypothèse de départ ; que ces valeurs puissent inspirer un barrage social contre le tsunami de la crise, on peut légitimement l’espérer (sinon, quoi ?) ; mais que cela puisse se faire simplement par un discours classique contre le Grand Méchant Loup, en adoptant l’air raisonnable d’un parti trop vieux pour se laisser aller désormais à prendre des risques… C’est vraiment un peu court !
En fait, l’actualité du PS a été l’étrange liste des Européennes, qui est aux chaises musicales ce que la grande roue des Tuileries est au manège de foire, avec, dans chaque région, une course éperdue vers la queue du Mickey, des transferts géographiques remarqués, et un sens proclamé du renouvellement qui se traduit par le première place arrachée de haute lutte en Limousin pour l’ex-sénateur de la Seine-Maritime, ce cher Henri Weber (quarante ans de politique) qui a jadis quitté Krivine pour Fabius et dont le mariage somptueux, fin 2007, a été la dernière occasion d’être dans les gazettes. Un vrai mercato de printemps, qui a du consommer un nombre fou de coups de fil, de mails, de concertations, de calculs, de promesses, bref : la même chose qu’à l’UMP, mais en plus « grand public », et avec cette prime à la notabilité rhumatismale qui a pu apparaître aux connaisseurs comme un revival de la SFIO. On se doutait que Martine, du haut de son beffroi, voulait avant tout s’occuper des cloches, on n’est pas déçus : on a les cloches, les araignées, les hiboux, et la confirmation que, comme la SFIO, elle envisage de gérer un parti d’élus nourri par des militants soudés par des kermesses, en remplaçant les débats dans les sections par des concours de belote. Mieux : on a vu surgir le fantôme de Lionel Jospin pour flétrir, en duo de crooners avec Laurent Fabius, le retour de la France dans l’OTAN, sur lequel les Français vibraient d’impatience de connaître son sentiment. Sortir de la naphtaline le gars qui après avoir été cinq ans Premier ministre, s’est fait niquer par Le Pen au premier tour, et a eu les mots que l’on sait pour Ségo après avoir, quant à lui, gaulé le score minimal du PS à une présidentielle, ça, c’est une idée stimulante, on a besoin d’experts comme lui quand on veut avoir l’air sérieux. Ah ! que tout cela est mal foutu, mal inspiré, vieillot, empesé, vide de sens, émoussé comme le couteau que l’on ne porte plus entre les dents rue de Solférino, d’accord, mais qui pourrait trancher autre chose que le sable de l’île de Ré !
On sent bien qu’en l’état des choses, les seules défenses des français les plus faibles contre la crise, c’est notre culture de la protection sociale contre laquelle, naguère encore, les libéraux tempêtaient. Mieux : il est clair que la ligne de résistance du pays face à la catastrophe générale, c’est cette originalité d’un Etat qui, hier, a su nationaliser et imprimer aux banques françaises un style qui les a relativement protégées des emballements spéculatifs, et qui a bâti sur le social à la fois une bonne démographie et une solide épargne des ménages. La gauche pourrait se vanter à juste titre d’avoir largement contribué à construire ce socle et ce rempart, que la droite a toujours rêvé de liquider. Mais voilà : le PS ne prend même pas la peine de moucher Parisot quand elle continue à béatifier les grands patrons gavés de stock-options et à réclamer un sabordage du droit du travail ; il ne détaille aucune offre d’une politique des revenus, d’une réévaluation des bas salaires, d’un frein légal à la précarisation des emplois (quelques allusions à feu l’autorisation administrative de licencier, dans le flou…) ; même Méhaignerie a été plus précis quel le PS en fixant une barre chiffrée au-dessus de laquelle on « pourrait » demander un impôt de crise ! Un vrai gauchiste ! Alors, cela va bien de dire que l’extrême-gauche fout le souk, mais en tout cas, les amis du facteur traitent la détresse comme de la détresse, la colère comme de la colère, et ne répondent pas que la solution au chômage, c’est la formation, comme il est de bon ton de le dire depuis trente-cinq ans sous la rose et le point-virgule.
Il y a en France des forces considérables dans la jeunesse, dans les savoirs, dans les « quartiers » qui désormais s’en prennent plein la gueule (ils ramassent 57% de la hausse du chômage, y compris pour les diplômés de la zone…), dans les PME que les banques laissent crever, dans ce qui reste de la production industrielle en France, et tout ce que Martine a offert comme spectacle, c’est un discours hugolien et le transfert de Peillon en Côte d’Azur ! Il en faudra plus pour remplir vraiment le Zénith quand la température aura encore monté d’un cran…
Lire ou relire sur Bakchich.info :
Cher Séverin,
Le texte que vous signez est savoureux dans le goût autant que véridique dans le fond.
Les questions posées sont aussi les bonnes, d’autant que le PS n’attire effectivement plus dans l’électorat populaire. De ce point de vue, la détresse du PS ne change pas avec la tête du capitaine Lionel déchu ou les sourires des Madonnes rivales.
Vous avez mis le doigt, si l’on peut parler ainsi, sur l’abime croissant qui sépare ce PS de la population, laborieuse ou chômeuse, et des réalités que l’immense majorité vit chaque jour.
Un aspect du PS me semble avoir été "oublié" dans le tableau car il lui aurait apporté un complément bien nécessaire pour saisir ensuite l’ensemble des problèmes du PS dans toute leur vaste pluralité : la richesse et l’attrait du luxe ostentatoire de nombre de ses dirigeants, dont l’affaire Julien Dray donne un aperçu plus que choquant quand on sait que plus de 52% des citoyens ne peuvent payer d’impôt sur le revenu du fait de…revenus trop faibles pour cela !
Il existe maintenant un gouffre entre les responsables PS vivant toutes et tous avec des revenus au minimum 10 à 20 fois supérieurs à ceux des électeurs qu’ils ont trahi tant de fois et justement ces 52% de citoyens, et ceux qui, payant l’impôt encore cette année, ne sont pas sûrs de le payer faute de travail l’an prochain.
Le PS se voulait le Parti des Solutions. Il est seulement le Parti des Satisfaits !
Or, le pays est aujourd’hui très insatisfait, voire en colère et cherche une issue pour assurer l’avenir. Un Parti des Satisfaits ne trouve aucun écho dans ce contexte.
Bien cordialement à vous,
PS (sans jeu de mots) : A quand un petit suivi des affaires qui encerclent Julien Dray et ses amis, juste pour montrer qu’au PS, on sait aussi choisir, comme Nicolas Sarkozy, les montres de luxe et s’afficher, comme Nicolas Sarkozy, dans les palaces très onéreux pendant que 30% des habitants de Grigny sont sans emploi, pourcentage qui ne tient pas compte des emplois précaires ? Julien Dray est l’archétype et la synthèse des problèmes du PS.