Le patronat a beau se déchirer devant la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris, on ne sait toujours pas où se sont envolés les 19 millions d’euros distribués en liquide par l’UIMM…
Laurence Parisot attaquant en diffamation un ancien président de l’UIMM, l’Union des industries métallurgiques et minières, Daniel Dewavrin, le tribunal imaginait en apprendre un peu plus sur les destinataires de l’argent liquide que Denis Gautier-Sauvagnac, patron de l’UIMM quand les mystérieux retraits ont été révélés à la justice, retirait des caisses de la fédération. Quelque 19 millions d’euros ont été versés à d’heureux bénéficiaires, que l’enquête judiciaire peine à retrouver.
Et Laurence Parisot, patronne du Medef, dont l’UIMM est la composante la plus importante, n’en savait rien… Arrivée au tribunal lundi 19 en compagnie de son avocat William Bourdon (également conseil de Bakchich), sa coach Rosine Lapresle-Tavera et son chef de cabinet, elle veut laver son honneur et celui des 800 000 entreprises que le Medef représente. Non, assure-t-elle, elle ne connaissait pas les pratiques en vogue. A-t-elle lu le livre paru cette semaine, écrit par un journaliste des Echos et versé lundi aux débats, expliquant qu’en 2005, au moins trois personnes ont évoqué avec elle des pratiques "peu claires" menées au sein de l’UIMM ?
A-t-elle oublié que l’ancêtre du Medef, le CNPF, distribuait en son temps, lui aussi, de belles enveloppes bourrées de billets ? Mais c’était il y a un bail et ne concerne pas la saisine de la chambre de la diffamation. Seules les accusations portées par Dewavrin - connu du public depuis l’affaire Luchaire, du nom d’une entreprise d’armement qu’il présidait, mêlée à des ventes d’armes illégales à l’Iran et des retours d’argent vers le Parti socialiste - sont examinées par ce tribunal. Pour lui, Laurence Parisot connaissait de longue date le système des "enveloppes".
Son successeur à la tête de l’UIMM, Denis Gautier-Sauvagnac, s’était entretenu avec Parisot des enveloppes en juin 2007, pour lui confirmer ce qu’elle savait déjà - soit trois mois avant que l’affaire explose. Elle aurait alors dit : "Je vois que ça continue". La patronne des patrons, selon Dewavrin, feint l’indignation pour mieux asseoir son pouvoir sur l’organisation patronale et virer l’UIMM des postes de pouvoir au Medef. Ce qui s’est en effet passé… Mais est-ce là l’essentiel ?
"Je suis impatiente, j’attends ça depuis le 8 mars 2008", assure à la barre d’une voix posée Laurence Parisot, rappelant que le jour où Dewavrin s’en était pris à elle tombait pour "la journée de la femme". "Je n’oublierai jamais". "Il fait croire au public que je peux être englobée dans leur système. On cherche à me mettre dans le même sac", ajoute-t-elle.
Laurence Parisot, pendant qu’elle parle, doit sentir dans son dos les regards et les moues des avocats - Jean Reinhardt, Jean-Yves Le Borgne - des responsables de l’UIMM assis derrière elle. Elle recadre le débat, exigeant d’apprendre ce que flics et juge n’arrivent pas à débusquer : la vérité. "On ne sait toujours pas. Je souhaite connaître toute la vérité", assène-t-elle.
Mis en examen, Denis Gautier-Sauvagnac est venu donner un coup de main à Dewavrin en témoignant. Il avait reconnu les faits devant le juge Le Loire, sans livrer les noms, reconnaissant juste quelques primes ou prêts versés à des cadres et des employés. Rebelote lundi. "DGS" tient toujours autant sa langue. Un autre ancien président Arnaud Leenhardt, s’est déplacé. Pour les révélations, il faudra repasser. Le mystère reste entier.
A lire ou relire sur Bakchich.info