En pleine période de mercato – le marché des transferts de joueurs de foot –, le Paris Saint-Germain a du mal à recruter des pointures pour la saison prochaine. Sans doute parce que le club le plus drôle du monde a toujours eu un peu de mal à identifier ses interlocuteurs. Même en interne… Ainsi le club n’a jamais coupé avec Pierre Frelot, son ancien directeur financier devenu agent de joueur et mis en examen dans le dossier des transferts frauduleux du PSG. Et ce malgré les oukazes de l’actionnaire d’alors, Vivendi.
Petit rappel historique : Le 3 janvier 2005, en pleine trêve des confiseurs, une information judiciaire est ouverte contre X, pour abus de biens sociaux, complicité et recel d’abus de biens sociaux, au préjudice du Paris Saint-Germain, dans le cadre des transferts de joueurs réalisés par le club, entre 1998 et 2003.
Chez Vivendi Universal, alors « actionnaire de l’actionnaire » (Groupe Canal +) du PSG, la nouvelle met un terme un brin brutal à la traditionnelle cérémonie conviviale des vœux de bonne année. Sans tarder, on décide d’engager un audit du club, histoire de vérifier que les recommandations contenues dans le rapport rédigé à la fin du contrôle précédent qui date quand même du 3 juin 2003, ont bien été mises en œuvre par les footeux du groupe. Et sans doute aussi un peu pour s’assurer qu’on ne risque pas de trouver quelques cadavres au fond d’une armoire oubliée.
Le mec en charge de la sale besogne n’est pas un novice : Vincent Vallejo a rejoint Vivendi en 1998 et dispose d’un joli pédigrée. Il est directeur de l’audit interne et « des projets spéciaux » depuis le 10 mai 2004, après avoir été directeur-adjoint de l’audit interne pour l’Europe et l’Asie et avoir passé, entre autre, 7 ans chez Ernst & Young. Bref, pas le genre de type qu’on balade facilement. D’ailleurs dès début mars 2005 et sans excès de diplomatie, il fait part de ses premières inquiétudes à Eric Pradon, directeur financier du Groupe Canal +.
Faut croire qu’il se montre assez convaincant. Une joli brochette de mémo confidentielles, que Bakchich a pu parcourir goulument, en atteste.
Dans un mémo du 25 mars à Francis Graille le grand timonier du PSG, Pradon se départit lui aussi de son exquise délicatesse légendaire : « Francis, …tout ce qui concerne cette affaire doit rester totalement confidentiel à l’intérieur et à l’extérieur de la société y compris vis-à-vis de ton comité de direction….Tu m’as dit hier que Pierre Frelot t’avais posé des questions à ce sujet ; même si tu ne lui a donné aucune info importante, je pense qu’il ne faut surtout pas lui parler…je te confirme les décisions prises hier : arrêt total des relations du PSG avec Pierre Frelot… », ledit Pierre, ancien directeur financier du club devenu depuis agent de joueur et dont les grosses tête du groupe se méfient.
Le 4 avril, Pradon en repassera une couche au malheureux président Graille en le rudoyant comme un garnement turbulent : « Francis… En refusant de prendre en compte nos demandes, en l’occurrence mes demandes, tu prends le risque de nuire à l’image et aux intérêts du groupe… ». Déchainé l’ami Pradon… Il a même commencé dès la veille, soit le 3 avril, à jouer au petit rapporteur avec son patron Bertrand Meheut le président de Canal, avec copie à Bompard Alexandre, le souriant responsable des sports de la chaîne cryptée.
Le mémo vengeur, a eu accès ratisse large : « Depuis un an et demi, refus d’écouter le Groupe et de faire partir les salariés dont les agissements n’étaient pas clairs : Pierre Frelot, départ 6 mois après notre demande… Attestation faite à la FFF pour Frelot expliquant que depuis l’arrivée de Francis Graille en mai 2003, Frelot n’avait plus eu d’activité sportive ; cette attestation, fausse puisque Frelot a signé des contrats au moins jusqu’en août 2003, lui a permis d’obtenir sa licence d’agent de joueur en avril 2004, alors qu’il aurait du attendre au moins un an (décembre 2004) avant de l’obtenir. Frelot faisant partie des cibles potentielles de la justice, cette attestation pourrait laisser planer le doute sur le PSG et donc son actionnaire… De plus, la présence de Frelot à la tête de la plus grosse écurie de joueurs est un handicap pour le PSG car j’ai interdit à Francis Graille toute relation avec Frelot… ».
Sauf que, hilare et sitôt pourvu de sa licence en mai 2004 grâce à la fausse déclaration de Graille, Pierrot-Sans-Gène dit « PSG » n’avait rien trouvé de mieux à faire que de refiler Armand le courageux latéral gauche, à son ex-employeur, et de facturer 351 000 Euros pour le service rendu. Pas mal pour un type avec qui le PSG ne devait entretenir aucune relation…
Le 29 avril, dans un mémo un doigt plus formel expédié à Meheut et Bompard, Vincent Vallejo rechargera la mule Frelot jusqu’à l’extrême : « (…) Emission d’une lettre ambiguë qui aurait permis à P. Frelot (licencié du PSG) d’obtenir son statut d’agent de joueurs en marge de l’article 15-2 de la loi du 16 juillet 1984 qui interdit aux anciens dirigeants du club d’exercer le métier d’agent moins d’une année après la fin de leurs fonction (…) P. Frelot est apparu depuis comme ayant contribué aux détournements de Rodolphe Albert (près de 177 000 Euros signés ou co-signés par Frelot). P. Frelot a signé les contrats de M’Bami (15 juillet 2003), Sorin (31 Aout 2003) et Potillon (31 aout 2003) alors qu’il était sur le départ suite à un audit mené en avril/juin 2003…)(…)
Rodolphe Albert : Sur les 2 millions recensés, 482 000 Euros sont relatifs à la période F. Graille (1er juillet 2003). Ces détournements ont été réalisés avec une possible complicité des équipes comptables et de P. Frelot… ».
Diantre. Pour ignorer les consignes des actionnaires, nul au PSG ne doit connaître le visage de Pierrot… à qui l’on impute, du côté de Canal, de bien mauvaises manières.
Quelques mois plus tard, la justice, identifiera facilement Frelot. Et va s’occuper de son cas et lancer des commissions rogatoires internationales tout azimut, en vue de déterminer la raison pour laquelle il a pu mettre la main quasi-gratuitement sur l’écurie de joueur de Pape Diouf, véritable « money machine » (cf. les rois des transferts ). Le tout assorti d’une mise en examen pour travail dissimulé et usage de faux dans le cadre de l’enquête sur les transferts frauduleux du PSG entre 1998 et 2003.
Quand l’affaire va enfin venir à la barre du tribunal, gageons que le public, gourmand, s’arrachera les places pour connaitre l’épilogue des exploits des véritables Usual Suspect.
Lassé d’entendre davantage parler de contrats fictifs et d’attaché-cases en croco bourrées de cash - et de ponde mémo sur mémo- que de reporting, Eric Pradon a lui quitté le groupe Canal+ en juin 2006 pour rejoindre Le monde du luxe de LVMH. En qualité de Directeur Administratif et Financier de la marque Louis Vuitton malletier…
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