Troisième journée du championnat de France de Ligue 1, l’OM affrontait Lorient. Récit d’une soirée qui rappelle les riches heures du plus grand club du monde.
Un air de vacances flotte sur le boulevard Michelet. Ou une odeur de mauresque. 18 heures samedi, les Marseillais se rendent au sanctuaire, le Stade Vélodrome, pour l’office de la semaine.
Troisième journée du championnat de France de Ligue 1, l’OM affronte Lorient. Et les fans du plus grand club du monde s’adonnent religieusement à leurs ablutions autour du rond-point du Prado. Sur les tables de jardin, mobilier soigneux des buvettes alentours, trônent bouteilles de Ricard et de 51. Cadavres qui ressusciteront fort vite tant la foi des croyants semble inaltérable. Et œcuménique. Des cars venus de toute la France, comme chaque semaine, garnissent les parkings voisins.
En route vers la célébration, tout se croise. Torse nu, maillot de bain, talons hauts ou tongs. Accent pointu [1] banni, et minois un peu crispés. Le début de saison a un brin troublé les supporters. Deux matchs, deux défaites, un recrutement chaotique. Mais le pastis aussi se trouble au contact de l’eau. Pas suffisant pour arrêter de s’en délecter. Ou stopper la procession, sous l’irradiant soleil estival.
De la petite blonde qui accompagne son père (enfin, espérons…) aux jeunes des quartiers nord venus en groupe, en passant par une horde descendue tout droit de la rue Paradis, bermuda et mocassins obligatoires, bardés d’un petit pull sur les épaules, un emblème de ralliement. Le logo de l’OM. Qui sur une écharpe (30 degrés au bas mot pourtant), qui sur un maillot (la majorité) ou sur un short. Le design des tenue des joueurs changeant trois fois par an, seul l’emblème demeure inchangé. De l’amour du maillot. Et du plaisir de se rendre vers le lieu sacré. En un vocabulaire précis.
On ne va pas pas assister à un match, on va au stade. On ne va pas regarder du football, on va admirer du ballon ; pas soutenir un club, encourager l’Ohème.
Et nul ne s’en lasse.
A quelques minutes du coup d’envoi, le hit "Jump", héritage des années Tapie et d’une gloire dont le club a retrouvé le goût l’an dernier, rugit. Signe que les joueurs ont fait leur entrée sur la pelouse. Et que la sécurité se relâche. Eux aussi veulent voir la partie. Un coup d’œil au sac, une fouille de 2 secondes. Banco. A l’heure pour le coup d’envoi…
En plein soleil, centre de la tribune Ganay. Les virages, à leur habitude, assurent l’ambiance. Les spectateurs, les commentaires ; les supporters, la mauvaise foi. Deux minutes de jeu seulement. Dans sa tenue fluo, l’incapable d’arbitre - aucun penalty sifflé pour l’OM- gagne un surnom. "Stabilo Boss". Sixième minute. Le premier but d’Heinze pour Marseille calme les critiques. Gaby, oh Gaby. 32 ans, toutes ses dents et une rage telle que nul n’ose tiquer sur le salaire de l’ex du Real et…du PSG.
Les Lorientais, comme des homards, voient la vie en rouge et noir. Les tuniques oranges tombent avec régularité. Trois blessés en 90 minutes. Dont un malheureux qui se fracture le tibia sur une frappe de Brandao. "Les Bretons ont pas l’habitude du soleil, le granit résiste pas". Analyse imparable. Le soleil se couche. Ganay enfin à l’ombre. Un missile de Taiwo, l’arrière gauche. 2-0. Plus la peine d’allumer de cigarette. Place aux mélanges qui font rire. Même les accélérations de Gameiro, l’attaquant adverse sur lequel a lorgné Marseille, et qui a martyrisé la défense olympienne, s’estompent.
Un peu inquiète, une casquette jaune, baptisée "Indurain" par de joyeux drilles deux rangs derrière, se retourne. "J’ai mon train pour Lyon à 21 h 30, je l’aurai ?". Le métro depuis le Stade est direct vers la gare Saint-Charles. La match s’achève à 21 heures. Tant pis pour le feu d’artifice, "offert par betclic.fr", répète inlassablement le speaker, entre deux suppliques au public, afin que les tirs n’aient pas lieu dans un Vel’ vide. Accordé.
Et les yeux commencent à piquer. Mélange de poudre et de souvenirs. Les années Tapie, encore. Quand chaque victoire était célébrée par un feu d’artifice. Quand l’OM écrasait la France et le monde. Quand le Milieu agitait d’une main discrète le club, mainmise voilée par la gloire.
Temps béni dont l’odeur flotte dans l’été… Jean-Christophe Cano, l’agent du nouvel attaquant André-Pierre Gignac, est une vieille connaissance. Ancien directeur sportif du club, toujours proche de la famille Cassone. Avec le fils, Cano chercha à racheter l’OGC Nice. Et chez le père, là haut, dans la colline de Simiane, il avait traîné feu Robert Louis-Dreyfus. Pour une rencontre entre la légende du Milieu marseillais et un proprio du club fâché que les supporters glorifient sa femme Margarita d’une chanson peu amène. C’était en 2002. Lointaine époque de disette. L’an dernier, l’OM a arraché ses deux premiers trophées en 17 ans. Une ivresse irréelle, qui ne perdurera qu’avec la victoire…
[1] (parisien, ndlr)