Champion de France de moto devenu ministre de l’Industrie, Christian Estrosi cultive le registre d’une droite décomplexée. Portrait.
Comme Nicolas, Christian Estrosi est né en 1955 et a toujours été fasciné par son mentor du même âge. Leur engagement politique date de la fin des années 70. Aux côtés de Chichi et du RPR face à un Giscard Président. Les deux ne sont ni des énarques ni des héritiers. L’un comme l’autre ont bâti rapidement un fief politique local duquel grimper dans le jeune parti chiraquien. Sarkozy en plus jeune maire de Neuilly à 28 ans, Estrosi en benjamin du conseil général des Alpes-Maritimes en 1985. Une même génération donc ! Et plus encore : une vision de la droite qui tranche avec une partie de l’héritage gaulliste. Sur la sécurité, l’immigration, la chasse des voix du Front national pour remporter les élections locales et nationales.
L’as des deux roues a su bien gérer les premiers virages escarpés de sa jeune carrière politique : de maire adjoint aux sports en 1983 de Jacques Médecin, maire de Nice qui prit la fuite en 90 pour échapper à la justice française (rattrapé en 94), Estrosi réussit le pari en 1988 de se faire élire dans une circonscription jugée ingagnable face au député socialiste Jean-Hugues Colonna, père d’Yvan. Il devient le seul député RPR élu contre un socialiste sortant cette année-là.
Sa gouaille de notable provençal a le don de donner de l’herpès au poudré (de teint) Jean-Louis Debré, baron du RPR qui lui refuse de briguer la mairie de Nice en 90, en lui prédisant un avenir politique aux allures de traversée du désert. Le jeune gominé perd la fédération des Alpes-Maritimes sous les ordres du chouchou de Chichi et se console auprès de sa seule oasis de fortune : la vice-présidence du conseil régional PACA, sous les bons auspices de l’actuel maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin.
Gagnée grâce aux voix courtisées du parti lepéniste, Estrosi ose les rapprochements avec la victoire de Sarko en 2007 par ces mots doux : « La campagne qu’a menée Nicolas Sarkozy, c’est déjà celle que je menais en 1992 pour dire aux électeurs tentés par Le Pen dans les Alpes-Maritimes : nous avons des valeurs partagées sur la sécurité, l’identité et le travail, ne vous tournez pas vers les extrêmes ! ».
Car le sort de Sarko à la même période est d’une étrange similitude. Pour avoir trahi le père de toujours, Chirac, au profit du dissident Balladur lors de la campagne présidentielle de 95. Qui lui en fît payer cher le prix, l’excluant de tout poste ministériel durant son premier septennat. De cette épreuve, une solidarité de fortune lie les laissés-pour-compte du chiraquisme triomphant. Estrosi devient un intime de Sarkozy et se fait le porte-drapeau décomplexé de celui-ci.
C’est à partir de 1997, en retrouvant son siège de député, profitant de la dissolution ratée du grand duc corrézien, qu’Estrosi fait son coming-out sarkozyste du haut des tribunes de l’Hémicycle. Par ses prises de positions sécuritaires et conservatrices aux coudées franches. Comme du débat sur le Pacte civil de solidarité (PACS) en 1999, lorsqu’il déclare que « tous ces milliards devraient plutôt aller aux familles qui construisent la France ». Le « patron » des Hauts-de-Seine lui confie les clés du RPR départemental. Tout heureux de se constituer un réseau agrémenté de porte-flingues en vue du torpillage de la Chiraquie en place.
La vulgate sarkozyste en germe à la sauce provençale a connu ses heures de gloire. Ainsi en 98, lors de l’examen de la loi Guigou, il apostrophe la ministre : « Quand vous supprimez l’AGED (Allocation de Garde d’Enfant à Domicile) pour certaines familles, […] ne s’agit-il pas de faire des réserves contre les familles françaises au bénéfice des futures familles immigrées ? ». Ou en 2002, par le dépôt d’un amendement pour la suppression des allocations familiales pour les parents d’enfants placés en centres éducatifs fermés. Avant de batailler ferme pour les peines planchers pour les récidivistes. D’être le rapporteur de la loi sur la sécurité intérieure (LSI) en 2003 et des lois anti-bandes en mai dernier.
Tout comme sa dernière sortie ces jours-ci, où l’actuel ministre de l’Industrie se pose en « ministre des ouvriers » pour rassurer les 366 salariés de New Fabris. Echo lointain à l’héritage de Jaurès revendiqué lors de la campagne présidentielle de 2007. Du Sarko dans le texte. Estrosi copie, lit et récite.
Son Graal : devenir un jour le premier flic de France. Comme Nicolas.
A lire ou relire sur Bakchich :
Selon le livre de Jean Michel Asselin "P. Berhault un homme des cimes" , le motard Estrosi est plutôt décrit comme sympa . ( Editions Glénat p23).
P Berhault : un alpiniste d’exception (grande classe), intéressé par l’ écolo R Dumont (très grande classe), écoutant volontiers F.Zappa (top de la culture rock) et affirmant avec force exécrer le Front National( p 23) Excellent . Berhault /Zappa / Dumont maximum respect ! Y associer du Estrosi ? Pas facile d’ apprécier la nature profonde de certains personnages surtout les politiques …. Estrosi a soutenu comme président du CG des Alpes Maritimes l’enchaînement des 82 4 000 des Alpes par Berhault.