La réforme emblématique voulue par Sarko et décriée par Alliot-Marie, la constitution d’un grand service de renseignement anti-terroriste fusionnant les RG avec la DST, commence à avoir du plomb dans l’aile
MAM a pris sa revanche ! En annonçant l’expérimentation des « unités territoriales de quartier », sorte de police de proximité version 2008, la première fliquette de France a fait manger son chapeau au président. Pendant la campagne présidentielle, Sarko Ier avait en effet exclu tout retour de la « pol-prox » chère aux socialistes. Moins d’un an plus tard, il doit pourtant s’y résoudre, contraint et forcé par l’annonce de Michelle Alliot-Marie. MAM y tenait pour montrer qu’elle restait quand même un peu aussi ministre de l’Intérieur, même si l’essentiel des décisions policières se sont jusqu’ici pris à l’Élysée dans le bureau de Claude Guéant. Celle dont le Chi disait qu’elle avait « une vraie tête politique » [1] a choisi le bon timing pour enclencher la revanche sur le Château. Juste au moment où la réforme emblématique voulue par Sarko et décriée par MAM, la constitution d’un grand service de renseignement anti-terroriste en fusionnant les RG avec la DST, commence à avoir du plomb dans l’aile.
Le couple Sarko-Guéant, qui se prend toujours pour les vrais chefs de la police, avait pourtant pris les choses en main dès l’élection acquise en confiant le dossier à Frédéric Péchenard, le copain d’enfance du président bombardé directeur général de la police nationale. Seulement, avant même d’être mise en œuvre, la belle architecture DCRI concoctée par Péchenard menace déjà de s’écrouler. Premier accroc : si la direction centrale des RG est bien en passe d’être avalée par leurs frères ennemis de la DST, un bastion résiste encore : les RG parisiens.
Traditionnellement État dans l’État, les troupes du commissaire Lafargue, patron des RG parisiens, ont obtenu de rester en dehors de l’usine à gaz et resteront sous l’égide du préfet de police, il est vrai sarkozyste de cœur, Michel Gaudin. Joël Bouchité, le directeur central des RG, voulait les avaler, mais il s’est fait taper sur les doigts. Les manifs des sans-papiers mais également les relations avec la presse et les éditeurs resteront traitées comme avant, sous forme de note d’information remontant jusqu’à l’Élysée…
Pour le reste, le périmètre de la future direction centrale du Renseignement Intérieur (DCRI), promise à Squarcini – « Bernard », comme l’appelle affectueusement le président – reste très incertain. Seul point acquis : les valeureux RG des Courses et Jeux, les flics des casinos, secteur avec lequel Sarko mais également le sous-ministre Bernard Laporte et la chouchou de l’Élysée Rachida Dati, flirtent parfois dangereusement, seront réaffectés à la Police Judiciaire. Les fonctionnaires spécialisés dans la protection des personnalités eux, seront versés à la Sécurité publique.
Les Renseignements Généraux (RG) et la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) sont deux services qui dépendent du ministère de l’Intérieur. Apparus en 1911, les RG sont en charge de l’ordre public. On les retrouve dans les manifestations, ils surveillent les mouvements sectaires ou terroristes nationaux, s’occupent des faucheurs d’OGM… Leur meilleur atout est l’implantation locale avec environ 2 800 agents répartis sur tout le territoire.
La DST, service de renseignement créée en 1944, est d’abord spécialisée dans le contre-espionnage. À la disparition du bloc soviétique s’y ajoute la protection du patrimoine économique et scientifique français. Son action s’est désormais élargie à la lutte contre le terrorisme, devenue sa priorité. La DST compterait aujourd’hui environ 1 500 fonctionnaires mais ses activités sont classées secret défense
La section RG des étrangers balance encore entre la PJ et la PAF de Brice Hortefeux. Autre signe inquiétant d’improvisation : personne ne connaît encore le sort de la section des « dérives urbaines », les RG spécialisés dans les banlieues chaudes. Sont-ils l’avant-garde de la lutte anti-terroriste et donc de la prestigieuse DCRI ou la dernière roue du carrosse chez les pandores de la Sécurité Publique. « Ça change toute les semaines », se plaint un fonctionnaire du cru qui aimerait bien rester dans le QG de Levallois-Perret, la forteresse de la DCRI. Comme l’immense majorité de ses collègues RG. « Le projet Sarko-Péchenard prévoyait qu’une partie des RG refuserait Levallois-Perret et serait candidat à aller régler la circulation à la Préfecture de police, rigole un officier. En fait, aucun ne veut partir de ce futur pôle anti-terroriste, même installé en (proche banlieue). Du coup, il y a un problème d’effectif. À l’heure actuelle, avec les gens de la DCRG et ceux de la DST, on est environ 1 300 et la place manque ». Seule façon de traiter le dossier par le vide, imaginé par les crânes d’œuf de la Place Beauvau : promettre du galon aux volontaires qui accepterait de vider les lieux et rejoindre la sécurité publique. Problème : ça coûte cher et rien n’est prévu dans le budget 2008 pour faire face à la dépense. Encore un problème de pouvoir d’achat à résoudre pour l’Élysée.
[1] Des hommes d’Etat, Bruno Le Maire, Grasset, 2008