En matière alimentaire, progrès scientifique ne rime pas toujours avec avantage sur la santé. La consommation d’acides gras trans (AGT) augmente le taux de mauvais cholestérol et réduit le bon, ce constat est connu depuis 1990.
Les acides gras trans d’origine artificielle sont intégrés aux « shortenings », ces matières premières – margarines – utilisées pour la fabrication des viennoiseries, biscuits, pâtes à pizza… On les retrouve dans une très longue liste de produits de grande consommation [1], et dans les produits de nombreux restaurateurs et boulangers.
En avril 2008, l’Inserm, publiait un rapport démontrant un lien entre les AGT et le cancer du sein et du colon. Un rapport publié par l’Afssa en 2005 estimait à 5% la part de la population française, soit 2,5 millions de personnes, qui consommaient trop de ces matières grasses. La faute à la junk food !
Comme tout, il ne faut abuser de rien. Et la consommation d’AGT n’est pas dangereuse pour la santé en dessous d’un certain seuil. Ledit rapport de l’Afssa recommandait ainsi de limiter à 1g pour 100g de produit et demandait ainsi aux industriels de réduire leur recours à ces matières dans un délai de deux ans.
Dans quelles proportions peut-on en trouver dans notre alimentation ? Un rapport de l’Institut Français pour la nutrition (IFN) de juin 2008 et le dernier avis de l’Afssa sur le sujet daté de février dernier, se veulent rassurant. La limite de 2% de l’apport énergétique total en AGT à ne pas dépasser serait respectée en France. Les industriels auraient donc réduit leur recours aux matières grasses hydrogénées. Chapeau bas… ? Pas sûr. L’Afssa note que pour de nombreux produits, notamment les plats cuisinés et les produits des hard discount, l’indication de la présence d’AGT est absente de l’étiquetage.
En février 2009, le magazine conso Que Choisir publie pourtant une étude révélant une présence trop élevée d’AGT « artificiels » dans les croissants. Les matières grasses et les margarines utilisées par les boulangers – les fameux « shortenings » – sont en cause.
Pauvres consommateurs ! Les AGT sont bien cachés et pour les éviter, encore faut-il pouvoir les débusquer ! Il est rare de trouver la mention « acides gras trans » sur l’étiquette d’un produit. Elle se cache sous la dénomination « matières ou huiles hydrogénées » ou « acides gras hydrogénés ». La seconde recommandation en 2005, l’étiquetage obligatoire des produits et de leur teneur en pourcentage en AGT, est restée lettre morte.
Pour l’instant, en France, les AGT ne sont pas interdits et l’étiquetage n’est pas obligatoire. L’Union Européenne laisse les Etats membres libres de les interdire ou non, mais une législation devrait voir le jour en 2010 [2]. « En l’état actuel de la réglementation, on ne peut rien faire faute de base juridique », explique la DGCCRF (Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes).
Le ministère de la Santé, quant à lui, prône la prévention et la sensibilisation du consommateur avec des « plans nutrition ». Des engagements ont été seulement proposés par le ministère aux entreprises qui renonçaient à utiliser les gras trans. A ce jour, seules deux entreprises ont décidé de s’y soumettre : Unilever et Saint-Hubert. C’est peu !
Un rapport de l’Inspection des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales de juillet 2008, proposait de surtaxer la mal-bouffe, il fut vite botté en touche. Alors face aux étiquettes muettes et en attendant une législation plus claire, les consommateurs devront rester vigilants.
C’est à Martine Ducoudray, nutritionniste et diététicienne à Paris, que revient le mot de la fin, « je dis à mes patients "faites à manger, ne prenez pas des choses toutes faites !" ».
À lire ou à relire sur Bakchich.info :
[1] Le site www.grastrans.com propose aux consommateurs d’établir eux-mêmes la liste des produits qui contiennent des AGT.
[2] La mairie de New-York a interdit depuis 2006 l’utilisation d’huiles contenant des acides gras trans dans les restaurants. Au Canada, aux Etats-Unis et au Danemark des lois obligent les producteurs d’indiquer la teneur en AGT sur l’étiquette des produits.