Avoir faim est pénible partout mais, en France, c’est inadmissible. Voilà sans doute pourquoi Sarko a propulsé notre gastronomie devant l’Unesco.
Le monde savait que seuls les Français, à table, étaient enclins à parler de ce qu’ils ont mangé la veille, de ce qu’ils sont en train de manger et de ce qu’ils mangeront demain. Le voici contraint de vénérer notre « repas gastronomique », qui « met l’accent sur le fait d’être bien ensemble, le plaisir du goût, l’harmonie entre l’être humain et les productions de la nature ». Tandis que chez les autres, à l’heure du repas, on se déchire entre convives, on se fait souffrir en mangeant des horreurs et on invite un végétarien pour lui objecter le cri de la carotte qu’on arrache.
Avoir faim est pénible partout mais, en France, c’est inadmissible. Voilà sans doute pourquoi Sarkozy a propulsé notre gastronomie devant l’Unesco. Il ne l’a pas fait pour lui (il nourrit son petit corps en sept minutes et trois crottes en chocolat, dit-on), mais pour ses quatre à cinq millions de concitoyens qui, selon les statistiques, ont du mal à remplir leur gamelle. On en a vu, à la télé, qui avouent sauter un repas pour mieux nourrir les enfants. Nicolas a bien compris que ces négligences la foutaient mal : hop, on les planque sous la blanquette (qui en anglais veut dire « couverture ») !
Depuis le Festin de Babette, on sait quel bonheur notre bouffe apporte aux tristes protestants, sans compter tous les fanatiques qui ne connaîtront jamais la saveur du pâté de tête et du Jésus (de Lyon). Nous décillons, nous libérons les papilles, nous révélons : que fassent pénitence ceux qui, comme Sarah Palin, croient cuisiner en grillant des marshmallows ou en saupoudrant de cumin un steak d’ours haché glissé entre deux brioches.
D’ailleurs je bois un jaune à leur santé – l’apéro est le premier acte obligatoire du « repas gastronomique français » – et j’attaque les rillettes pour me caler. On ne sait jamais : au dessert, faudra goûter le « pain d’épices du nord de la Croatie », autre lauréat du patrimoine de l’humanité. Roulé sous les aisselles ?