Le grand institut de la vigne et du vin de Bordeaux ouvrira ses portes, avec un peu de retard, à la fin de l’année. A l’occasion de « Bordeaux fête le vin », « Bakchich » vous offre un petit tour d’horizon des enjeux autour de la dive bouteille.
Le vin et Bordeaux, toute une histoire qui fait de la préfecture girondine la capitale mondiale du précieux liquide. Alors que Bordeaux s’adonne ce week-end à la fête du vin, une facette moins connue du monde viticole mûrit doucement à l’ombre de la ville : la recherche scientifique. L’Institut Supérieur de la Vigne et du Vin (ISVV) ouvrira ses portes fin 2008. Bakchich a exhalé pour vous les saveurs cachées des dessous du grand institut du vin bordelais.
Les stars affluent ce week-end au bord de la Garonne : Claudia Cardinale, Yamina Benguigui ou Charles Berling se délecteront, rive gauche, des plus grands millésimes bordelais. Pendant ce temps, plus en amont, sur le site de l’Inra à Villenave d’Ornon, le grand institut supérieur de la vigne et du vin (ISVV) fermente. 29,7 Millions d’euros de budget, un nouveau bâtiment de 10000 m² ultramoderne rassemblant la fine fleur de la recherche, de l’enseignement, de l’innovation et de la technologie vitivinicole, comme on dit dans le jargon œnologique.
Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, Bordeaux a perdu le leadership – la direction pour les puristes – en la matière. Alain Rousset, président du Conseil régional, et battu aux dernières municipales par Alain Juppé, visitait le chantier le mois dernier : « Il manquait un lieu de rassemblement, la recherche autour du vin glissait vers d’autres régions, notamment celle de Montpellier ». Fichtre ! Bordeaux la Girondine doublée par la Languedocienne en matière de recherche viticole ? Principal initiateur du projet, le Conseil régional d’Aquitaine, qui finance l’ISVV à hauteur de 60%, n’a pas souhaité répondre à une question aussi « négative ». Il n’y pourtant pas lieu de rougir… Serge Delrot, chercheur à l’Inra et directeur de l’ISVV depuis mars 2006, nous a répondu sans détour : « C’était une décision politique nationale, prise par l’Inra il y a une vingtaine d’années. A Bordeaux, nous manquions de visibilité. Il fallait donc construire un grand institut pour répondre aux défis de demain ».
Et ces défis sont nombreux… Car les professionnels sont inquiets face aux mutations du monde viticole. Alain Rousset précise : « L’initiative est venue de la profession, qui m’avait alerté du fait qu’il manquait un lieu de rassemblement autour du vin ». Le conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) finance d’ailleurs le projet à hauteur de 4,6%, et attend beaucoup de la recherche. Car de multiples menaces pèsent. Et certaines ne manquent pas faire froid dans le dos de tous les amateurs du jus d’octobre : « A terme, à cause du changement climatique, les vignerons bordelais ne pourront plus cultiver du merlot, il leur faudra changer de cépage », explique Serge Delrot. Un bordeaux sans le cépage qui a fait sa mondiale renommée ? Aussi inconcevable qu’un champagne sans bulles. « C’est donc l’un de nos deux axes principaux de recherche : l’adaptation au changement climatique, grâce à la diversité génétique des raisins. » Jusqu’à fabriquer un vin OGM ? « Nous n’en sommes pas là. La diversité génétique des raisins nous permet de nos adapter sans modifier les gênes. » Les buveurs invétérés de Pomerol, Saint-Emilion et autres Margaux l’ont échappé belle. Pour l’instant.
Autre axe de recherche : la viticulture durable. Car en France, selon Monique Jonis, responsable de la section viticulture de l’Institut National de l’Agriculture Biologique (Itab), « Les viticulteurs polluent en proportion deux fois plus que les autres agriculteurs ». Serge Delrot en est conscient : « Moins de fongicides, et une pulvérisation raisonnée. Mais je ne crois pas à l’absence de traitement. D’ailleurs, les viticulteurs bio traitent avec du sulfate de cuivre, un produit industriel et toxique ». « C’est l’éternel reproche des viticulteurs conventionnels, rétorque Monique Jonis, ce produit a été balancé à partir du XIXème siècle en grandes quantités pour lutter contre le mildiou. Mais les règles bio sont très strictes : les quantités, faibles, ne dégradent pas les sols. Plusieurs études l’ont montré. Et le bio c’est non seulement travailler sur la plante, mais sur tout son environnement. »
Il n’y a pas lieu, en réalité, d’opposer les deux types de viticulture. Car les échanges se multiplient et les travaux se font de concert. Et l’Inra commence à explorer le domaine du bio. Bien sûr , « pas assez » au goût de Monique Jonis. Mais les 180 chercheurs et les 200 étudiants qui investiront à la fin de l’année l’ISVV, disposeront d’un formidable outil en matière de recherche viticole. « Un institut avec une ambition nationale et internationale », précise Serge Delrot. A la hauteur de la réputation bordelaise en terme de jus de la treille…