Alain Joyandet, le secrétaire d’Etat à la coopération, a fait chauffer la Gold du ministère pour un aller-retour en jet. Mais l’Etat a-t-il enrichi une compagnie compétitive car « off shore » ?
"L’affaire" Joyandet, révélée par nos confrères de Médiapart, vient de subir, alors qu’elle s’apprêtait à atterrir mollement en bout de piste glissante, un dernier rebondissement.
La sortie de piste du secrétaire d’Etat à la Copération entraîne une mesurette. Désormais, comme au bon vieux temps de la cohabitation et du Groupement des Liaisons Aériennes Ministérielles (GLAM), où Mitterrand prenait un malin plaisir à faire annuler les déplacements ministériels de Chirac alors Premier ministre, François Fillon donnera son « imprimatur » avant chaque déplacement à bord d’un jet.
Petit rappel : notre James Bond de la « coopé », sauveur de détenues françaises et accessoirement de l’Ile d’Haïti, saute le 22 mars dans un jet privé pour se rendre à une conférence internationale sur l’avenir d’Haiti, donnée à Fort de France. Retour le lendemain matin. Coût de l’escapade : 116 500 euros. Depuis Alain Joyandet regrette. Le vol aller et retour sur notre compagnie nationale, même en business class coûte 3848 euros. Mais bon, avec « Air Chance » [1], il faut parfois subir des équipages caractériels et on est pas toujours sur que les sondes Pitot soient dernier cri… Et puis le standing du ministre en prend un coup. Air France, c’est pour les pauvres…
Mais Bakchich, soucieux d’équité, a trouvé une circonstance atténuante à notre ministre : à y regarder de plus près, le gaspillage de l’argent public n’est pas si avéré car le secrétaire d’Etat a sans doute choisi la compagnie privée la moins chère du Bourget : le voyage ministériel revient à 5000 euros l’heure de vol alors que la moyenne tourne plutôt autour de 6000 dans cet aéroport pour grands de ce monde.
Retenue pour le voyage, la compagnie Masterjet arrive à pratiquer des tarifs très compétitifs sans doute parce que son certificat de transporteur aérien est établi à Lisbonne, pays pointé par l’organisation internationale de l’aviation civile pour être un des moins regardants d’Europe sur l’entretien des avions. Et pour éviter que notre fisc vienne fourrer son nez dans ses affaires, une partie de ses capitaux est soigneusement gardée en Suisse. Vous savez, l’autre pays de la planque financière ? Et pour couronner le tout, l’avion, un Falcon 7 EX appartiendrait en réalité à un homme d’affaires russe qui a placé son joujou en exploitation chez Master pour se faire un peu de blé.
Contactée, la société Masterjet a infirmé l’information selon laquelle le propriétaire de l’avion serait russe sans toutefois préciser sa nationalité compte tenu "d’un engagement de confidentialité totale". Elle a en outre confirmé que "Masterjet est une compagnie de pavillon portugais" précisant par ailleurs : "La succursale principale est française, basée sur l’aéroport de Paris Le Bourget et assujettie à la fiscalité française".
Notre informateur, pilote de son état, s’inquiète « en fait, pour la fiscalité et l’entretien des avions, ces compagnies font des montages permettant d’être sous le coup de règlementations plus souples ». Il ne faudrait pas que notre secrétaire d’Etat prenne des risques en allant sauver le monde. Certes, mais c’est un peu notre James Bond national. Les bévues d’OSS 117 en plus…
A lire sur Bakchich.info :
[1] Air Chance a été pendant de longues années le surnom d’Air France car on avait une chance sur deux d’être à bord avec un équipage peu aimable