En Amérique du Sud, l’agent triple 000 poursuit de méchants nazis et kasse du juif. Drôle ?
– Tu connais le point commun entre Jean Dujardin, Gad Elmaleh et Jamel Debbouze ?
– Ce sont des comiques ?
– Facile. Mais encore.
– Ce sont les patrons du cinéma français, de vraies machines à pognon.
– Vrai. Mais encore.
– Je ne vois pas…
– Ils n’ont fait aucun bon film.
– Ouh là là, tu vas encore te faire des amis, toi.
– J’ai l’habitude.
– Mais bon, ça se discute, comme dirait l’autre. Et Coco ?
– Bon exemple. Des millions d’euros pour tourner n’importe quoi, n’importe comment, juste parce que Gad a la côte et qu’il met le feu à toutes les émissions TV lors de la promo. Une ode au bling-bling : la gerbe !
– Et Indigènes, avec Jamel dans un contre-emploi, primé sur la Croisette, ou Parlez-moi de la pluie ?
– Les acteurs font ce qu’ils peuvent, mais le film est mauvais, Bouchareb veut nous asséner son message, mais il est incapable de faire du cinéma. La fin, repompée sur Il faut sauver le soldat Ryan, est juste pathétique. Je ne te parle même pas de la bouse d’Agnès Jaoui. Toute la critique s’est enthousiasmée : Jamel peut faire autre chose que ses gags à deux balles sur Canal. On s’en doutait, c’est un performer exceptionnel. Mais son rôle là-dedans, ce n’était même plus du cliché…
– Et Dujardin, c’est un bon, non ?
– Ce n’est pas le problème. C’est un incroyable comédien, mais comme les deux autres lascars, il ne sait pas choisir ses réalisateurs. Ou alors, il sait trop bien les choisir.
– Tu peux être moins clair ?
– Comme Gad et Jamel, Dujardin peut faire ce qu’il veut. Avec son accord, un film peut se monter très facilement. Comment se fait-il alors qu’il ne tourne quasiment qu’avec des tâcherons ou des yes men : James Huth, qui doit être meilleur dentiste que cinéaste, Gérard Bitton & Michel Munz, Valérie Guignabodet, Eric Civanyan, Francis Huster, Philippe Haïm, Franck Mancuso, Eric Besnard. Que des cadors !
– Il était à l’affiche de Le Convoyeur et 99 francs. C’est pas de la merde quand même !
– Il n’a qu’un petit rôle dans le thriller de Boukhrief, mais c’est vrai, 99 francs, de Jan Kounen, incapable de raconter une histoire – remember Blueberry ou Dobermann ! – est une vraie surprise, un ovni au sein de ce cinéma français nécrosé et consanguin.
– Et le nouveau OSS 117 ?
– J’avais pas aimé le premier. Jamais on ne riait pas avec les personnages, on se foutait d’eux et surtout de cette truffe d’OSS, gros macho, réac et raciste qui dégueulait pendant deux heures sur les Arabes. Tellement drôle. Avant en cadeau bonux, l’humour Canal, prétendument référentiel, second degré.
– C’était plutôt pas mal réalisé.
– Même si je ne suis pas fan, il faut bien admettre que Michel Hazanavicius connaît le cinéma, qu’il est plus doué que Gad Elmaleh le mégalo et que la plupart des réalisateurs de comédie qui souillent les écrans. Son film est élégant, très graphique : décors soignés, belle photo, costumes vintage… Pour une fois, les producteurs de Mandarin (3 zéros, Brice de Nice, Jet Set 1 et 2, Hellphone : que de la qualité !) ont mis le pognon sur l’écran et Hazanavicius repompe intégralement les cadres, les mouvements de caméra, la musique lounge des OSS originaux. Mais ce n’est plus un hommage, c’est du copier/coller.
– Alors ?
– Alors ça tourne à vide. Et c’est encore plus flagrant dans ce nouvel opus. La forme est réussie, le fond… Pas très palpitant, Rio ne répond plus est beaucoup moins rythmé que le premier, mais ce qui me gêne encore plus, c’est le discours qui accompagne le film. Dans le dossier de presse, Hazanavicius déclare : « Il n’y a pas 36 minorités qui permettent de faire des « vannes interdites ». Celle où l’on se dit que le personnage va trop loin, qu’il ne faut pas faire ce genre de blagues, et qu’on prend un petit temps pour se demander si le rire est possible. Selon moi, il n’y a que les Arabes, les Noirs et les Juifs. Comme il était confronté aux Arabes dans le premier, il était temps de changer et c’est tombé sur les Juifs. » Alors cette fois donc, « c’est tombé sur les Juifs », et Hazanavicius avec Jean-François Halin, ancien auteur de Guignols, peuvent s’en payer une bonne tranche. Morceaux choisis : à propos de la Shoah, « Ah oui, quelle histoire, ça aussi ! » Et encore, « Y a forcément une amicale d’anciens nazis, un club, une association… » ; Et pour la bonne bouche, « Notre peuple a nourri beaucoup de fantasmes. » Ce à quoi OSS répond : « Ah ben oui, merci de le reconnaître, y a forcément une petite part de responsabilité ! » Kolossale rigolade…
– Il y a quand même la scène de partouze.
– Ah oui, OSS est complètement défoncé et un hippie lui met un doigt dans le cul en lui susurrant : « Tutto va bene. » J’ai donc ri. Une fois…
– Et Dujardin, la presse est unanime et Libé le compare à Chaplin. C’est le nouveau Belmondo : même naturel, même belle gueule, même gouaille.
– Chaplin ! Mais ils fument quoi à Libé ? C’est vrai, ça fait des années que le marketing nous serine que Dujardin est le Belmondo du IIIe millénaire. Le marketing, qui est très con, a néanmoins oublié une chose. Avant de se suspendre à des hélicos ou de faire le guignolo en caleçon, Bébel a été un grand comédien. Pourquoi ? Parce qu’il a tourné avec des bons metteurs en scène. Si tu regardes sa filmo, tu verras qu’il a travaillé avec Godard, Truffaut, Rappeneau, Melville, Ophüls, de Broca, Malle, Duras, Resnais… Dujardin devrait s’inspirer un peu de son idole…
– Son prochain film est Lucky Luke ?
– Réalisateur ?
– James Huth.
– No comment !
« OSS 117 Rio ne répond plus… », de Michel Hazanavicius, avec Jean Dujardin, Louise Monot, Serge Hazanavicius, Rüdiger Vogler, Pierre Bellemare.
En salles le 15 avril
Difficile de faire la critique de la critique sans tomber dans l’angélique "tous les goûts sont dans la nature" et en évitant l’écueil de l’insulte et de l’attaque personnelle…
Mais là, non !
Comparer OSS 117 à Coco ou à Astérix aux JO, y a de l’outrage… Plus de fond, plus de second degré, plus d’allusions aussi (Hitchcok dans le second opus)… Un peu de véritable humour sur des sujets tabous ne fait pas de mal. Le racisme doit être traité comme ça.
hi Mister G. !
vous m’obligez.
oui, bon, bien sûr, vous faites un métier difficile. Etre obligé de mater autant de nanards pour gagner sa croûte, c’est pas humain. Et l’obligation tacite de chroniquer des bouses déjà fortement médiatisées sous prétexte qu’elles appâteront l’internaute en goguette est certainement d’autant plus difficile à avaler que votre amour du cinéma vous porterait vers ces petites choses fragiles, déconcertantes, fraîches, généreuses, qui éclosent quasiment chaque semaine sur les écrans de France et de Navarre dans l’indifférence du plus grand nombre (pourquoi ne pas avoir consacré quelques lignes au Déjeuner du 15 août, loin d’être parfait mais franchement revigorant ? D’ailleurs, qui a daigné il y a 15 ans saluer de 5 lignes la sortie de la Petite amie d’Antonio - à ce jour le plus beau film de Manuel Poirier ?).
Cependant, j’aime à penser qu’il est possible, même dans certaines œuvres que vous considéreriez comme des "téléfilms", de trouver sinon d’immenses bonheurs de cinéma (je pense à Marius et Jeannette, J’entends plus la guitare ou, dans une moindre mesure, à la Journée de la jupe), du moins des petites choses qui les distinguent du tout-venant de la mélasse audiovisuelle (et contrairement à vous, je reconnais à Agnès Jaoui le talent d’y parvenir - voir, en contre-point, ce qu’a pu réaliser Chantal Lauby par exemple). Que le cinéma n’est pas qu’exercice de style, que le propos d’un soit-disant téléfilm prétendument "mal torché" peut largement plus valoir le coup que le vide sidéral d’un objet cinématographiquement irréprochable, voir brillantissime (Otzenberger vs Lynch).
Si je peux me permettre, il est effectivement "follement tendance" de chier sur le cinéma français qui n’est pas (plus) "d’auteur". Que vous vous défendiez de vous inscrire dans ce courant de la critique me ravit - mais quand même, je n’arrive pas à me défaire de cette impression. Pourquoi ?
Laissez votre flingue dans son tiroir, vous risqueriez de vous blesser. Et faites vous plaisir avec Tavernier… D’ailleurs, Tavernier ne fait pas, n’a jamais fait du "cinéma français". Tavernier fait "du cinéma". Point.
bien à vous
S.