Ça ne rigole plus chez Thales. Luc Vigneron, le PDG, serre les boulons tous azimuts pour augmenter les marges et faire plaisir à l’actionnaire Dassault, quitte à déplaire aux intermédiaires.
Bonne nouvelle pour les concurrents de Thales. Il risque d’y avoir de bons coups à jouer sur le mercato du recrutement des ESP. Les ESP, ce sont les « external service providers », autrement dit ces gentils intermédiaires qui, sur les difficiles marchés étrangers, sont chargés de faire aboutir les contrats. Eventuellement en avançant auprès des bonnes personnes des arguments sonnants et trébuchants pour l’emporter.
Or, les ESP, qui ont l’habitude d’œuvrer pour le marchand d’armes, ont de quoi avoir le moral dans les chaussettes. Luc Vigneron, le nouveau PDG de Thales, a décidé de leur sucrer les success fees, autrement dit les récompenses qu’ils touchent sous forme de pourcentage sur le montant du marché qu’ils ont réussi à faire tomber dans la gueule de leur client. Bakchich avait déjà eu l’occasion de raconter ce fait d’armes de Vigneron qui crée le trouble dans les rangs. Car évidemment, les intermédiaires pourraient être tentés de proposer leurs services à des boîtes un peu moins faux-cul.
Pour être précis, la décision de Vigneron ne revient pas à supprimer cette pratique du pourcentage. Mais cet X-Ponts qui connaît pourtant l’univers des marchands de canon – il vient de Nexter, filiale de GIAT industries - a décidé de jouer les messieurs propres. En fait, plus prosaïquement, d’ouvrir en grand son parapluie. Visiblement, libre choix serait laissé aux chefs des différentes activités de pratiquer ou non les success fees. Mais dans ce cas, à eux d’assumer totalement les responsabilités devant la justice si ce genre de coutumes aboutit à des pratiques pas très propres de rétrocommissions. On voit un peu le dilemme des dirigeants. Soit prendre des risques avec la justice, soit prendre le risque d’être à la ramasse commercialement. Déjà aidé d’ESP, Thales a réussi à se faire piquer le mirifique contrat saoudien Miksa, qui lui était promis depuis des lustres, au profit d’EADS… « On se demande ce que ça va donner sans », s’épenche-t-on dans le groupe.
Ce n’est pas la seule décision qui déconcerte les troupes. « En fait depuis son arrivée, on ne sait pas trop quelle est la vision stratégique de Vigneron. Pour le moment c’est plutôt ras des pâquerettes », continue la même observatrice. En fait, le nouveau pilote de Thales joue les super contrôleurs de gestion. Il faut dire que Dassault, devenu actionnaire industriel de référence, met une grosse pression pour que Thales rapporte beaucoup. Plan de vol : faire grimper les marges à plus de 10%. Du coup Vigneron en profite pour marquer son territoire.
Grand émoi au sommet, les derniers rescapés du comité exécutif (comex), dont il a hérité, vont être privés de chauffeurs. D’ailleurs, il ne reste plus grand chose du comex que Denis Ranque, son prédécesseur, réunissait une fois tous les 15 jours pour un vaste tour d’horizon. A la place, c’est plutôt opération commando, Vigneron auditant individuellement les directeurs de division flanqué de François Quentin, le numéro 2 officieux chouchou de Dassault et d’un autre dirigeant. Ambiance, ambiance…
En fait c’est serrage de ceinture tous azimuts dans le groupe, avec un objectif de réduction des frais de structures de 10%. Quelques raouts ont été supprimés, des réflexions sont engagées sur l’opportunité de sucrer ou non les avantages qui sont accordés aux cadres (carte d’essence et de péages, grosses bagnoles, etc) pour les fidéliser et des règles à la Shadock ont été édictées. Comme par exemple, l’obligation d’utiliser la classe Eco et non la Business pour les vols dont la durée n’excède pas 7 heures. A moins que les vols aient lieu de nuit. Du coup, dans les services, on s’arrache les cheveux. Car un aller en éco et un retour en business coûtent parfois plus cher qu’un aller-retour en business. Il n’y a qu’à utiliser un Rafale prêté par Dassault…
En tous cas, Vigneron a voulu donner le « la » en commandant comme voiture de fonction une simple Renault Espace. Du coup, dans la boîte, les paris vont bon train. François Quentin va-t-il devoir troquer sa BMW série 5 contre une bagnole plus modeste ? S’il a le droit de la conserver, estiment les esprits perfides, on verra alors qui est le vrai pilote de Thales…
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