Petite leçon des crève-la-dalle d’Haïti, qui préfèrent envoyer bouler le géant des OGM Monsanto que se soumettre à leurs diktats génétiques. Un tremblement de terre !
Dément. Sublime. Les mots sont pauvres, et trop souvent lus, hélas. Dément. Sublime. J’ai devant les yeux la photo d’une foule de paysans haïtiens, chapeau de paille sur la tête et chemise rouge au torse, réunis à l’appel du Mouvman Peyizan Papay (MPP). Le mouvement des paysans de Papaye, en créole de l’île. Combien sont-ils sur cette place de Hinche, dans la région du plateau central d’Haïti ? Des milliers. Et que veulent-ils, eux, les gueux absolus de notre planète malade ? Ils ne veulent rien. Ils refusent, sans discuter, sans transiger, comme on jette un crachat à qui vient de vous insulter. Ils refusent, ils refusent un « don » de la transnationale Monsanto, celle de l’« agent orange » dispersé sur le Vietnam des années 60, celle de toutes les manoeuvres en coulisse, celle des OGM et des contrats léonins imposés aux paysans de la terre entière.
On ne sait pas toute la vérité sur cette offrande « philanthropique ». Un point semble acquis : c’est en janvier dernier, au Forum mondial de Davos – juste après le tremblement de terre qui a tué 250 000 personnes –, que la décision aurait été prise. Le patron de Monsanto, Hugh Grant, et son vice-président, Jerry Steiner, auraient eu l’idée d’une aide « désintéressée » de 475 tonnes de semences destinées aux paysans. OGM ou non ? Monsanto jure que non. Le ministère haïtien de l’Agriculture assure de son côté avoir bloqué un envoi de semences génétiquement modifiées. Mais le sens profond de cette histoire est, de toute façon, ailleurs. Les paysans si pauvres de Hinche ont brûlé en place publique des semences Monsanto parce qu’elles étaient des hybrides. Ce qui signifie qu’elles perdent d’une année sur l’autre une bonne part de leurs qualités. Il faut donc en racheter, sans fin. Que les semences américaines aient été OGM ou non est, dans ces conditions, secondaire. Monsanto, comme elle le fait partout où elle le peut, a tenté, par le biais humanitaire, de s’implanter dans un pays dévasté, qui compte à ce jour 1,3 million de sans-abris solides. Ceux de Hinche ont simplement compris la loi réelle qui régit les hommes, et envoyé se faire foutre la surpuissante compagnie du Nord. Cessons d’avoir peur du moindre mot. Se faire foutre, oui. Notre Occident, gavé d’objets matériels, ivre de technologie, sourd aux craquements de la crise écologique, semble désormais incapable de la moindre rupture. Nous pérorons, nous mimons des scènes 1 000 fois jouées. Sarkozy, DSK , Aubry, Bayrou ? Ceux de Hinche se battent.
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