Champagne pour le Zorro du capital-risque chouchou de l’Etat. En pleine crise, Walter Butler a réalisé une belle culbute en revendant 5 fois plus cher ses parts dans la SNCM. Le sens des affaires…
Malgré la crise, ça ne va en effet pas trop mal pour Walter Butler. Pour situer le personnage, il faut revenir aux années où Villepin, son copain de promotion à l’ENA occupe Matignon. L’aura médiatique de ce Zorro du retournement d’entreprise, activité dans laquelle il s’est lancé en 1991, est alors à son zénith. Walter Butler avec son fonds d’investissement joue les pompiers au service du gouvernement sur deux dossiers pourris : le Sernam, le service de messagerie et la SNCM, la compagnie de ferries reliant la Corse au continent.
Sérieusement tâclé par Bruxelles au sujet de ces deux filiales de la SNCF placées sous perfusion chronique grâce à des aides d’Etat jugées illégales, l’Etat se résout à les privatiser. Et c’est donc Butler Capital Partners qui, en 2005, surgit dans le rôle du repreneur privé majoritaire. Le profil un peu secret de cet énarque financier d’origine américano-brésilienne et qui n’a jamais géré en direct de boîte de sa vie énerve un peu la CGT de la SNCM. Du coup, l’Etat garde 25% et côté privé Veolia Transport, (alors dirigé par Stéphane Richard devenu directeur de cabinet à Bercy de Christine Lagarde) jugé plus rassurant est appelé à la rescousse. En prenant 28 % du capital, le marchand de flotte épaule Butler ( 38%) et se met en fait à la barre.
A la même époque, on croise aussi l’ami Walter dans les coulisses du foot, impliqué qu’il est dans la reprise en 2006 du PSG au sortir de l’ère Canal +. Butler jouait le troisième larron aux côtés de la banque américaine Morgan Stanley et du fonds US Colony Capital dirigé par Sébastien Bazin. Depuis, ce dernier a pris le pouvoir au club, Butler, après une bisbille, lui revendant début 2008 ses parts pour ne conserver que 5 %. En dépit des pertes et d’un endettement incontrôlé du club, Butler n’y laisse pas de plume. Sauvé par un fonds de pension…
Mais ces temps-ci, ce sont surtout les pouvoirs publics qui volent à son secours, comme par un gentil renvoi d’ascenseur. En mars, ils lui ont ôté une des épines qu’il a dans le pied. Le groupe SNCF vient en effet de racheter un tiers d’un groupe de transport routier, Giraud International, dont Butler a imprudemment pris le contrôle en 2005. Voilà qui tombe à pic alors que Giraud et ses camions ne se portent pas vraiment bien et devraient perdre beaucoup d’argent en 2009. « A part la Geodis-SNCF, on ne voit pas bien qui aurait pu s’y intéresser », décrypte un observateur. Manifestement, l’homme d’affaires aurait souhaité un coup de pouce supplémentaire de la SNCF : un rachat du Sernam dont le redressement ne se passe pas bien. Mais fidèle à sa détestation pour le Sernam, Pierre Blayau (lui aussi passé par le PSG), le patron de la logistique à la SNCF s’en est tenu là.
Butler ne peut quand de même pas rééditer tous les jours la fantastique culbute réalisée sur la SNCM ! Fin 2008, il liquide sa participation ( 38 % ) dans la compagnie maritime qui, toujours soutenue par des belles subventions versées par la collectivité corse, se redresse un peu après avoir affiché environ 20 millions d’euros de passif un an plus tôt. C’est le groupe para public Veolia qui passe à la caisse soulageant ainsi le bilan financier 2008 du fonds de capital risque. Le prix de la transaction est tenu secret.
Mais dans un document sur les comptes 2008 du géant dirigé par Henri Proglio, on en apprend de belles. « Veolia Transport a racheté en décembre 2008 (après l’obtention de l’accord des services européens de la Concurrence) les parts dans la SNCM (37,71 %) détenues par BCP (Butler Capital Partner) pour un montant de 73 millions d’euros portant ainsi le pourcentage de participation du Groupe dans la SNCM à 66 %. »
Butler peut se frotter les mains. Plusieurs observateurs estiment à moins de 15 millions son investissement pour entrer dans la SNCM. En deux ans, il multiplie ainsi sa mise par plus de cinq. « Rien de plus logique, répond le cabinet de relation public Image 7, dirigée par la grande prêtresse Anne Meaux, c’est le propre du retournement. En 2005 personne ne voulait investir. Aujourd’hui l’entreprise va mieux, elle ne perd plus d’argent. Et de citer tout un tas de ratio en progression… En réalité, ce n’est pas le prix de rachat des parts de Butler par Veolia qui en fait bondir certains. « C’est plutôt le montant du prix de vente lors de la privatisation. A l’époque, la SNCM a été clairement bradée à Veolia et à Butler par l’Etat qui en outre a injecté plus de 150 millions d’euros dans l’entreprise », estime-t-on chez Corsica Ferries, l’un des meilleurs ennemis de l’armateur. Avec la CMN , Corsica Ferries, détenu par une holding suisse a d’ailleurs engagé un recours fin 2008 devant un tribunal européen au Luxembourg pour dénoncer les conditions de la privatisation de la pittoresque compagnie de ferries. En attendant, la certitude, c’est qu’à Marseille, Butler s’est fait remettre à flot par un marchand d’eau. Pas plate mais salée !
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A consulter également, le dossier Qui veut couler la SNCM d’Amnistia.net
Le problème, c’est qu’il y avait un autre acheteur… 100% des parts de la SNCM pour le montant de la recapitalisation. Une fois la recapitalisation effectuée, l’acheteur en question proposait un crédit-vendeur sur 15 ou 20 ans à l’état du montant de la recapitalisation. Le coût de la privatisation aurait été alors neutre pour l’état. Ce dossier avait été déposé à Bruxelles, lors de l’enquête sur la recapitalisation. Au lieu de cela, l’état a préféré une vente "négative" comme on dirait "croissance négative". SOit un coût pour la collectivité de 158 millions d’euros…et donc un gain pour Mr Butler de 60 millions, soit presque la moitié de la recapitalisation.
Il faut croire que le politique et le copinage l’ont emporté sur la raison…et sur les fonds publics ! Comme d’habitude en france.