Oyé ! Oyé ! A Marseille, politique et finance scellent leur merveilleuse entente sur les frontons des listes électorales. Le « palais » (le petit nom de la mairie de Marseille) soigne ses chers amis banquiers, notamment Charles Milhaud le président des Caisses d’épargne, très influent dans l’immobilier et les médias…
Les noms de Charles Milhaud et de Philippe de Fontaine Vive sur les listes électorales de Jean-Claude Gaudin sont des « preuves d’ouverture envers la société civile ». Dixit La Provence avec ce goût si prononcé de la rigueur journalistique.
N’en déplaise à la Pravda locale, c’est plutôt la récompense d’un travail harassant. Philippe de Fontaine Vive, en 9ème position dans le premier secteur, est le vice-président de la banque européenne d’investissement (BEI). Grâce à elle, le tramway fuse gaiement sur les routes du centre-ville et les hôpitaux publics, en charpie, doivent être rénovés. Vive monsieur de Fontaine ! Marseillais de naissance, le banquier de Bruxelles est aussi présent dans le conseil d’administration de la CMA-CGM (transport maritime de conteneurs), d’Euroméditerranée et de la SNCM (transport maritime entre la Corse et Marseille).
Mieux placé que Philippe, on trouve en 7ème position dans le cinquième secteur, le charismatique boss de la Caisse d’épargne, Charles Milhaud. « C’est très étonnant qu’il ait choisi un bord plutôt qu’un autre », déclare un responsable de la Caisse. « En 1999, lors de la réforme parlementaire, il était proche de Strauss-Kahn et, par un jeu politique astucieux, car monsieur Milhaud est très malin, les communistes se sont abstenus et la Caisse d’épargne a pu libéraliser ses compétences à 13 voix près ! »
A Marseille, Milhaud cherche désormais les honneurs à moins que « Monsieur deux coups d’avance » comme on l’appelle en interne ait une idée derrière la tête. Déjà son influence dans la ville rayonne en véritable nébuleuse. Médias, finances, immobilier, football et maintenant politique… Le petit écureuil dépose où il peut ses noisettes, au risque de causer une indigestion. Qu’importe ! Marseille doit avancer bien sûr ! Et le Charles dans une interview à La Provence promet qu’ « il n’y aura pas de mélange des genres ». Sympa, on nous promet donc le changement.
Reste que l’immobilier est bien la pierre angulaire du système Caisse d’épargne. Marseille est un modèle en la matière. Seul actionnaire, en France, à être majoritaire dans une Société d’Economie Mixte - en l’occurrence la Sogema (gestion et construction d’immeubles)- la GCE Sem, société qui regroupe toutes les participations de la Caisse d’Epargne dans les SEM françaises, rêve de « déverrouiller » le dogme du capital public majoritaire. D’où la création en décembre dernier de la GCE Sem, qui,, par sa puissance, pourrait faire plier bien des collectivités. Le but : mener à la baguette les collectivités.
En Provence, la Caisse d’épargne occupe sans vergogne le terrain puisqu’elle est aussi actionnaire (minoritaire) de Marseille Aménagement, une autre société d’économie mixte spécialisée dans la prospection de terrain. Et puis, depuis deux ans, Nexity, l’entreprise de promotion immobilière, rachetée par Milhaud, œuvre sous la bannière rouge et blanche. En définitive, la Caisse d’épargne peut couvrir toutes les étapes, de la prospection d’un terrain à son entretien, en passant par le crédit au particulier, tout cela sous la coupe bienveillante des collectivités.
Pour accompagner la sauce, rien de mieux que des médias enjoués pour les œuvres de ses actionnaires. A La Provence, on montre régulièrement les grands sourires des gentils écureuils, les chèques (souvent minces) pour des initiatives caritatives ou bien même l’annonce de projets ambitieux au Maghreb sans toutefois donner trop de détail. Chaque année, c’est en moyenne plus de 25 publi-reportages qui couvrent les colonnes du journal.
A LCM, le petit poucet de Gaudin et de son ami Foucault, où la Caisse d’Epargne est majoritaire à 45%, les journalistes se plaignent qu’on leur demande de faire du Pernaut. Milhaud peut toujours alors se gausser d’ « être le garant » de leur « indépendance », puisqu’il ne leur donne pas les moyens de faire des enquêtes approfondies, ni en temps, ni en argent. Plus que Marseille, la Caisse d’épargne a investi dans plus de dix télés locales et détient aussi des parts dans des PQR, dont le Groupe Hersant Média. C’est encore un moyen d’asseoir son influence ou en tout cas à minima de se faire une bonne pub.
Revenons à la plus belle ville du monde. Et si Guérini est élu ? « Ce serait la première fois que Milhaud se serait trompé de cheval puisqu’il a même choisi Sarko cinq ans avant tout le monde ». Au pire, Alain Lemaire, le directeur régional, a déjà rencontré Guérini pour discuter de ses projets. A droite ou à gauche, faut pas s’inquiéter. Marseille passera à la Caisse.
Au plan national, cette faim dévorante crée des ennuis à Milhaud. La Commission bancaire, le gendarme des banques, demande à la Caisse nationale des Caisses d’épargne (CNCE), l’organisme central du groupe, de renforcer ses fonds propres de 3 milliards d’euros d’ici à la fin du mois de mars. En cause, pas seulement la crise des subprimes mais ses derniers achats comme Netixis ou Nexity qui vient de perdre 60% de sa valeur en bourse mais aussi son coûteux divorce de la Caisse des dépôts (6,8 milliards d’euros)
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