Les collections 2009/10 des équipes de Ligue 1 sont désormais connues. Tendances, errements… et Podium des horreurs. En partenariat avec le site des Cahiers du football.
Chaque intersaison suscite un suspens particulier, qui n’a rien à voir avec les transferts ni les matches amicaux qui la ponctuent : avec curiosité ou crainte, les supporters guettent en effet ce que les équipementiers de leurs clubs préférés leur ont réservé pour le millésime en cours.
Il est en effet devenu inconcevable de conserver un modèle plus d’une saison – il en va des maillots comme de certains joueurs –, ce qui oblige les fabricants à recourir aux procédés les plus saugrenus pour renouveler leur gamme. Pire, si le maillot "domicile" subit déjà des outrages, l’édition "extérieur" pousse le bouchon un peu plus loin… tandis que le "third" est le prétexte pour faire absolument n’importer quoi. On dirait volontiers, en haussant les épaules, qu’il ne s’agit là que d’un accessoire de mode destiné à augmenter les ventes… Mais c’est vêtus de ces fadaises textiles que les clubs disputent les compétitions européennes, les plus prestigieuses - celles dans lesquelles les clubs devraient le plus respecter leurs propres couleurs (lire aussi "La mort du maillot").
Autre conséquence : avec trois produits nouveaux par saison, on a l’impression, dans les stades, que les spectateurs supportent sept ou huit équipes différentes. Pas étonnant que certaines associations de supporters se soient élevées contre les fantaisies des "voleurs de couleurs", en particulier à Paris où Nike – objet d’un appel au boycott – a fait disparaître la bande centrale rouge, au profit d’une gamme "pyjama" pas vilaine sur la forme mais très discutable sur le fond. Les clubs s’en fichent, les équipementiers aussi : lors d’une précédente fronde, à Saint-Étienne, contre le maillot "extérieur" vert fluo, le club avait fait constater que les tribunes (y compris les kops) étaient remplies du produit en question, véritable succès de magasin… (1)
Dans le grand foutoir esthétique des années 2000, les références sont difficiles à démêler. On note toutefois que le début des années 80 (seule partie supportable de cette décennie maudite) est en vogue avec les filets verticaux qui ornent les maillots principaux de Paris, Marseille, Auxerre ou Sochaux. La bande classique, horizontale ou verticale, plus ou moins large, est mise à l’honneur par Lyon, Nice (extérieur), Grenoble, Sochaux (extérieur) et Toulouse. Quasiment des réussites, tout comme la diagonale façon River Plate, hélas fluo, du maillot "away" de Saint-Étienne, ou le très arsenalien maillot de Valenciennes. Quant aux fioritures chez Adidas, elles ne constituent pas une tendance, mais une culture d’entreprise, ce qui vaut à l’OM un maillot extérieur assez scabreux, façon patchwork de rideaux de douche. Puma n’a pas fait beaucoup mieux en transformant le scapulaire des Girondins en épaulettes de marin ou en foulard de scout…
Mais la principale innovation est involontaire : avec le contentieux sur le sponsoring des opérateurs de paris en ligne (lire "Tuniques amères") et les difficultés de certains clubs à trouver des partenaires, de nombreuses équipes se sont présentées en début de saison avec des maillots vierges de sponsor principal. Une véritable bénédiction s’agissant de l’élégant maillot principal de l’OL… Les supporters stéphanois ont eu la possibilité d’acquérir le nouveau modèle sans flocage de sponsors, les contrats ayant été signés tardivement (décidément), avec la possibilité de revenir se faire ajouter gratuitement les sponsors officiels… Il se trouve certainement des acheteurs qui estiment que le maillot authentique, c’est celui avec ces imprimés faisant de lui un homme-sandwich sans solde (2).
C’est une sorte de récompense pour l’ensemble de l’œuvre de Baliston au profit de l’AS Nancy Lorraine. Le troisième maillot des Lorrains fait comme une cerise sur le gâteau multicolore du maillot principal – dont les précédentes éditions sont en soldes dans la boutique officielle – traditionnellement bariolé d’un nombre invraisemblable de sponsors disgracieux, sur fond de design albanais. Avec la circonstance aggravante de suivre la mode en retard de plusieurs, l’équipe portera à l’occasion un modèle chocolat-vanille – parfaite tenue de camouflage sur les terrains en phase de dégel.
Marron encore, mais cette fois avec de la pistache délayée… et surtout avec des motifs (en dégradé !) évoquant un carrelage de salle de bain, le tout rehaussé d’un sponsor en lettres rouges. L’incompréhension est totale. Les designers de Duarig prennent-ils des drogues psychédéliques frelatées ? Fred Godart est-il leur mentor ? Des triades chinoises les ont-elles forcés à exécuter ces motifs absurdes ? Il aura fallu un exploit du lauréat pour que la tunique du FC Lorient n’emporte pas le pompon.
L’exploit, c’est l’Olympique lyonnais et Umbro qui l’accomplissent avec ce maillot extérieur, en supprimant toute allusion aux couleurs du club, qui disparaissent même du logo, devenu transparent (les images en disent plus long que les mots). L’illustration ci-contre est même indulgente, alors que le rendu "réel" est d’une laideur indescriptible. On en vient presque à espérer un sponsor pour cacher un peu le désastre. Le "Stabilo jaune" de la saison dernière n’ayant peut-être pas atteint ses objectifs, les Lyonnais pourront arborer fièrement les couleurs du Stade lavallois aux quatre coins de l’Europe. Il va moins la ramener, le Barça.
Le maillot extérieur "à petit pois" du Paris Saint-Germain doit à sa relative sobriété (de loin) d’échapper au podium, mais il aurait pu recevoir un prix du saugrenu. C’est un trophée de la Collective des ophtalmologistes que mérite pour sa part le "third" de Sochaux, qui plaque deux bandes bleue et jaune sur un fond rouge sang. Autre grand rescapé, le "third" de l’OM, plaqué de reliefs luisants façon panoplie de super-héros. L’explication officielle vaut son pesant de cacahouètes (3)… Car il faut, en plus, que les marques justifient leurs errements textiles avec un discours pas moins risible.
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