Comment supprimer la taxe professionnelle ? Du côté de Bercy on cherche à concilier volonté présidentielle et humeurs des élus locaux.
C’est le nouveau jeu à Bercy : comment tenir les engagements du président de la République sur la disparition de la taxe professionnelle tout en évitant de mettre les collectivités locales sur la paille ? Enjeu d’autant plus que crucial que les collectivités locales sont désormais à gauche, c’est-à-dire prêtes à hurler très vite. Cerise sur le gâteau, la TP est également la principale source de revenu des chambres de commerce et les dirigeants de ces dignes organismes sont venus dire d’un ton pincé à Mme Lagarde qu’il ne faudrait pas les oublier.
Pour le moment, Bercy cherche à délimiter le périmètre de la promesse présidentielle. Sarkozy a annoncé le 5 février qu’il supprimait la taxe professionnelle et que cela coûtait 8 milliards d’euros. Or, la TP rapporte 22 milliards… ! La question est donc la suivante : faut-il supprimer purement et simplement la TP ou doit-on l’alléger de 8 milliards ?
Bercy avance prudemment vers l’Élysée pour obtenir une réponse mais jusqu’à présent, les conseillers du président se sont contentés de renvoyer les demandeurs vers les déclarations du 5 février.
Sarkozy en tant que tel n’a pas d’idée sur le sujet : pour lui, il s’agit de répondre à une affirmation de Carlos Ghosn, le PDG de Renault, qui a déclaré lors d’une de leur rencontre qu’il rapatrierait ses usines de République tchèque en France s’il n’avait plus à payer de taxe professionnelle. Le président a même indiqué à ses collaborateurs que si c’était plutôt l’impôt sur les sociétés qu’il fallait baisser, il n’y voyait pas d’inconvénient. Pour lui, ce qui importe, c’est que, symboliquement, quelques grandes entreprises annoncent qu’elles relocalisent.
À Bercy, les technocrates ne l’entendent pas de cette oreille : on leur a dit « taxe professionnelle », ils vont s’employer à mouliner l’impôt en question, comme si de rien n’était. Certains, dans les couloirs, rappellent même que des activités en sont exonérées depuis l’époque de la patente et que plus que la suppression, il faut concevoir un redéploiement vers les activités qui ne sont pas délocalisables.
Tout ceci fait deux inquiets. D’abord les collectivités locales qui aimeraient savoir comment on va compenser le manque à gagner. Elles sont d’autant plus inquiètes qu’à Bercy, on ne leur a pas caché qu’on pourrait, éventuellement et si cela ne les heurtait pas trop, envisager qu’elles fassent des économies, notamment sur les personnels. Hurlement des représentants des maires : si on ne peut plus recruter d’abondance alors que les hôpitaux eux-mêmes se montrent rigoureux dans les embauches, quel est l’intérêt de se dévouer pour la cause du peuple local ? Les temps sont durs, mais il faudrait voir à voir à ce que cela ne vienne pas remettre en cause la vie quotidienne de nos édiles.
Deuxième inquiétude : celle du patronat. Au Medef, on ne comprend plus Sarkozy. Son obstination archéo-gaulliste à vouloir partager les profits laisse pantois et on se dit qu’il est prêt à accepter, si la TP des industries automobiles est réduite, à cogner sur d’autres secteurs d’activité. Bref, on s’attend désormais au pire et chaque nouvelle annonce, même la plus anodine, est analysée au scalpel afin d’y trouver le prochain mauvais coup.
Les seuls à être sereins dans cette affaire sont les Tchèques… Les usines ne sont pas sur le départ et Renault vient d’obliger les ouvriers à faire des heures supplémentaires… en Roumanie !
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Quel dommage de focaliser sur un impôt qui permet une connexion entre les collectivités et la richesse économique produite sur leur territoire.
Plutôt que de diminuer la TP il faudrait réfléchir à sa meilleur répartition. C’est la péréquation et la justice fiscale entre les collectivités riches et pauvres qu’il faut rechercher.
Sa disparition n’est sollicitée que par les mêmes qui ont mis en place un bouclier fiscal et qui prônent l’instauration d’une seule tranche d’imposition pour l’impôt sur le revenu, une augmentation de la TVA…
Bref des promoteurs de l’injustice, des pourfendeurs des prélèvements directs, des dogmatiques d’une autre décennie (le libéralisme débridé de la fin du XXème siècle).