Le 5 février dernier, Nicolas Sarkozy annonçait la suppression de la taxe professionnelle en 2010. L’histoire de cet impôt est en fait celle d’une lente agonie.
C’est rien de dire que Sarkozy se sent dépassé par la situation économique. De ses entrevues sur les problèmes économiques, il retient de plus en plus un sentiment d’impuissance chez les responsables et d’imposture chez ceux qui lui parlent et commentent. Résultat, il se réfugie dans les détails et se passionne pour les anecdotes que lui racontent les grands patrons. Certes, il a compris que leur raisonnement est en général simple, voire simpliste et se limite à réclamer des baisses d’impôts. Néanmoins, cela, il le comprend. Alors que les subtilités des effets comparés d’une relance par l’investissement ou d’une relance par la consommation ! Quant à l’évaluation du multiplicateur fiscal face à celui des dépenses publiques, c’est vraiment au-delà de ce qu’il peut chercher à comprendre…
Dans ces conditions, son intervention du 5 février n’avait d’autre but que de bien faire saisir à la population que son souci premier était de faire en sorte que les ménages, les particuliers, vous et moi n’étions pas sacrifiés sur l’autel d’une action économique mise à disposition des entreprises. Et puisque finalement les grèves se voient plus dans la vie quotidienne du pays que ce qu’il avait jugé bon d’annoncer il y a quelques mois, on va soumettre la politique économique à l’appréciation des syndicats. Négocions, négocions, y compris les versements dus au titre de l’impôt sur le revenu, alors même que dans une démocratie, c’est le parlement qui s’occupe de la définition de la politique fiscale. En fait, Sarkozy a une stratégie qui se veut claire : négocier avec les syndicats responsables, à savoir principalement la CFDT et la CGT et isoler le plus possible les excités façon SUD. Son jeu avec SUD se veut habile ; en les montrant du doigt, Sarkozy espère un double effet : d’une part les éloigner des autres syndicats et les marginaliser ; d’autre part, leur assurer une certaine publicité, ce qui agace notamment la CGT et crée un rapport de force avec elle. Sauf que ce faisant, il joue avec le feu et donne à SUD une lisibilité à laquelle ce syndicat ne s’attendait pas …
En attendant la négociation sociale d’ensemble, la séance du 5 février aura conduit au moins à une annonce concrète et qui se veut définitive, celle de la mort de la taxe professionnelle. En pratique, cet impôt n’aura été qu’une longue agonie. Créée en 1975 sur les décombres de la patente par Jacques Chirac, la taxe professionnelle fut qualifiée très vite par ce dernier d’« impôt le plus imbécile de notre système fiscal ». Et Raymond Barre, successeur de Chirac à Matignon, avait entrepris d’organiser sa disparition compensée par une hausse de la TVA.
Depuis, la mise à mort chemine lentement sans que l’on sache si c’est sûrement. Et celui qui y aura le plus contribué aura certainement été Dominique Strauss Kahn quand il était à Bercy. C’est lui, en effet, qui a transféré la partie due par les entreprises sur la base des salaires payés à la charge de l’Etat. D’ores et déjà, sur les 28 milliards versés aux collectivités locales, 10 sont assumés par l’Etat. Il en reste 18, que dans sa hâte à lire les chiffres fournis par ses services, Sarkozy a ramenés à 8… (avec le même enthousiasme, il a annoncé 21 millions de salariés dans le secteur privé, alors que ce chiffre correspond à l’emploi privé, y compris les non salariés …)
Fillon a bien évidemment fait le pompier de service : il a annoncé que le « Comité Balladur » chargé de réfléchir à la refonte de la carte administrative se saisirait du problème de la disparition de la taxe professionnelle et que les 18 milliards seraient compensés. Au passage, le gouvernement s’apprête à annoncer également la fin de l’impôt sur le foncier non bâti, c’est-à-dire sur les terres agricoles, ou du moins ce qu’il en reste puisque cet impôt ne rapporte plus que 830 millions. En ces temps troublés, un petit clin d’œil au monde rural ne peut pas faire de mal…
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