Le nouveau produit dopant à la mode est la DHEA, une molécule anti-vieillissement qui fait courir plus vite nos sportifs. Les Cahiers du Foot nous livrent leur analyse.
Des footballeurs positifs à la DHEA ? Des analyses de cheveux révèlent des chiffres alarmants. Le président de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), Pierre Bordry, a rendu public mercredi 18 mars 2009 les résultats d’analyses de prélèvements de cheveux concernant des sportifs de quatre disciplines : le football, le rugby, le cyclisme et l’athlétisme.
Effectués en 2008, ces prélèvements visaient en particulier l’élite des disciplines collectives : Ligues 1 et 2 pour le football, Top 14 ou Pro D2 en ce qui concerne le rugby. Les cyclistes « prélevés » étaient quant à eux professionnels ou amateurs. Sur les 138 échantillons analysés, 22 présentent des traces de substances interdites : 18 pour la déhydroépiandrostérone (la célèbre DHEA, molécule anti-vieillissement), 3 pour la testostérone, et 1 au titre de ces deux substances. La faiblesse relative du nombre de prélèvements invite à ne pas donner une valeur générale à ces données, mais on note que les cas positifs définissent une fourchette s’étendant de 11% pour les cyclistes professionnels à 22% pour les footballeurs de l’élite, soit sept joueurs – dont Damien Ressiot indique dans L’Équipe qu’ils évolueraient tous en Ligue 1 [1] – sur les 32 prélevés.
À titre de comparaison, les 2.900 contrôles diligentés en France durant le quatrième trimestre 2008 sur un échantillon de sports plus large ont abouti à un taux global d’infractions susceptibles de donner lieu à une procédure disciplinaire [2] d’un peu moins de 3%… Pour le football, ce taux était de 1,7% (11 infractions constatées pour 651 contrôles) – au titre des cannabinoïdes dans la grande majorité des cas.
Des prélèvements capillaires, qui ne représentent que 5% des contrôles usuels dans le football professionnel, ont donc mis en évidence un pourcentage de cas positifs extrêmement élevé. Si les différentes formes de contrôles n’autorisent pas la détection des mêmes substances [3], l’un des grands intérêts des analyses de phanères – ongles, cheveux et autres poils – est ainsi de permettre de reconstituer des historiques. Un cheveu pousse d’un centimètre par mois et permet ainsi, potentiellement, de repérer le caractère ancien et/ou répété de la prise de certaines substances – alors que la fenêtre de détection de la DHEA, après un contrôle urinaire, se compte en heures.
Pour spectaculaires que soient les résultats, les cas détectés ne pourront pas donner lieu à sanction disciplinaire : anonymes, conformément aux accords pris en amont avec les fédérations, ils ont ici seulement valeur d’avertissement. Début février, l’AFLD présentait son programme national annuel des contrôles pour l’année 2009 et annonçait la couleur en matière de « politique de ciblage pour réaliser des contrôles « intelligents » » : les analyses capillaires réalisées en 2008 avaient l’objectif déclaré « d’orienter le ciblage ultérieur pour ces disciplines ». Les voici prévenus : l’Agence devrait décider la poursuite de ses investigations sur les phanères et co-financera cette année un programme de recherche et développement pour parvenir à la certification de ces méthodes de détection [4].
Connue pour ses effets présumés (et discutés) contre le vieillissement, interdite à la commercialisation en France mais autorisée dans les compléments alimentaires aux États-Unis, la DHEA est « une hormone anabolisante secrétée par la partie corticale de la glande surrénale mais aussi le cerveau » [5]. Dès 1997, le CIO l’a considérée comme une substance interdite, et elle figure sur la liste des interdictions du code mondial anti-dopage, au sein de la classe des Agents anabolisants et stéroïdes anabolisants androgènes (SAA). [6]. Pour ce qui est des « effets secondaires », l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) indiquait en 2001 que « la prise de DHEA peut stimuler la croissance de cancers hormonodépendants (prostate, sein, utérus) » et que « Le risque cardio-vasculaire potentiel [devait] être pris en considération notamment en cas de prise au long cours de DHEA » [7].
Si des doutes sont parfois émis sur l’efficacité dopante de la DHEA, cette substance reste un produit largement cité sur les sites destinés notamment aux culturistes. Elle fait également partie des produits que le docteur italien Michele Ferrari a prescrits à des sportifs, comme l’ont montré des ordonnances saisies en 1997 à Bologne par les carabiniers [8]. Elle comptait également parmi les produits de la pharmacie de l’équipe Festina en 1998. Michel Rieu, conseiller scientifique de l’AFLD, a estimé que « si une substance est utilisée pendant longtemps, c’est qu’elle est efficace », tandis que, interrogé par Le Monde, le professeur Gérard Dine faisait part du caractère « connu, reconnu et identifié » de l’utilisation de DHEA à des fins dopantes [9].
Est-il besoin de dire que les révélations de l’AFLD devraient avoir un retentissement considérable ? Les résultats publiés viennent infliger une sérieuse claque aux discours « bonhommes » sur les footballeurs qui n’auraient pas besoin de se doper (lire « Platini joue l’Euro en autruche »), ainsi qu’aux faux-semblants de la rareté des contrôles positifs. Même s’ils ne sont pas exploitables juridiquement, ces éléments établissent de graves présomptions quant à un dopage massif dans le football [10].
Pourtant, l’information n’a pas fait la une de L’Équipe et n’a suscité qu’un traitement modeste dans les médias spécialisés, restant presque totalement absente des émissions télévisées du week-end. L’embarras a aussi été palpable du côté de la Ligue. Frédéric Thiriez, dans un communiqué circonspect, a dit s’être assuré auprès de l’AFLD que « ces analyses capillaires avaient été faites dans un but de prévention et non dans un but disciplinaire » et rappelé benoîtement que le suivi biologique instauré il y a quatre ans « n’avait à ce jour révélé aucune anomalie » – n’évoquant par ailleurs que les risques sanitaires encourus par les joueurs, et non le dopage. Plus volontariste, son homologue de la Fédération, Jean-Pierre Escalettes, a demandé à obtenir les noms des positifs, accueillant « ce rapport de l’AFLD comme un avertissement qui va dans le bon sens ».
L’ironie est que cette bombe a éclaté dans le contexte d’une fronde des footballeurs professionnels contre une mesure prévue par le programme de développement des contrôles inopinés de l’Agence mondiale anti-dopage (AMA) : les capitaines des équipes de l’élite doivent rester localisables 365 jours par an, sur un créneau d’une heure communiqué aux services de l’instance. Faisant écho aux récriminations de nombreux joueurs, l’UEFA et la FIFA se sont élevées en commun contre la localisation individuelle, au nom du caractère collectif ce leur sport, en proposant que, sauf exception, les contrôles se limitent aux lieux d’entraînement. L’argument du respect de la vie privée des joueurs, lors de leurs courtes vacances, a également été invoqué.
L’AMA a eu beau jeu d’accuser en retour ces institutions « d’ignorer la réalité du dopage dans le sport ». L’AFLD avait également insisté sur l’importance de la localisation et du caractère inopiné des contrôles lors de la communication des résultats des prélèvements capillaires. Interrogé le 17 mars par France Football dans un dossier consacré à « La grogne des capitaines », Jean-Pierre Karaquillo, cofondateur du Centre d’économie du sport de Limoges, mettait en balance ces contraintes, réelles, avec l’importance des enjeux de la lutte antidopage.
L’événement aura fait une victime collatérale en la personne de Bernard Laporte. Dans une interview au mensuel So Foot de ce mois, qui lui demandait comment il expliquait le faible nombre de cas positifs dans le football, le secrétaire d’État chargé des Sports confia : « Quand tu t’alignes sur un Tour de France ou un 100 mètres, tu peux choisir de grossir ta masse musculaire. L’effet est immédiat. Quel intérêt au football ou au rugby ? Si t’es blessé, tu te reposes. C’est très difficile de recourir au dopage dans un sport collectif, de garder le secret. Je ne peux l’affirmer avec une certitude absolue, mais je suis convaincu qu’il n’y a pas de dopage dans le football ». Pas de doute : le meilleur allié du dopage dans le football, c’est bien l’idée qu’il n’y a pas de dopage dans le football.
Retrouvez cet article sur le site des Cahiers du Football.
À lire ou à relire sur Bakchich.info :
[1] « De la DHEA en Ligue 1 », article de Damien Ressiot dans L’Équipe du 19 mars 2009.
[2] Sauf production d’une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT).
[3] À titre d’exemple, l’EPO n’est pas détectable dans le cadre de prélèvements de phanères.
[4] Cette certification n’est pas acquise : les débats scientifiques devraient être assez animés, si l’on en croit les réactions du professeur Martial Saugy, directeur du laboratoire suisse d’analyse du dopage de Lausanne, remettant en cause la méthode mise en œuvre par les laboratoire de Paris (Toxlab) et de Strasbourg (Chemtox) pour le compte de l’AFLD (Interview sur swissinfo.ch).
[5] Dictionnaire du dopage (substances, procédés, conduites, dangers), Jean-Pierre de Mondenard, Masson, 2004.
[6] Un apport de DHEA stimulerait la sécrétion d’hormone de croissance et une augmenterait le taux d’IGF-1. Dans le dictionnaire du dopage, le docteur Jean-Pierre de Mondenard cite une interview du professeur suédois Kjell Carlstrom : « certaines études très sérieuses révèlent qu’une prise massive de DHEA par la bouche provoque une forte augmentation du taux d’IGF-1 – c’est-à-dire d’un des principaux médiateurs de l’hormone de croissance. Or on connaît l’effet très bénéfique de cette hormone sur les os, les muscles, la peau, la fonte des graisses, etc. (…) Prise oralement, la DHEA peut avoir un véritable effet anabolisant. Contrairement à ce que l’on dit souvent, celui-ci n’est pas du à un accroissement de testostérone, mais bien à l’hormone de croissance » (« Faut-il mettre la DHEA sur la liste rouge ? », Sport et Vie, 1997, n°42, mai-juin 62-63).
[7] DHEA : synthèse des données disponibles, site de l’AFFSAPS (page du 10 juillet 2001).
[8] « Poursuivi par la justice italienne, Michele Ferrari conserve le soutien de Lance Armstrong », par Stéphane Mandard et Guillaume Prébois, Le Monde, 17 avril 2003.
[9] « Le football français fait bloc après l’annonce de cas de dopage à la DHEA », Le Monde, 21 mars 2009.
[10] La sempiternelle thèse de la prise accidentelle via des compléments alimentaires est aujourd’hui bien mince, dans la mesure où les sportifs sont avertis des risques et qu’ils peuvent disposer de compléments labellisés bénéficiant d’une traçabilité (voir notamment à ce sujet le site dopage.com).
Votre article devrait ouvrir les yeux de ceux qui n’ont peut-être pas encore compris ou appris les raisons qui amènent certains sportifs, monde du show biz etc à être complètement chauve, voire à s’épiler.
Non, les hommes ne se féminisent pas et la pratique de la suppression intrégrale des poils ne signifie pas "androgynisation" de l’espèce humaine.
Cette thèse est souvent avancée par un certain Eric Z, du Figaro qui ne parle pas des faits ci-dessous.
La police scientifique a établi que le poil, du cuir chevelu ou d’ailleurs, permet de lister tout ce qu’un individu a absorbé, sur une durée d’au moins 6 mois.