Les 500.000 voyageurs de la ligne 13 n’en peuvent plus. Pas de quoi émouvoir le président de la RATP, qui, lui, veut « responsabiliser » l’usager.
La colère grandit parmi les usagers de la ligne 13 ? Les pannes et les retards s’accumulent ? Les élus protestent ? Le chef de l’Etat, Nicolas Sakozy s’inquiète ? Et bien, la vieille dame qu’est la RATP a imaginé un redoutable plan qui tient dans une com’ un rien culpabilisante envers les usagers.
Congestionnée, la ligne 13 ? Qu’à cela ne tienne, les responsables sont, pour partie, tout désignés : ces maudits voyageurs qu’il est grand temps de raisonner. Bakchich s’est procuré un cahier des charges, daté du 31 juillet 2008, rédigé à peine un mois et demi après l’inauguration des flambant neuves stations Les Agnettes et Les Courtilles. Et qui constitue toujours la doxa de la Ratp.
Pompeusement intitulé « Communication comportementale », le document recense les pistes censées calmer l’ardeur revendicative des malappris incapables de se figurer les trésors d’énergie déployée par l’entreprise publique pour assurer leur transport avec diligence. Outre le rappel du performant plan Ouragan - censé assurer un intervalle de 95 secondes entre chaque rame dont on apprend au passage qu’il ne devrait pas être généralisé avant 2011, autre retard -, le document insiste sur « les efforts qui sont réalisés par les exploitants pour améliorer le service, et sensibiliser les voyageurs sur leur possible contribution via une modification de leur comportement » !
Plus loin, un chapitre, baptisé « Les objectifs de la communication », énonce, docte : « il s’agit de dépasser la problématique ligne 13 (complexe à aborder et surtout à anticiper), voire la « banaliser », et de mettre en place un dispositif comportemental et informatif global et réciproque ». Le même chapitre poursuit : « la problématique comportementale est le levier essentiel de l’amélioration de la situation. En effet, un acte local anodin aura des conséquences globales importantes et durables sur le fonctionnement de l’ensemble d’une ligne. »
Moralité, pour les aveugles comme pour les malentendants : « à l’issue de la campagne, le voyageur comprendra le fonctionnement du réseau, les causes de l’irrégularité, et les comportements qui permettent de la limiter. Les actions mises en oeuvre par la RATP seront connues et comprises. Individuellement et collectivement une modification de l’usage du mode devra apparaître. Les voyageurs se sentiront plus responsables de leur transport. » Magique ! Fallait y penser.
En annexe, une liste, dite de « bons comportements », donne quelques conseils aux usagers : « laisser descendre avant de monter et s’écarter des portes pour faciliter l’échange voyageur » ; « ne pas gêner la fermeture des portes et aider à leur fermeture en cas besoin » … Une liste, frappée au coin du bon sens, qui ne résoudra pas des pannes techniques d’équipements lourdement dégradés.
Et sur ce plan, l’année 2009 a débuté sur un train d’enfer pour Pierre Mongin. A peine avait-il terminé de célébrer l’aube d’une nouvelle ère sur deux jours, au Grand Palais, les 6 et 7 janvier, que les fâcheux ont sifflé la fin des festivités. Le casse-tête de la ligne 13 demeure.
Comble de malchance, voici que Jean-Paul Huchon, président du Conseil régional francilien, vient s’ajouter à la cohorte des chicaneurs en convoquant, en sa qualité de président du Syndicat des transports d’Ile-de-France (STIF), un conseil d’administration extraordinaire, tenu, le 19 janvier, pour demander des comptes.
Tout juste remis de sa majestueuse cérémonie des vœux 2009, Pierre Mongin a dû remballer vite fait galette et fève, promettant illico pour cette satanée ligne 13 un programme de développement de 250 millions d’euros sur cinq ans…et pour patienter, ce fameux cahier qui « charge » l’usager.
Toujours est-il que les habitués de la ligne 13 ont bien du mal à digérer ce qu’ils qualifient d’« effet d’annonce ». « Non mais franchement, de qui se moque-t-on ?! Il faudrait lâcher tous ces messieurs, un matin, sur les quais pour qu’ils prennent la mesure du problème ! », tempête Sonia Gomar, présidente du Comité des usagers de ladite ligne, fondé il y a huit ans. « Tout ceci ne serait qu’une vaste plaisanterie si les voyageurs ne risquaient pas tous les jours de graves déconvenues ! »
Retards, avaries multiples, saturation jusqu’à plus soif : la ligne concentre toutes les difficultés sans qu’aucune amélioration n’ait pointé son nez. En outre, la mise en service de deux nouvelles stations, Les Agnettes et Les Courtilles, en juin 2008, desservant Asnières-sur-Seine et Gennevilliers, n’a pas davantage arrangé la fluidité du trafic malgré les promesses de la RATP. Bien au contraire. Le fameux écart de 95 secondes entre deux rames certifié par « Ouragan » - un matériel informatique embarqué à bord censé assurer l’intervalle précité - s’est aussitôt dissipé dans les souterrains. Surtout, ce système devait être mis en place et généralisé dès…2007.
Hier matin, 8h15 sur le quai, il fallait plutôt compter trois minutes au bas mot pour espérer apercevoir la rame… Un retard, des retards. Invariable. C’est la conjugaison maison. « On souffre d’un déficit d’investissement en matériel. Du coup, Ouragan a pris énormément de retard », explique Bertrand Dumont, délégué Sud à la maintenance des trains RATP. Bref, sur la soixantaine de rames que compte la ligne 13, sept d’entre elles seulement sont actuellement équipées du fameux programme aussi vif que l’éclair. « L’outil informatique n’est toujours pas au point. Il n’est pas assez souple par rapport à la gestion des trains, relaye un conducteur, dix ans de service sur la 13. Ce qui provoque des bugs et des retards supplémentaires qui se reportent sur les conducteurs. In fine, ça fait des trains en moins qui circulent. »
Autre inconvénient majeur de la ligne selon les conducteurs : l’existence de la fourche menant, en ses extrémités nord, l’une à Saint-Denis ; l’autre à Gennevilliers, aux Courtilles. « Lorsque l’on a un manque sur Saint-Denis et que le conducteur est sur Les Courtilles, il ne peut, comme ça, changer d’itinéraire. Il y a donc un trou… » Un véritable casse-tête en l’état actuel du dispositif. « Du fait de ce tronçon central, l’intervalle entre deux trains est double. Impossible en tout cas de descendre en dessous des 95 secondes théoriques », convient Daniel Le Cunff, secrétaire CGT Métro-RER. « La desserte banlieue nord est l’une des moins performantes. Tous les ans, des usagers potentiels s’agrègent. Conséquence : aux heures de pointe, il n’y a pas assez de trains. Quand on verse trop d’eau dans un entonnoir, ça déborde… » Imparable.
Heureusement, fruit d’intenses réunions de travail cet été, est né ce cahier des charges qui préconise de responsabiliser les usagers de la ligne. Une habile scénographie, pour la modique somme de 150 000 euros, doit faire son apparition fin janvier. Une campagne de com’ initialement prévue pour octobre 2008. Comme un énième retard pour la maudite ligne 13.
Lire ou relire dans Bakchich :
Heu…
3 minutes ?
Bon, le rédacteur de cet article a bien le droit de ne pas prendre cette ligne tous les jours, mais non, aux heures de pointes, trois minutes c’est du tout bon.
C’est souvent 10, parfois 12-15 (je parles des heures de pointe). Si bien que les rames sont bondées, et donc on est obligé d’attendre celle d’après, mais ça, tous les parisiens connaissent.
Le pb ce sont surtout les pannes à répétition : pannes de courant, de signalisation. Si bien que les gens descendent lorsque la rame n’est pas loin de la station. Donc gens sur les voies, le courant est de nouveaux coupé.
Et donc on a le message "en raison de personnes sur les voies, le courant est coupé".
Et en plus c’est de la faute des voyageurs si on arrive une demi-heure en retard !
« il s’agit de dépasser la problématique ligne 13 (complexe à aborder et surtout à anticiper), voire la « banaliser », et de mettre en place un dispositif comportemental et informatif global et réciproque ».
Faut sans doute éduquer le crétin qui a pondu ca ! Et Jean Paul Huchon aussi. Au fait, ce n’est pas lui qui avait des sensations éjaculatoires lorsque les américains bombardaient l’Iraq au début des années 1990 ?