Deux livres relatent la tumultueuse entreprise de démolition des débraillés à crêtes. Punk’s not dead !
L’helvète chauve et binoclard, entre deux soupirs coutumiers, un jour de zézaiement inspiré, l’avait postulé : « c’est la marge qui définit la page. » Godard, l’oeilleton prophétique, venait de hoqueter, d’une sentence éclairée, une parfaite définition de l’ébullition punk qui allait bientôt mettre la Perfide Albion sans dessus dessous pour essaimer partout ailleurs à l’orée des seventies.
Trente ans plus tard, les sauvageons sont de retour, immortalisés sur papier glacé. La parution simultanée de deux ouvrages relate au plus près le stimulant déboulé de ces insolents morveux, épingles à nourrice et T-shirts dûment lacérés, maugréant contre des aînés jugés faisandés parce qu’anoblis.
A tout saigneur, tout honneur. D’abord un épais volume replongeant dans l’itinéraire tonitruant des Clash, l’un des groupes les plus marquants de cette saga iroquoise et crêpée. Sobrement intitulé « The Clash » (Ed. Au diable vauvert), il possède la singularité d’avoir été composé grâce aux archives de ces quatre soudards londoniens. 384 pages de photos, textes et gribouillages intimes défiant la postérité et rendant compte de la saine activité de la bande de Joe Strummer.
Groupe jamais reformé, à la différence des Sex Pistols, les Clash, sont entre autres, les auteurs du prémonitoire « Rock the Casbah », aujourd’hui médité par GI’S et troufions coalisés dans les charmantes bourgades d’Irak. Une chanson composée par leur batteur, lâchement remercié par Joe et ses potes. Lesquels s’obstinèrent à décliner toute reformation, authentique bras d‘honneur aux organisateurs rapaces et zélés. Le regretté Joe, mort en 2002, n’ayant jamais dévié du principe fondateur : « On est arrivés. On a dit ce qu’on avait à dire. Maintenant, on s’casse. Moi, ça me va. »
Le second livre, concocté par les rédacteurs du mensuel british Mojo, synthétise en 288 pages l’explosive virée de ces punks, toutes obédiences confondues. « Punk, l’histoire complète » (Ed. Tournon) narre l’incruste de ces mal dégrossis, nippés de haillons, sous l’influence de Malcolm Mac Laren, le pingre manageur des Pistols, et de Vivienne Westwood, la prêtresse décintrée du tissu mité. La plupart de ces rejetons de prolos ignore tout des tablatures. Le désœuvrement post acné décide ces vauriens dégénérés amateurs de larsens à triturer micros et grattes. Jusqu’à la corde. Jusqu’à plus soif. L’irruption de morceaux torchés trois minutes montre en main maltraitent des auditeurs éberlués. Aux orties le rock prog’ et ses rituels constipés !
La débrouillardise est sans complexe ! Goguenard et faisant mine de s’en foutre comme d’une guigne, Johnny Rotten (le pourri), le leader des Pistols, peut clamer, à jeun, ses jours fastes : « pour construire, il faut détruire ! » Un slogan fédérant aussi sec petites frappes, minets et doctrinaires naguère chevelus. Les taudis électrifiés font la nique aux studios replets. Les blancs becs invertébrés bousculent toutes les convenances, fiers de distribuer invectives et taloches aux lords et donzelles bcbg de Chelsea.
Elue en 1979, Maggie Thatcher, le brushing carnassier, assure, avec une constance de fer, marketing et promo aux comparses des plagiaires blasphémateurs du « God save the Queen ». Shocking ! Licenciements massifs et coups de menton multiples envers les syndicats : que de munitions offertes à cette génération vociférant, gorges et riffs déployés, d’assourdissants « No future ! »
Ses principaux protagonistes, certains trépassés, n’ont jamais eu le goût des breloques, ni du formol. Davantage pour la bière éventée. On croyait les rangers au clou, troquées pour des mocassins serviles. Les salles de concert supplantées par les salles de marchés. La crise plane désormais sur la City. Les cartons s’amoncellent, les bonus sont soldés. D’outre-tombe, la voix de Strummer-le-lutteur, pour piqûre de rappel. « London’s burning » ?