Le site internet de la SNCF primé / Lettre à Rachel

C’est Noël avant l’heure ! Comme le Père Noël glisserait un joli cadeau dans la chaussette pendue à la cheminée, une inconnue vient de déposer ce week-end son chaleureux message dans la boîte mail de millions de personnes : « Un grand MERCI à vous ». Dans certains foyers, ce message a failli nuire à la paix des ménages lorsque Madame l’a lu sur la boîte de Monsieur. « Qui c’est cette femme ? pourquoi est-ce que te remercie de façon aussi pressante ? »

Elle s’appelle Rachel Picard, c’est une femme de pouvoir, elle est directrice générale. Et on a apprend en lisant son mail ce qu’on lui a fait de si agréable. «  Vous avez élu Voyages-sncf.com, site favori de l’année 2008. » Vraiment chère Rachel, les bras m’en tombent ! C’était sûrement dans un moment d’égarement, à l’insu de mon plein gré. Un article du Monde de ce week-end me rafraîchit la mémoire. Ah oui c’est ça… J’ai dû faire partie d’un “panel “ d’internautes réunis par une certaine Fédération du e-commerce et de la vente à distance dont j’apprends l’existence.

Et c’est donc ainsi que je vous aurais élue Miss voyage 2008. Sinon je ne vois pas…

Chère Rachel, franchement votre site internet, j’y viens souvent c’est vrai. J’y suis obligé pour payer mon billet moins cher qu’aux guichets des gares, soit en m’y prenant trois mois à l’avance, soit un jour avant le départ, soit en ayant de la chance. Et j’avoue aussi que ça me fascine de voir comment l’économie de marché a infiltré ce vieux service public à la française qu’est la SNCF. Je surfe sur votre site comme sur un site boursier pour observer la valse des cours du siège de train. Avec la crise économique, la chute de la demande de transport fait-elle chuter le prix de vos places de TGV ? Pas vraiment pour l’instant.

Pour soutenir le trafic, il faudrait peut-être songer à des promos spéciales, des primes aux TGV comme il y en a pour soutenir l’industrie de la bagnole, la Juppette, la balladurette en leur temps et la Sarkozette aujourd’hui. Pour vous, ce serait la Pepyette, dérivée du nom de votre grand chef, Guillaume Pepy. Mettons la paupiette ou la pépette, qui sonnent mieux à l’oreille, plus médiatiques. Pour revenir à vos tarifs en folie, instables, imprévisibles, même un libéral comme le député UMP Hervé Mariton a dit qu’il fallait un peu de régulation et un peu de transparence dans tout ça. Sinon on risque le krach.

C’est vrai que vous devez avoir du charme pour que je vienne vous visiter régulièrement. Car vous avez aussi plein de défauts. Votre site n’est pas très bien fichu. On s’y perd, car vous vendez un peu de tout, de l’avion, des hôtels, des séjours, des voitures… Et pour les trains, votre site fait ses crises. Il ne reconnaît pas bien les noms de villes qu’on lui demande, il se crispe sur les accents, ne veut pas sortir de tranches horaires qu’on lui a demandés à l’origine. C’est un peu long, fastidieux alors qu’il y a mieux à faire.

Du coup, il y a des traîtres à la patrie qui passent par le site internet de la Deutsche Bahn, votre pire ennemi, qu’ils trouvent bien plus simple pour acheter des billets SNCF. Un comble. Faut dire qu’il n’y a pas d’autres choix quand votre boutique baisse le rideau de fer parce que tout a planté dans les arrières cuisines informatiques. Comme cet été au moment des grands départs, plus récemment ou de façon sporadique. 700 000 visiteurs par jour que vous revendiquez. La faute a trop de succès. Et peut-être à des choix techniques pas très heureux. Il y en a qui disent que vous n’auriez pas dû faire confiance à Microsoft. Chère Rachel, avez-vous songé à écrire à son patron ? « Cher Bill Gates, un grand MERCI à vous. Malgré tous les défauts de vos logiciels, nos clients nous ont quand même élu comme leur site préféré ».

Chère Rachel, j’avoue que vos remerciements me vont droit au cœur mais pas au porte-monnaie. Car voyez-vous, depuis que la SNCF est entrée dans l’ére marchande, vous m’avez fait changé moi aussi. Je suis devenu un consommateur un peu ras la casquette. Je me suis habitué avec votre site ludico-mercantile a ce qu’il y ait toujours quelque chose qui m’intéresse au bout des hameçons que vous me lancés. Des choses à gagner à des concours, des trains à prix cassés. Mais là rien. On aurait pu imaginer un beau cadeau, un truc un peu spécial, une place gratuite sur le futur TGV Marocain ou sur le TGV que la Califonie a décidé de construire. Votre gratitude gratuite ne me plait pas. Je suis déçu par votre manque d’imagination. C’est bien beau de nous dire qu’on a été sympa de vous élire. Dans votre message, vous nous promettez encore votre “passion“ pour que continuions de faire de vous notre favorite jusqu’« en 2009, en 2010, en 2011… en 2020 ». Eh oui, je comprends ma petite Rachel, vous redoutez l’ouverture prochaine du marché du TGV à la concurrence, alors vous voulez conserver auprès de nous le monopole du cœur. Mais c’est pas si simple tout ça…

Rachel Picard Directrice Générale