Une note des renseignements généraux, datant de 1971 et que Bakchich s’est procurée, décrit les turpitudes du jeune Charles Pasqua, vendeur chez Ricard, qui n’hésite pas à employer des méthodes à la limite de la légalité.
Charles Pasqua qui vient d’être condamné à trois ans de prison, dont un an ferme, dans l’affaire dite de « l’Angolagate » en connait un brin sur les caisses noires de la République. Bakchich Hebdo avait raconté, dans son troisième numéro, que la justice suisse n’avait trouvé qu’un seul destinataire de rétro commissions dans le fameux contrat des frégates avec Taiwan. Son nom : Etienne Leandri, corse flamboyant et l’homme d’affaires de Charles jusqu’à sa disparition en 1995.
Dans l’affaire Elf également, ses amis avaient bénéficié de nombreuses largesses et son fils Pierre avait échappé de justesse au renvoi devant le tribunal. Enfin, en mars prochain, le pauvre Pasqua va être traduit devant la Cour de Justice de la République pour répondre d’accusations de trafic d’influence dans trois dossiers alors qu’il était ministre de l’Intérieur entre 1993 et 1995.
Dès son entrée à la société Ricard en 1952, l’ami Pasqua avait pris quelques mauvaises habitudes, comme l’explique une note des Renseignements Généraux dont nous publions en exclusivité des extraits. Datant du 13 mai 1971 et imprimée en vieux caractère d’encre bleue, cette fiche des RG est du bel ouvrage. Où l’on apprend que Môssieu Charles avait été viré de chez Ricard comme un malpropre.
Deux fois ministre de l’Intérieur, Charlie avait fait naturellement disparaître ce document des archives. Heureusement, un honnète fonctionnaire en avait conservé une copie et nous l’a transmise.
A l’époque, Charles Pasqua vend son pastis dans la zone des abattoirs de Marseille, le quartier alors des bars à filles. Avec les « ricardiens » , ce bonimenteur fait merveille, auteur d’un« hymne à l’anis » qui galvanise ses troupes « O toi, sainte Marthe, reine du Pataclet / Sers, avant qu’on n’parte, un bon Ricard bien frais ».
Hélas, la carrière de Charlie dans ce groupe aura été nettement moins brillante qu’il ne l’a généralement expliqué.
« Directeur commercial de Ricard en 1966, notent en effet les RG, Pasqua avait été mis en demeure de quitter cette société à la suite de la mauvaise gestion de son département. Il lui était reproché de s’être rendu coupable, tant sur le plan contractuel que délictueux, « d’un véritable concert frauduleux d’actes caractérisés de concurrence déloyale ». (…)
Profitant de ses fonctions chez Ricard, il aurait vendu parallèlement de l’alcool pour la société Euraim qu’il avait discrètement créée. Ainsi Charlie commercialisait-il à l’époque le Gancia, une sorte de Martini en pire.
Lorsque les patrons de Ricard découvrent le double jeu de leur directeur commercial, ils le trainent devant les tribunaux. « La 3ème chambre de vacation supplémentaire du Tribunal de Commerce de Paris, dans son audience du 24 juillet 1969, rapporte la fiche des RG, a renvoyé les parties dos à dos, et condamna in solidum les sociétés Gancia et M. Pasqua aux dépens ».
La note poursuit sur sa campagne pour se faire élire comme député de Levallois-Clichy en 1968, « a été marquée, notent les RG, par certains incidents locaux, notamment avec des éléments communistes. Ces derniers, à cette époque, avaient fait éditer un tract intitulé « Halte aux nervis de Pasqua ».
Des velléités politiques qui tambourinent jusqu’à la porte de Matignon : « En mars 1970, il a envoyé une lettre à M. Chaban-Delmas lui reprochant de faire preuve de trop de mansuétude et d’indulgence envers les prétendus étudiants de Nanterre qu’il qualifie de « professionnels de la destruction ».
Et les RG de conclure : « M. Pasqua qui dispose d’un chauffeur et degardes du corps mènerait un train de vie que je justifient pas ses ressources personnelles, semble-t-il ».
Le « semble-t-il » honore ce service de police. Mais après l’affaire Elf, les révélations sur les frégates et la condamnation de l’Angolagate, un demi siècle plus tard, cette prudence n’est plus de mise !
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