Paris continue de soutenir à bout de bras le régime tchadien. Dernier épisode : une vente de blindés.
L’éthylique président tchadien, Idriss Déby, s’est accordé un petit break médical. Après être monté au créneau pour affronter la rébellion dans des combats à l’est du Tchad, il s’est posé cette semaine à l’hôpital américain de Neuilly. Une cure qu’il accomplit tel un pèlerinage chaque année pour soulager son foie fatigué. Sauf que cette fois, elle tombait au moment où la date du procès des Français de l’Arche de Zoé, accusés de trafics d’enfants, était fixée. Saisissant la carambouille diplomatico-humanitaire au bond, le fier Idriss en a profité pour jouer la fibre nationaliste du dirigeant africain qui protége son peuple de l’ancien colonisateur.
Un peu gros tant la France maintient à bout de bras son régime titubant. Comment ? En lui procurant assistance, matériels, barbouzes officiels (cf. Bakchich n°54) pour taper contre les méchants rebelles qui lui contestent son titre de président démocratiquement élu à 90 % des voix… À y regarder de plus près, le Déby est même franchement ingrat.
Début 2007, un peu dépassé par les différentes factions qui titillent sa légitimité, le bon Idriss a eu un besoin pressant de matériel. Oh, pas du neuf, finances obligent, mais de l’efficace. Et le maître de N’Djamena a jeté son dévolu sur de vieux blindés. Par chance, la Sofema, un office français d’exportation de matériel militaire, en a en stock. Très exactement en Belgique, dans sa filiale Sabiex, spécialisée dans le reconditionnement, le réassemblage ou la remise à neuf de blindés. A l’époque, engluée dans les sables libyens, la Sofema ne pratique pas des prix exorbitants. Ne reste qu’à obtenir l’autorisation de la commission inter-ministérielle d’exportation de matériaux de guerre (CIEMG). Pas facile tant la situation est tendue au Tchad. Les autorités françaises craignent que les blindés vendus ne s’en aillent guerroyer au Soudan, base arrière des rebelles, et ne provoquent un embrasement de la région.
À tort ou à raison, la Sofema a la réputation d’être une office chiraquienne. Notamment en raison du reclassement d’anciens fidèles grognards dans l’entreprise, tel Jean-Pierre Pochon (ex-DGSE), ou Jean-Bernard Ouvrieu (ancien ambassadeur au Japon). Un trait pas franchement porteur sous Sarko Ier et qui explique en partie, sans doute, la volonté de « nettoyage » de l’office. Un grand ménage qui devrait prendre la forme d’une vente pure et simple. A l’heure actuelle, deux sociétés de Défense sont sur les rangs : GMD et ATE, cette dernière ayant déjà réalise un audit du vénérable office.
Heureusement que la Sofema et le bon Déby ont pu compter sur un ami de poids : l’alors président Jacques Chirac. Selon un bavard de l’office, un honorable consultant a sensibilisé Michel de Bonnecorse, le patron de la cellule Afrique de l’Élysée, à la cause tchado-Sofemasque. Un courrier du 6 mars, signé du général Bernard Norlain, PDG de la Sofema, le remercie même en précisant que « cette démarche m’est très utile pour confirmer la légitimité de notre action au Tchad ». Résultat : le 15 mars, la CIEMG donne son feu vert à l’exportation de 25 véhicules blindés en direction de N’Djaména, contre quelques dizaines millions d’euros. Et la livraison a été honorée en avril, « dans le cadre des clauses secrètes des accords de défense et avec mise en place de personnels du Service Action de la DGSE », précise une des nounous barbouzardes du président Déby.
Hélas, la Sofema n’a pas réglé les forts humbles honoraires de son efficace consultant car l’office a, entre-temps, changé de tête. Guillaume Giscard d’Estaing a succédé cet été au général Norlain, recasé à la tête d’une filiale de la boîte, Cofrexport (« le catalogue de la redoute des écoutes », s’amuse un connaisseur ). Et, depuis, le petit Giscard noie le poisson, arguant « qu’il a appelé Bernard Norlain […] et que mon écrit est resté sans réponse ». Quant à Idriss Déby, pas un merci non plus. À moins que ses humeurs envers Sarkozy ne soient qu’un relent de fidélité chiraquienne…
Le problème est de parler de certains profiteurs en ayant des preuves de leurs magouilles, pour ne pas leur laisser l’opportunités de gagner un peu plus de fric en gagnant des procès en diffamation.
Et quelquefois on perd une bataille mais pas la guerre.
Il suffit de leur remettre une grosse couche avec des preuves
Quand les hommes d’Hissen Habré ratiboisaient les blindés fournis par la France…
Des engins blindés français fournis par la France, ce n’est pas nouveau… En 82/83 déjà, nous fournissions D’Jaména en EBR (engins blindés de reconnaissance, des automitrailleuse sur roues) ou en VAB (véhicules de l’avant blindé). Bon, c’est vrai à l’époque, les fiers cavaliers bleus ( la couleur de leur habillement) d’Hissen avaient bien du mal du côté d’Abéché, face aux rebelles… d’Idriss Déby ( on prend les mêmes et on recommence !). Et pour cause, ceux-ci étaient copieusement arémes, aidés, encadrés, par les Lybiens… Ceux qu’on invite en grande pompe à planteur leur tente dans les jardins parisiens… La France s’était donc fendue de que quelques livraisons de matos. Mais c’était sans compter sur les habitudes ravageuses des cavaliers du désert d’Hissen, de redoutables combattants à cheval mais en engins blindés… Envoyé deux fois là-bas pour RTL, il me souvient de l’immense chagrin d’un juteux chef de notre armée, chargés du service après vente, là haut dans le Nord. Une bonne moitié des blindés sur pneumatiques livrés par son haut commandement venait de lui être retournés par les tchadiens, presque inutilisables. Explication : dans les dunes, les hommes bleus d’Hissen, chargeaient avec ces engins comme ils l’auraient fait avec leurs montures, utilisant le canon monté sur ces machines en roulant à toute allure, alors qu’il est conseillé de le faire à l’arrêt, ne serait-ce que pour plus d’efficacité. Mais le pire n’étaient pas là. La cavalerie tchadienne fonçait sur les blindés adverse jusqu’à l’éperonnage… d’où les pertes matérielles conséquentes. Et non seulement nous payions ce matériel, mais nous assurions aussi les réparations. Et voilà pourquoi mon bidasse français n’était pas à la fête ce soir-là, sa Gala ( bière locale) à la main.