Il est de bon ton de s’indigner, de crier au scandale : Total ne se contente pas de dégager un profit de 14 milliards d’euros, le pétrolier gère aussi ses ressources humaines ! Lorsque Total estime que les perspectives de ses activités pétrochimiques en France nécessitent un dégraissage de 555 postes de travail, il le dit.
Ceux qui, comme Eric Woerth, notre ministre du budget, et sa patronne Christine Lagarde, font mine de s’insurger bruyamment contre cette réduction d’effectifs, étaient les premiers, voici à peine un mois, à féliciter Christophe de Margerie pour avoir dégagé le profit le plus important de toute l’histoire des entreprises françaises. Ils étaient pourtant bien placés, à Bercy, pour connaître les particularités de ce record : contrairement à la plupart des entreprises bénéficiaires, Total déroge à la règle et ne reverse pas à la collectivité les 33 % d’impôts sur bénéfice – un manque à gagner de plus de 4 milliards d’euros (plus de 10% du déficit budgétaire de l’année 2007). Ce qui n’empêche pas le pédégé de Total, M. De Margerie, en annonçant ses brillants résultats, de se vanter de payer l’impôt.
Un échappatoire, curieusement appelé « bénéfice mondial », négocié depuis longtemps avec Bercy, est destiné à permettre à Total de faire jeu égal avec ses principaux concurrents anglo-saxons, qui ne seraient pas non plus assujettis à l’impôt sur les bénéfices. Total déclare donc payer ses impôts dans ses différents centres d’exploitation. Etant entendu que personne ne se risque à mettre en cause la sincérité et la transparence des administrations fiscales de Birmanie, du Gabon, Nigéria et autres émirats… Curieusement, aucun média ne s’est aventuré à interroger le sémillant Margerie sur le montant des impôts réellement payés, ne serait-ce qu’en France.
Pour maximiser les profits, il est bon de minimiser les impôts, mais il faut aussi réduire les coûts, et savoir prendre des risques calculés, la marque du management de qualité.
C’est ainsi que la raffinerie de Dunkerque, fin 1999, devait absolument se débarrasser de quelques millers de tonnes de résidus de fonds de cuve avant travaux de rénovation. Total pouvait bien sûr recourir à une entreprise spécialisée qui aurait évacué et traité selon les normes environnementales ces déchets visqueux. Mieux, parce que moins cher, il fut décidé d’affréter un vieux tanker rouillé et – mal – rafistolé battant pavillon maltais, de le charger de cette mélasse puante et toxique vendue à une centrale thermique sicilienne pas trop regardante sur les normes anti-pollution. C’est ainsi que l’Erika se brisa en deux au large de Quiberon et que des centaines de kilomètres de littoral atlantique français furent mazoutés pendant des années.
Minimiser les coûts de maintenance permet aussi d’augmenter les marges. En novembre 1992, une explosion à la raffinerie de la Méde sur l’étang de Berre coûta la vie à 6 employés de Total, en blessa grièvement deux autres. Neuf ans plus tard, le procès fit apparaître de « graves négligences », notamment une canalisation vieille de 40 ans, pas de contrôle de sa portion incriminée, pas de mesures d’épaisseur depuis une douzaine d’années.
En septembre 2001, l’explosion de l’usine AZF de Toulouse (31 morts et des milliards de dégâts) est-elle aussi une conséquence de la course au profit, moteur de l’activité de Total ? Le procès qui vient de s’ouvrir ne manquera pas de mettre en lumière le recours systématique aux sous-traitants et aux travailleurs intérimaires, cause possible, sinon probable, du mélange malencontreux de nitrate d’ammonium et de dérivés chlorés ; l’origine, selon les experts judiciaires, de l’explosion.
La responsabilité de Total dans le déclenchement des désordres aux Antilles Guyane ne saurait être oubliée. Les prix astronomiques des carburants exclusivement fournis par une raffinerie majoritairement détenue par Total fut, selon le secrétaire d’Etat à l’Outre mer, Yves Jégo, le catalyseur de la crise.
Plus généralement, il s’avère que l’Etat français est au service du pétrolier, en particulier son appareil diplomatique. Quand des plaignants birmans – victimes d’exactions dans la zone du gazoduc construit par Total dans leur pays – intentent une action, c’est le Quai d’Orsay qui mandate les plus grands cabinets d’avocats américains pour obtenir que Total ne soit pas poursuivi devant la Justice des Etas-Unis. Un ambassadeur de France en poste à Rangoon à cette époque résumait d’ailleurs sa mission en trois mots : Total, Total, Total.
Quand Christophe de Margerie est mécontent du comportement de l’Administration française, il rappelle que plus de 60% du capital de sa compagnie étant détenu par des étrangers, il lui serait facile de faire voter son conseil d’administration pour déménager son siège hors de l’hexagone. Pas sûr que le contribuable français y perdrait. Seul Bernard Kouchner se croirait orphelin.
À Lire ou relire dans Bakchich :
Je découvre à l’instant et très tardivement votre publication.Je voudrais profiter de votre site pour diffuser quelques informations en ma possession sur les sujets qui y ont été abordés.
1)Le problème de la récupération des gaz associés au pétrole s’est posé à tous les pétroliers du monde au début des années 70.Jusque là, ils étaient brûlés dans des torchères à la verticale de chaque puits jaillissant. Cette récupération impose des investissements lourds dans des unités complexes qui demandent des années d’étude et de réalisation. C’est ainsi que l’Emirat de Qatar, exemplaire en ce domaine, a mis près d’une décennie à réaliser le réseau de collecte du gaz associé, une usine de traitement primaire séparant les GPL (butane, propane), l’éthane et le méthane, puis les unités de valorisation de l’éthane ( complexe pétochimique producteur de polyéthylènes divers) et de valorisation du méthane (complexe produisant de l’ammoniac et de l’urée, centrales électriques à turbines à gaz associées à la production d’eau douce par distillation d’eau de mer.
Le groupe Total maîtrise parfaitement bien ces problèmes. Mais il est évident que, dans tous les gisements nouveaux qu’il découvre, ses partenaires étrangers exigent systématiquement d’accéder rapidement aux profits résultant de la commercialisation du pétrole lui-même et doivent être convaicus de la rentabilité à long terme des investissements de récupération avant de les autosiser et de participer à leur financement.
2)La catastrophe de Toulouse (21 septembre 2001) a fait l’objet d’une concertation immédiate entre le Premier Ministre et le Président de la République de l’époque.Le PDG de Total a été approché et a accepté (contre quoi ?)de payer sans être condamné. Le Directeur du Cabinet du PM a donné les directives d’application dans les deux heures (proclamation de l’accident avant même que l’instruction soit ouverte et muselage simultané des médias. C’est ainsi que le Procureur Bréard s’est couvert de ridicule en tenant une conférence de presse officialisant cette thèse de l’accident 48 h plus tard. Que des comparses politiciens aient tentés ensuite d’utiliser ce thème, pour préparer les élections présidentielles qui ont suivi, relève de l’évidence. Mais il est non moins clair que l’union sacrée a été maintenue jusqu’à se jour, par deux Présidents successifs et par quatre Premiers Ministres. Au cours du procès, notamment, le Président du Tribunal Correctionnel a refusé d’entendre quatre experts (non judiciaires) qui souhaitaient venir déposer pour expliquer que la thèse accusatoire de l’accident chimique survenu dans l’usine AZF était totalement infondée.
3)La piste de l’acte terroriste devait être légitimement suivie par les enquêteurs soit pour la confirmer, soit pour l’infirmer. Il est curieux qu’elle ait soulevé immédiatement des passions opposant des policiers les uns aux autres. Mais, si vous prenez connaissance du dossier de l’instruction, vous constaterez que cette thèse n’a jamais été retenue par la Commission d’enquêtes interne de Total ni par les avocats de Serge Biechlin et de Grande Paroisse.
Je n’y suis pas moi-même favorable.
4) La raison de cette omerta générale n’est donc pas une obstruction quelconque menée pat Total pour s’exonérer du paiement des indemnités mais la couverture d’un secret d’Etat. Tout observateur un peu compétent sait qu’il n’y a pas eu une explosion unique dans le stock AZF 221 de nitrate déclassé, mais un processus catastophique relativement long, dont les étapes principales se sont déroulées sur une dizaine de secondes et dont l’étape finale a été la détonation du 221. Pour tenter de masquer cette évidence, les experts judiciaires n’ont pas hésité à truquer la datation de la détonation finale pour la faire coïncider avec le début du processus.
Tout le monde sait, à Toulouse que ce processus est passé par l’usine voisine de la SNPE qui a été ravagée par plusieurs explosions locales bien avant la détonation AZF. Mais l’omerta interdit de le constater et vous pourrez constater q’au cours du long procès le mot SNPE n’a jamais été prononcé.
Ce que les experts contestataires ne savent pas encore, c’est si l’élément initiateur se situe à l’intérieur de la SNPE ou s’il se situe plus à l’Est le processus n’ayant fait alors que traverser la SNPE. Dans les deux hypothèses ce sont des organisations militaires ou paramilitaires qui seraient les vrais responsables. D’où le secret d’Etat qui n’a pu être maintenu que par un mensonge d’Etat.
Mais le dossier n’est pas enterré et je fais partie de ceux qui continuent à l’étoffer.
Bernard ROLET Ancien cadre dirigeant de l’Industrie Chimique Président de l’association "Pour la vérité sur le 21 septembre"