Le futur président de Total a déjà découvert les délices des mises en examens… Une formation en accélérée
Interlocuteur privilégié des présidents et émirs du Proche-Orient au sein de Total, voilà Christophe de Margerie englué dans le pétrole irakien. L’approvisionnement en or noir dans les années 1990 auprès du régime de Saddam Hussein semblait transparent, garanti par le programme des Nations Unies « Pétrole contre nourriture ». Sauf qu’un marché parallèle s’était développé, où des personnalités proches de Saddam et de Tarek Aziz vendaient au plus offrant leurs propres barils… sans aucun contrôle : l’argent versé à ces intermédiaires par Total, notamment à un avocat libanais, Elias Firzli, proche de Tarek Aziz, s’est retrouvé en partie sur des comptes bancaires de fonctionnaires irakiens, en Jordanie et au Liban.
Responsable de Total pour le Moyen-Orient jusqu’en 1999, Christophe de Margerie est épinglé pour ces pratiques acrobatiques… Il a été mis en examen en octobre 2006 pour complicité « d’abus de biens sociaux » et « corruption d’agents publics étrangers » par le juge Courroye. Margerie et l’avocat libanais sont de vieilles connaissances : ils se sont vus régulièrement, une fois par mois. Margerie lui signait des contrats de consultant et remboursait ses frais jusqu’en 1999. Firzli ne faisait pas de comptes rendus écrits : « Il devait nous aider à trouver des solutions pour pouvoir signer des contrats pétroliers en Irak », plaide Margerie dans le procès-verbal de son interrogatoire que Bakchich a consulté.
Mais le discret avocat a perçu, via un parcours très tortueux, plus de 8 millions d’euros de la part de Total. Bien plus que prévu par ses contrats de consultant. Le magistrat se demande si Margerie avait connaissance du rôle de Firzli sur le marché parallèle : « Je savais qu’Elias Firzli avait la possibilité d’avoir accès en toute légalité à du brut irakien », répond Margerie. Mais « cela ne dépendait pas de moi ». Circulez, il n’y a rien à voir chez le numéro deux de Total… « C’était le seul conseiller extérieur que nous avions pris sur l’Irak. On a eu de nombreuses réunions avec lui et des membres de l’équipe du ministre du pétrole irakien », explique Margerie. À propos de commissions versées à des fonctionnaires irakiens, Margerie assure : « je n’en étais pas du tout informé et je ne pense pas que ce soit Total qui s’y soit employé ». « On a peut-être pris des risques. On en prend toute sa vie dans ces pays-là. J’ai fait ce qui était bon pour notre pays et pour Total », ajoute-t-il en assurant n’avoir jamais parlé du sujet avec Tarek Aziz, dont l’avocat libanais était l’ami.
« Nous n’avons jamais pratiqué une quelconque corruption. Il est exact que maintenant, nous avons des règles beaucoup plus strictes dans le groupe (…). J’ai moi-même été amené à licencier deux personnes pour des rétro-commissions en France en 1998 ». Une probité qui l’honore mais qui n’a, semble-t-il, pas convaincu le juge d’instruction qui l’a mis en examen. Reste à savoir si cette petite péripétie l’empêchera de prendre les rênes du géant pétrolier. De Margerie doit s’installer dans le fauteil de pédégé de Total le 14 février prochain.