Le mouvement qui a paralysé la Guyane pendant plus d’une semaine a pris fin ce vendredi 5 décembre. Retour sur les difficultés industrielles du plus grand département français.
Plus grand département français et unique territoire de l’Union européenne en Amérique du Sud, la Guyane, quoi que disposant de fabuleuses richesses grâce à un sous-sol gorgé d’or, d’argent, de nickel, d’ uranium, souffre paradoxalement d’une économie en lambeau. Seconde activité économique du département, la prospection minière (légale) sous la pression des écolos est stoppé. avec pour conséquence de livrer la forêt a une armée de « garimperos » (chercheurs d’or) pas franchement portés sur le développement durable…
Ses 200 000 habitants vivent, pour une grande majorité, sous perfusion de subventions, dénommées « solidarité nationale et communautaire », contrat de plan Etat-Région (CPER) et Document Unique de Programmation des fonds structurels européens . Malgré de multiples efforts engagés afin de dynamiser la production à partir des ressources locales : bois, pêche,… seule l’agriculture est parvenue a enraciner une activité économique significative ceci grâce à la communauté Hmong ! Ces quelque deux milles montagnards, arrivés du Laos après 1975, produisent actuellement les 80 % des fruits et des légumes consommés localement.
Donc, hormis le Centre spatial guyanais (CSG) à Kourou et l’industrie aurifiée traditionnelle, aucune autre activité industrielle ne produit de la valeur ajouté pour l’économie de cette région couverte sur 96 % de son territoire par une forêt équatoriale, parmi les plus riches en biodiversité au monde.
La Guyane se place ainsi en tête de toutes les régions françaises en ce qui concerne la part du financement de l’État. Une image d’Eldorado, caractérisée par un niveau de vie sans commune mesure avec celui des pays voisins (Brésil, Surinam, l’ancienne Guyane hollandaise) et qui attire une émigration incontrôlable, dépassant selon certaines estimations, le quart de la population locale. En réalité, derrière cette apparente et relative prospérité, la Guyane semble être devenue exsangue avec l’abandon de sa deuxième activité économique : l’industrie aurifère.
Suite à un orpaillage souvent olé-olé et sans pitié pour la nature, pratiqué par certains pendant des années, les Verts métropolitains ont trouvé là leur cheval de bataille et mené le combat pour imposer : « l’or vert contre l’or jaune ». Résultat, à l’époque où les pays industriels se précipitent pour convertir leurs réserves en or, et ou le prix du métal flambe, la France a pratiquement stoppé sa production d’or (3 tonnes par an) en refusant la réouverture de l’exploitation des mines pour des raisons écologiques. Sur la centaine d’orpailleurs légalement installés, ne subsistent aujourd’hui qu’une quinzaine de « desesperados ».
Pour le plus grand bien de la forêt amazonienne ? Bien au contraire ! Car dans le même temps les orpailleurs clandestins, les « garimpeiros », estimés officiellement à près de 15 000 [1] continuent l’extraction de l’or. Ce, pour des quantités très supérieures à la production des orpailleurs légalement installés. Une prospection sauvage qui détruit la forêt équatoriale et empoisonne rivières et terres, par l’usage intensif du mercure.
En février dernier à Saint-Georges au bord de la rivière l’Oyapock lors de la rencontre entre Nicolas Sarkozy et le Président Brésilien, les deux chefs d’états ont évoqué sans détours le cas des « 30 000-35 000 » clandestins séjournant en Guyane. Le président brésilien à clairement indiqué à son homologue français qu’il ne bougerait pas le petit doigt pour freiner l’émigration de ses compatriotes en exposant sa priorité : « nourrir 20-25 millions personnes de l’autre côté de la frontière guyanaise, l’une des régions les plus pauvres du Brésil » expliquait t-il. Les opérations spectaculaires et couteuses comme « Anaconda » ou « Harpie », menées par quelques milliers de militaires et gendarmes ne sont qu’un coup d’épée dans l’eau, et ne rassurent que les bonnes âmes de Paris.
Les exploitations clandestines n’ont pas été très perturbées par le blocage cette semaine des routes du département car elles sont alimentées par un carburant biens moins cher et importé illégalement des pays voisins. Pendant ce temps-là, les prospecteurs légaux assistent impuissants au pillage et la destruction environnementale. Incroyable mais vrai. La mise à mort de l’activité de l’orpaillage légal souhaitée par les défenseurs de la nature a ouvert la boite de pandore, entraînant l’explosion d’une activité impossible à freiner. Une ruée vers l’or totalement anarchique mais soutenue par une armada de quads amphibies et tout- terrains qui progressent jour après jour.
Les conséquences économiques ne semblent pour l’heure qu’attrister la quinzaine d’artisans et de PME aurifères en passe de mettre les un après les un autres, la clé sous la porte, en attendant le fameux « schéma minier » promis pour la fin d’année par le Président de la République. Cependant, la mise en quarantaine de l’industrie aurifère a réduit depuis trois ans entre 15-30 % la consommation locale de carburant… Un énorme manque à gagner en taxes pour les collectivités locales qui imposera encore un peu plus de subventions.
À lire ou relire sur Bakchich.info, le récit du blocage du département. Ce vent de révolte de la population guyannaise, qui protestait contre le prix du carburant, a pris fin ce vendredi 5 décembre
[1] ce chiffre a été avancé lors de la dernière réunion du Schéma minier sans que le Préfet n’y trouve a redire alors que quelques heures il n’en admettait que 3 500 auprès de Bakchich
Dans le titre (HTML) de la page visible au survol de l’onglet dans le navigateur : GuyanNe avec 2 n : "[Bakchich] Après le blocage de la Guyanne, retour sur les difficultés du plus grand département français."
C’est pas la première fois, que je ne vous y reprenne plus ;)