Le magazine "Pièces à conviction" revient sur la publication par Bakchich des fiches Stic de Halliday et Debbouze. Auteur de ces fuites, le commandant Pichon avait été révoqué début avril. Pour finalement être réintégré.
L’avocat du commandant de police Philippe Pichon, William Bourdon, aime présenter son client comme « un emmerdeur, mais certainement pas comme un voyou ». Or Pichon, mis à la retraite d’office par un conseil de discipline stalinien, a été traité par le ministère de l’Intérieur comme un quasi délinquant. Sa faute ? La communication à notre site des deux fiches STIC de Johnny Hallyday et Djamel Debbouze, qui contenaient des indications parfaitement illégales. Et encore, ce commandant de police intègre avait-il tenu à expurger de ces dites fiches des éléments attentatoires à la vie privée. La publication de ce dossier consacré aux fichiers de police a valu à Bakchich un record absolu d’affluence. C’est dire combien le citoyen est préoccupé par ce sujet d’intérêt public.
« Des emmerdeurs », il en faut, y compris au sein des institutions les plus respectables comme la police, pour défendre les libertés républicaines. Flic bien noté au parcours irréprochable, Philippe Pichon se battait, depuis plusieurs années, contre les dérives des fichiers de police : absence de mise à jour, conservation illégale de données ou encore revente d’infos à des boites d’intelligence économique, ce qu’on appelle dans le jargon policier du joli nom de « tricoche ». Autant de sujets brulants que devrait explorer, ce soir sur France 3, les excellents enquêteurs du magazine « Pièces à conviction »
Autant d’errements dénoncés, l’automne dernier, par la très prudente Commission Nationale Informatique et Libertés. Bakchich avait raconté comment la hiérarchie policière était inquiète de la publication des enquêtes de cette vénérable commission. Effectivement, les rapports de la CNIL, enfin rendus publics et aussi vite enterrés, n’étaient pas à l’honneur de la police française.
Seulement voila, le commandant Pichon qui ferraillait depuis des années dans son commissariat de Seine et Marne contre ces abus, a préféré porter le débat sur la place publique. Un dessein mis à exécution lorsqu’il remet à Bakchich les fiches de deux illustres personnages, Halliday et Debbouze, et qui plus est pour le premier d’entre eux, grand ami du Président Sarkozy. Eux aussi étaient illégalement fichés par la police nationale.
La réaction de la hiérarchie policière fut brutale : garde à vue humiliante du commandant de police, mise en examen par un juge et mise à la retraite d’office. « Certains, place Beauvau, l’avaient dans le collimateur depuis longtemps », confie à Bakchich un des patrons de l’Intérieur. Trop indépendant, trop râleur, et finalement trop flic au fond de lui, pour s’ accommoder d’une institution imparfaite, forcément imparfaite.
Encore qu’il s’est trouvé des magistrats pour remettre à leur place le quarteron de commissaires qui a cru bon de pendre le malheureux commandant sur la place publique, en le privant brutalement de toutes ressources, après vingt ans de bons et loyaux services. Le 5 mai dernier, le tribunal administratif de Melun a ordonné la suspension de l’arrêté du ministère de l’Intérieur prononçant la mise à la retraite de Pichon. Avec, en prime, 2000 euros de dommages et intérêts. (Télécharger l’intégralité du jugement du tribunal administratif à la fin de l’article)
« Il ressort », déclare le Tribunal, « … qu’il est un fonctionnaire apprécié dans sa profession et en dehors, qu’il avait vainement appelé l’attention de sa hiérarchie sur les dysfonctionnements affectant la gestion du dossier STIC et qu’il est constant qu’il n’a pas retiréun profit de la communication à un site internet de deux fiches contenues dans ce système… »
Ce mercredi, l’Intérieur a fait savoir qu’il n’intentait pas de recours devant le Conseil d’Etat. Le commandant Pichon réintègre donc la grande maison.
Télécharger l’arrêté du tribunal administratif
Lire ou relire dans Bakchich :
Les efforts de votre journaliste pour rendre compte du litige devant le tribunal administratif en termes juridiquement adéquats sont louables (et visibles), ce qui distingue cet article de beaucoup d’autres de la presse écrite.
Néanmoins et par souci de perfection, il conviendrait :
de ne pas parler de 2000 euros de "dommages et intérêts", car ce n’en sont pas, mais de remboursement de ses "frais de justice" (ou toute autre expression du langage courant équivalente) ;
de ne pas parler d’ "arrêté" (dans "Télécharger l’arrêté du tribunal administratif") ; les arrêtés ne sont pas pris par des juridictions, mais par des autorités administratives (le maire = arrêté municipal, le ministre = arrêté ministériel, etc) ; ni de "jugement" (terme qui est déjà plus approprié que celui d’arrêté, mais qui ne correspond qu’à la décision du tribunal qui règle l’affaire au fond, et pas en référé), mais d’ "ordonnance". C’est d’ailleurs marqué dedans : "la présente ordonnance" (et non pas "le présent arrêté" ou "le présent jugement").