À l’issue d’un G20, Nicolas Sarkozy annonçait la fin des paradis fiscaux. Or, non seulement la Suisse n’est pas boudée par les millionnaires, mais elle ne cesse d’en accueillir de nouveaux.
Il y a quelques semaines, Alan Howard, le fondateur du plus grand hedge fond d’Europe, Brevan Howard Asset Management (30 milliards de dollars d’actifs sous gestion) est venu s’installer à Genève. Il est suivi par une cinquantaine de ses salariés les mieux payés. Les raisons de ce déménagement de Londres à la Cité de Calvin ? La Suisse reste un vrai paradis fiscal, à condition de ne pas seulement y cacher ses sous, il faut aussi s’y établir.
Explications : en 2009, le G20 menace les paradis fiscaux, et notamment la Confédération helvétique. Celle-ci accepte une concession de taille : elle n’a plus le droit de faire une subtile distinction entre la fraude fiscale (qui est interdite) et l’évasion fiscale (qui est tolérée). Le fisc français peut dorénavant demander au fisc suisse des précisions sur les fortunes tricolores planquées sur les bords des lacs Léman, de Zurich et de Lugano.
Or, si cette distinction entre fraude et évasion fiscale n’existe plus pour les étrangers qui n’ont que leur argent en Suisse, en revanche, elle est maintenue pour les étrangers qui sont établis entre lacs et montagnes. Les riches Français n’ont pas mis longtemps pour comprendre l’astuce : ils viennent en masse habiter à côté de leurs magots. Dorénavant, ils peuvent, sans crainte, faire des pieds de nez aux inspecteurs des impôts français.
« Depuis un an, de plus en plus de Français n’ayant pas déclaré leurs revenus me contactent pour élire domicile en Suisse », explique dans La Tribune de Genève l’avocat genevois Philippe Kenel. Habituellement, les formalités ne prennent pas plus de six semaines. Comme on peut facilement le constater pour Johnny Hallyday, résident fantôme à Gstaad, l’administration à croix blanche ne se soucie guère de savoir si vous habitez bien sur son sol. Notre rocker, qui n’a pas été aperçu dans les Alpes bernoises depuis bientôt un an, ne paie qu’entre 500 et 600 000 euros par an au fisc suisse.
Les administrations cantonales ne s’intéressent qu’au fameux forfait fiscal. Par l’intermédiaire de son avocat, ou d’un cabinet de conseil financier, comme celui de François Micheloud à Lausanne, le riche Français expatrié négocie ses impôts, et peut faire jouer la concurrence entre les différents cantons. « Genève présente le gros avantage de posséder un aéroport international, mais l’administration me réclame 450 000 francs suisses. En revanche, Montreux, également au bord du lac, se contente de 380 000 francs, et Sion de 290 000 francs », constate un trader, qui ne sera bientôt plus fraudeur aux yeux du fisc tricolore.
Depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy, non seulement les riches ne rentrent pas dans l’Hexagone, mais ils sont deux fois plus nombreux à prendre la poudre d’escampette. Selon le Syndicat unifié des impôts (SNUI), deux à trois personnes assujetties à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) quittent la France chaque jour ! Souvent pour la Suisse et la Belgique, en raison de la proximité géographique et de la langue.
L’affaire Woerth-Bettencourt n’a pas fini de provoquer des dégâts. On se souvient qu’en juillet, l’Inspection générale des finances (IGF) acceptait de blanchir Eric Woerth dans le dossier Bettencourt. Ce qu’on sait moins, c’est que dans le même temps, l’IGF a exigé la suppression de la cellule fiscale au sein du ministère du Budget ! L’Inspection générale des finances estime que l’existence même de cette cellule (qui ne traite que des « personnalités », notamment des peoples et des grands patrons) « nourrit la suspicion ».
« La question est de savoir si les membres de la cellule fiscale traitent les dossiers en influant sur le résultat du travail de l’administration fiscale ou bien seulement en transmettant à l’administration les informations », s’interroge Michel Sapin, ancien ministre socialiste de l’Economie. François Baroin, qui a succédé à Eric Woerth au ministère du Budget, est bien décidé à discrètement supprimer cette cellule en septembre.
Lire ou relire sur Bakchich.info :