Selon la police, les sans-papiers enfermés au camp de rétention de Vincennes sont bien traités. Pourtant, plusieurs parlent à Bakchich de coups et de blessures…
Que se passe-t-il vraiment derrière les hauts murs, barbelés, du centre de rétention des étrangers de Vincennes ? Là-bas, 250 personnes, en défaut de titre de séjour, sont enfermés en attendant leur expulsion vers le Mali, la Tchétchénie ou le Maroc. Ils sont logés depuis des semaines dans des chambres dortoirs. Ils peuvent téléphoner et recevoir la famille au parloir. La préfecture de police de Paris explique aux journalistes qu’il n’y a pas d’incidents, et que les droits de la personne sont respectés. La politique du chiffre, qui oblige le ministre Brice Hortefeux à renvoyer ses 25 000 étrangers par an, s’accomplirait dans le calme. Et sans heurts.
Pourtant… La veille du jour de l’an, Bakchich était devant l’entrée du centre. Et ce soir-là, nous avons vu plusieurs personnes ressortir de leur visite des étrangers enfermés, en portant de curieux documents dans les poches.
Ce sont des papiers que les détenus sont parvenus à faire sortir du centre. Des témoignages de mauvais traitements et des certificats médicaux, décrivant des blessures. Pour découvrir ces violences et pour entendre aussi la version des policiers, cliquez sur la vidéo.
Ce soir du jour de l’an, devant l’entrée du centre de Vincennes, la caméra de Bakchich n’a pas pu tout filmer. Mais nous avons pu être témoin d’une scène, qui s’est déroulée sur une période de sept heures. Une petite dame, discrète, attendait de pouvoir visiter son mari : un chanteur tunisien qui menait bonne carrière sur Paris, jusqu’à ce qu’on l’enferme ici pour préparer son expulsion. L’épouse attendait son tour depuis trois heures, quand le micro du centre a annoncé la suspension des visites, en raison, précisait l’appareil, d’"un problème à l’intérieur".
Inquiète, la femme a décroché son téléphone pour joindre son époux, et elle a réussi à l’entendre. "A l’intérieur", les retenus ne voulaient plus regagner leurs chambres. Mais surtout, au bout du fil, le mari était en pleurs. Épileptique, il souffrait d’extrêmes douleurs à la tête et aux oreilles. Il ne parvenait plus à tenir sur ses jambes, et n’avait vu aucun médecin depuis sept jours.
Une avocate des sans-papiers assistait à la scène. Elle se mit en devoir d’exiger, auprès des administrateurs du centre, la venue d’un médecin. La nuit tombée, elle s’est disputée pendant quatre heures avec les policiers pour obtenir l’écoute d’un officier, qui a promis des actes. En vain. Quatre jours après, le malade n’avait toujours pas été examiné par un médecin.
Voici un témoignage :
J’ai un ami d’origine africaine qui vit depuis plus de 5 ans en France. Il parle couramment français et est quelqu’un de très sociable et honnête. Il n’a pas de papiers.
Un jour il a été arrêté et emmené au centre de détention de Vincennes. Il a été choqué par le fait d’être arrêté comme un voleur, alors que c’est quelqu’un d’honnête et généreux.
Je suis allé le visiter sur place à Vincennes. C’est un endroit peu accessible et il faut marcher assez longtemps depuis la gare de RER. Les horaires de visite sont très limités. On a l’impression d’entrer dans une prison. D’ailleurs c’est une prison pour innocents. On doit attendre dans une sorte de salle dans un bâtiment en préfabriqué, en laissant notre pièce d’identité, et notre portable à un policier à l’entrée. On attend une demi-heure voire plus, et au bout de ce temps là, on voit arriver notre ami, fatigué, en piteux état.
Au bout d’un certain nombre de jours de rétention dans le centre, Mon ami a été accompagné afin de rencontrer le consul de son pays d’origine supposé par la police.
Le consul n’a pas pu trancher devant l’absence de papiers et l’absence de passeport, et a refusé de reconnaître mon ami comme étant de ce pays. Aussi mon ami n’a t-il pas été renvoyé par avion. Mais au bout de la période réglementaire, il a été relâché.
Mais avec quoi ? Des papiers ?? non, aucun nouveau papier. Aucun document qui lui permette de se justifier, alors qu’il n’a pas pu être extradé, et qu’il est manifeste qu’il va rester en France.
Ainsi la France a tenté de le faire extrader, mais n’y étant pas arrivée, elle le relâche, et ce, sans lui donner des papiers temporaires Par exemple une carte de séjour ou un document qui lui permettrait de continuer à vivre en France.
Il y a donc là un no-man’s land juridique !!
Maintenant, mon ami est toujours sans papiers, donc sans travail… Comment travailler quand on n’a pas de papiers ?? Ainsi la France se place dans une position d’hypocrisie manifeste. Cette position est "perverse" selon moi, et ne respecte pas les Droits de l’Homme, puisque pour vivre ces gens risquent d’être contraints à utiliser des solutions malhonnêtes.
Signé : un citoyen français qui trouve toute cette situation inadmissible.