La Cnil doit rendre jeudi 22 janvier au ministère de l’Intérieur son rapport sur le Stic, le plus important des fichiers de police. Une cinglante confirmation des informations publiées par Bakchich en octobre dernier.
L’inflation a aussi gagné les fichiers de service de police. En premier lieu, le Stic (système de traitement des infractions constatées). « 23,5 millions de procédures recensées, 26 millions d’infractions, 5 millions d’individus, 18 millions de victimes », précisait le rapport de la Cnil en 2004. Pour 2008, ce sont « 5,5 millions de personnes mises en cause, et 28,3 millions de victimes, dans 36,4 millions de procédures. », selon les estimations du nouveau rapport de la Cnil.
Un joli score. Qui inquiète. La commission nationale informatique et liberté pointe à la fois « les failles dans le contrôle de ce système », « sa mise à jour insuffisante », et « les conséquences de l’usage d’un tel fichier » dans son nouveau rapport, qui sera présenté le 20 janvier lors de sa séance plénière…
Autant d’éléments que Bakchich, dès octobre dernier, a mis en évidence, documents à l’appui. Et dont les hiérarques de la police nationale sont tout à faits conscients !
Créé en 1994 par Charles Pasqua pour recenser les infractions et délits, ce fichier a d’abord mis du temps à être légalisé. Le décret d’application de la loi portant sur sa création n’a été promulgué qu’en 2001… sans être trop respecté.
En premier lieu, la durée de conservation des fichiers. L’inscription au Stic ne doit pas dépasser les 40 ans pour les infractions les plus graves (assassinats, viols…etc), et les vingt ans pour les délits moins graves. Délais fort peu respectés.
La mise à jour n’est pas non plus le fort des services de la Maison Poulaga. En cas de relaxe ou d’acquittement, l’effacement pur et simple des données est le principe. Quant aux décisions de non-lieu ou de classement sans suite motivées par une insuffisance de charges, elles doivent être inscrites et compléter le fichier. À charge pour les procureurs de la République territorialement compétents de transmettre les évolutions aux services de police. Une transmission rarement effectuée.
Mieux, les victimes se retrouvent elles-aussi fichées automatiquement. À moins qu’elles demandent expressément à en être radiées. Victimes et fichées, deux bonnes raisons d’aller voir la police !
Et pour tout ce beau monde, aimablement radiographié – à tort ou à raison (en 2004, la Cnil estimait le taux d’erreur du fichier à 25%) – par la flicaille, de menus ennuis. Outre les policiers, ces fiches sont consultables par les entreprises de sécurité ou de défense. Un secteur qui emploie près d’un million de personnes en France. Et des entreprises pour lesquelles une inscription au fichier Stic ne fait pas reluire un CV.
Sans compter sur la tricoche, aimable pratique qui consiste pour les policiers retraités ou encore en service à revendre ces fiches de police à des enquêteurs privés…
Au moins le ministère de l’Intérieur et les patrons de la maison poulaga ne pourront-ils pas feindre la surprise, quand le rapport de la Cnil leur sera remis le jeudi 22 janvier. Leurs conclusions, dévoilées par Bakchich en octobre dernier, étaient en bien des points similaires. Et leur inquiétude tout aussi grande. Seules les montagnes ne se rencontrent pas, dit le philosophe…
L’article de Bakchich, que confirme le rapport de la CNIL
J’ai été dans l’administration du personnel dans une entreprise de sécurité. Nous n’avions pas accès au fichier Stic, toutefois il faut déclarer à la préfecture tout nouveau salarié. Les critères d’interdiction d’exercer dans la sécurité sont soit très précis (casier judiciaire), soit très flous (inscription au fichier Stic, et une commission qui estime qu’un comportement contraire au bonnes mœurs nuit au travail). En 3 ans de travail dans la sécurité, j’ai eu 3 fins de contrat à faire (complètement dérogatoire au droit du travail, soit pas de préavis, pas d’indemnité de licenciement ou de fin de contrat, etc…), en voici le résumé. 1. Un cdd entré en juin pour un contrat jusqu’à fin décembre en télésurveillance, déclaration faite en juillet, excellent élément que nous voulions embaucher. Refus reçu le 17 décembre, donc fin de contrat sans indemnité de précarité le jour même, incompréhension du salarié, qui saisit le procureur. Il avait été inscrit dans le fichier Stic pour une bagarre de bar, sans condamnation ni même contravention, en gros aucun délit reconnu. Interdiction de travailler dans la sécurité. 2. Un cdi comme contrôleur de gestion, agé de 33 ans, nous recevons une interdiction d’exercer. Après enquête, il a été pris pour vol de mobylette à 15 ans. On se croirait dans Cold Case. 3. Un responsable commercial, pour diriger une équipe de 6 commerciaux. Réception d’un refus d’exercer 6 mois après la demande, pour comportement contraire aux bonnes mœurs. Licencié sur le champ.
Exemples éloquent d’un système mal renseigné, où le pardon et la réinsertion n’existe pas, où les délais administratifs sont extrêmement longs, et l’opacité totale.
Pour être radié du fichier Stic, il faut saisir le procureur du lieu de "l’infraction constatée", et demander la radiation. Le délai d’attente est très long. Et la garantie d’être vraiment radié ???
A l’époque, il y a eu quelques plans sociaux dans la sécurité. Avant de lancer les plans sociaux, certains patrons ont demandé des vérifications du fichier Stic pour leurs anciens salariés. Tous ceux qui étaient interdits d’exercer ont été licenciés administratifs sur le champ, sans passer par la case plan social. Génial, non ? A mon avis, si Parisot savait cela, elle le proposerait pour tous les salariés.