Malgré quelques inflexions, la politique d’Obama en matière de lutte contre le terrorisme garde bien des points communs avec celle de l’administration Bush. L’analyse de l’IRIS.
Slogan de campagne répété à l’envi, le changement devait être le fil conducteur de la politique domestique et étrangère de la présidence de Barack Obama. Maintenant au pouvoir, face à la réalité du contexte national et international, des marges de manœuvres et des intérêts souvent divergents des différents acteurs impliqués, la question de l’amplitude de ce changement est soulevée.
La question se pose notamment sur la lutte contre le terrorisme, initiée par George W. Bush et aujourd’hui largement critiquée. Durant la campagne, Obama et son entourage avaient souligné leur volonté de se défaire de l’approche de l’Administration Bush à ce sujet.
La guerre contre le terrorisme avait tenu une part prépondérante dans la politique étrangère de la précédente administration. La « doctrine Bush », élaborée à la suite des attentats du 11 septembre 2001 et officialisée dans la National Security Strategy de 2002, reposait sur trois fondements pour lutter contre le terrorisme : privilégier l’action unilatérale (découlant du refus de voir les contraintes internationales amoindrir la marge de manœuvre des Etats-Unis), recourir à l’action préventive (les Etats-Unis agissant contre les menaces naissantes « avant qu’elles n’aient pris forme ») et utiliser de tous les moyens, y compris la force armée, pour promouvoir la démocratie. Le projet de Grand Moyen Orient, développé en 2003 et officialisé en 2004, est venu compléter cette stratégie américaine, en ciblant plus particulièrement cette région englobant le Maghreb, la Corne d’Afrique, le Moyen-Orient jusqu’à l’Afghanistan et le Pakistan.
« Comme la lutte contre le communisme pendant la Guerre froide, la lutte contre le terrorisme sera le conflit d’une génération. Il continuera longtemps après ma présidence », avait prédit Bush en décembre 2008. Et effectivement, malgré une dénonciation ferme de l’approche de l’Administration Bush en matière de terrorisme, il est probable que l’Administration Obama ne change pas radicalement la politique américaine à cet égard.
Depuis sa prise de fonction, Barack Obama a privilégié son programme intérieur, économique notamment. L’ampleur de la crise économique et les défis à relever pour redresser la situation interne du pays imposaient une implication personnelle de sa part. En revanche, il délègue énormément sur le plan international : nomination d’émissaires spéciaux pour le Proche-Orient (George Mitchell) et l’Afghanistan et le Pakistan (Richard Holbrooke) et de multiples conseillers au Département d’Etat et au National Security Council (NSC), tournée d’Hillary Clinton en Asie, voyage de John Kerry, Brian Baird et Keith Ellison au Moyen-Orient (notamment à Gaza et en Syrie)…
Cette méthode constitue le premier pilier de la politique étrangère d’Obama : la distribution du pouvoir au sein de l’administration, avec un renforcement du NSC et des émissaires spéciaux chargés des principales zones de crises. Obama continuera de prendre les grandes décisions et de fixer la ligne, mais ne suivra pas les dossiers internationaux au jour le jour. Quant au Département d’Etat et Hillary Clinton, leur principale tâche sera de refaçonner la politique étrangère américaine. Hillary Clinton a d’ailleurs été la première à évoquer le concept de « smart power » pour la conduite de la diplomatie.
Le second pilier est la remise au goût du jour du « speak softly and carry a big stick ». Certes, Obama et son administration ont insisté sur leur volonté de dialogue, d’ouverture. Mais cela n’empêchera pas un grand réalisme et un grand pragmatisme, comme l’a confirmé la visite d’Hillary Clinton en Asie : les intérêts économiques ont primé sur la défense des droits de l’homme. La stratégie d’Obama, notamment en Afghanistan, n’est pas encore pleinement définie, mais les grandes lignes de la politique étrangère américaine sont d’ores et déjà visibles et marquent une certaine continuité avec les fondements de la politique étrangère américaine.
Sur le plan de la lutte contre le terrorisme, la continuité, plus que la rupture, marque également les débuts de l’action de l’Administration Obama. Comme le soulignent l’International Herald Tribune et le Wall Street Journal , certains membres de l’Administration Obama continuent de soutenir des pratiques de l’Administration Bush : programme de la CIA de transfert de prisonniers dans d’autres pays, le classement sans suite des poursuites de la part d’anciens détenus de la CIA pour cause de secret d’Etat, emprisonnement sans jugement de personne suspectée d’aider financièrement Al-Qaida ou d’être un combattant ennemi sur le sol américain, … De quoi relégitimer l’architecture de lutte anti-terroriste de Bush, malgré la fermeture annoncée de Guantanamo.
L’Administration Obama va ainsi poursuivre la lutte contre le terrorisme, tout en marquant une inflexion sur la méthode, en travaillant en coopération avec d’autres pays, et sur l’approche, en réfutant l’amalgame entre monde musulman et extrémisme. Mais nous sommes encore loin du vœu de G. John Ikenberry : « c’est peut-être un paradoxe […] que nous devions mettre fin à la guerre contre le terrorisme puisque nous ne pouvons mettre fin au terrorisme ».
Lire ou relire sur Bakchich.info :
I’m sorry but I don’t agree with the first comment : Ce n’est certes plus un jeu, mais la guerre est devenue quelque chose de sérieux, doit-on vraiment s’en réjouir ?
Ce que fait l’administration d’Obama, c’est de la poudre aux yeux. On ferme Guantanamo parce que tout le monde en parlait mais les tortures continuent ailleurs. On quitte l’Irak parce que tout le monde en parlait mais on redéploie des troupes en Afghanistan.
Damned, comment tant de gens ont-ils cru en effet que le monde allait s’améliorer ? On va avoir l’illusion qu’il s’améliore sans que ce soit le cas, et ça c’est encore pire ! Car nous allons droit vers la catastrophe. Il faut rester mobilisés, il faut rester vigilant, mais si on croit qu’Obama sauve le monde, on se trompe !
Sinon, je regrette le manque de profondeur de l’analyse de l’article. Vous n’allez pas assez loin, les faits que vous avancez manquent de concret.
Pourquoi Mme Lepri, faire semblant d’avoir cru qu’Obama n’appartiendrait pas à l’un des deux grands partis états-uniens qui se succèdent au pouvoir à Washington ? La constitution et le mode de scrutin empêchent l’émergence de personnalités de rupture et au mieux (ou au pire ?), le parti démocrate se positionnerait au centre droit de notre échiquier politique, c’est-à-dire aux alentours d’un M. Bayrou …
Ceci énoncé et dans ces limites-là, vous l’avez parfaitement dit, il y a une nouvelle approche, même sur le plan international. Et ce changement est majeur parce que les Etats Unis ne prennent plus le Moyen-Orient comme une console de jeu video (« Game over, Saddam ! ») et ne se prêchent plus comme les gendarmes du monde. Un immense bénéfice pour la planète.