De puissants lobbyistes, une banquière ayant mis la clé sous la porte, des spéculateurs, des membres du complexe militaro-industriel… Elle est belle l’équipe de transition de Barack Obama !
Au début de sa campagne présidentielle, Barack Obama l’a promis : « Aucun lobbyiste ne travaillera (à la) Maison-Blanche. » Il remporte l’investiture du Parti démocrate et déclare, modifiant sa première version : « Les lobbyistes ne dirigeront pas la Maison-Blanche. » Force est de constater qu’aujourd’hui élu, il laisse les lobbyistes jouer un rôle inquiétant dans son équipe de transition, à tel point que le Washington Post et le New York Times ont tout deux consacré leurs Unes au nombre de lobbyistes dans le futur gouvernement d’Obama.
Le turn-over des collaborateurs qui travaillent au gouvernement puis pantouflent dans le privé comme lobbyistes en tentant d’influer les institutions gouvernementales pour lesquelles ils ont travaillé, avant de revenir au gouvernement est une des sources importantes de corruption du service public américain. Et celle-ci est parfaitement légale ! Aux Etats-Unis, il existe un dicton en politique : « Le vrai scandale à Washington n’est pas ce qui est illégal mais ce qui est légal. » Et, comme l’a écrit le Times, l’équipe de transition d’Obama représente « un écheveau complexe de membres du secteur privé qui cherchent à avoir de l’influence sur le gouvernement. Sur la liste complète des 150 collaborateurs à qui le futur président a confié la tâche de constituer son équipe gouvernementale figurent des douzaines d’anciens lobbyistes… Pire, plus nombreux sont encore les dirigeants et les partenaires des entreprises qui paient des lobbyistes et des anciens officiels qui travaillent comme conseillers dans le secteur privé ».
Parmi eux, on retrouve des lobbyistes de Fannie Mae, le géant de l’hypothèque aujourd’hui en faillite, des éléphants du complexe militaro-industriel issus de Boeing et General Dynamics, des gens de KPMG, le géant de l’audit et du conseil financier dont une douzaine des dirigeants ont été inculpés l’année dernière pour « complots de fraudes fiscales », ainsi que des représentants des plus grandes sociétés pharmaceutiques comme Amgen. Sans oublier des représentants de riches tribus indiennes qui s’engraissent avec des casinos construits dans les réserves. Une influence démesurée sur les présidents élus
Même Christopher Lu, chargé dans l’équipe de transition d’Obama de surveiller les conflits d’intérêts des officiels de l’administration du futur président, a ses propres conflits d’intérêts : son épouse est une avocate qui a conseillé des entreprises polluantes cherchant à contourner les lois de protection de l’environnent, tandis que son frère est un ancien lobbyiste de Fannie Mae ! Vous avez dit changement ?
L’argent est le roi de la politique américaine et les collecteurs de fonds pour les candidats à la présidence ont toujours eu une influence démesurée sur les présidents élus. Or, comme l’a rapporté un article du Washington Post parmi les douze membres du comité qui dirigent la transition pour Obama, on trouve « neuf collecteurs de fonds dont les réseaux de collègues, d’amis et de parents ont donné plus de 1,85 million de dollars à Obama pour sa campagne et sont maintenant en position d’influer sur l’agenda du nouveau président et sur la sélection de ministres potentiels ». Ces gens sont connus en politique sous le sobriquet de « bundlers » car ils remettent des liasses de billets de donations à leur candidat. Plus de cinquante de ces « bundlers » ont collecté plus de 500 000 dollars chacun pour la campagne d’Obama !
Un de ces « bundlers » est la codirigeante de l’équipe de transition, Valerie Jarrett, une vieille copine d’Obama qui préside une importante société de HLM à Chicago et dont la gestion est vivement critiquée pour la piètre qualité de l’entretien des logements. Elle a ramassé plus de 100 000 dollars pour la campagne du candidat démocrate et vient d’être nommée conseiller senior du président.
Un autre membre du comité des douze en charge de la transition est une autre vieille copine d’Obama, la milliardaire Penny Pritzker de Chicago. Elle a présidé la collecte de fonds pour la campagne de son candidat et a elle-même réuni plus de 200 000 dollars. Penny Pritzker possédait une banque, la Superior Bank de Hillsdale (Illinois), qui a joué un rôle important dans la diffusion de prêts pourris qui ont provoqué la fameuse crise des subprimes.
Cette banque a collaboré avec le géant de Wall Street Merrill Lynch et avec la société d’audit Ernst and Young (dont quatre associés ont été inculpés l’année dernière pour fraude) pour créer des paquets d’hypothèques à risques qui ont été revendues. Conséquence : la banque a été fermée et les autorités fédérales ont été saisies pour fraude comptable. C’est la propriétaire de cette banque qui pèsera dans la conception du plan de sauvetage d’Obama pour la crise financière et dans le choix des officiels chargé de surveiller le secteur bancaire et financier. Vous avez dit changement ?
On dénombre 21 personnes chargées des questions économiques dans l’équipe de transition du prochain président. Qui, parmi elles, représente les besoins et les soucis des salariés, des pauvres, des vieux ou des sans-abri ? Personne ! On ne trouve que des milliardaires, des PDG de grandes entreprises, des anciens officiels gouvernementaux de l’administration Clinton qui ont œuvré à la dérégulation des secteurs bancaire et financier à l’origine de la crise actuelle. Et, parmi eux, personne n’a eu autant d’influence sur Obama que Larry Summers qui a conseillé le futur président sur les questions économiques tout au long de sa campagne et qui est aujourd’hui pressenti par la presse pour le poste clé de secrétaire du Trésor.
Qui est Larry Summers ? Il a commencé sa carrière gouvernementale dans l’équipe de Martin Feldstein, le chef du Conseil des conseillers économiques de… Ronald Reagan ! Sous sa présidence, Feldstein a été l’auteur du saccage des programmes mis au point pendant le New Deal du président Franklin D. Roosevelt. Les collègues de Larry Summers « ne se rappellent pas qu’il ait jamais été perçu comme un hérétique anti-Reagan », rapporte Peter Kilborn, dans un portrait publié dans le New York Times en 1988. Le journal citait en outre un membre du Conseil de Feldstein, William A. Niskanen, qui avait déclaré, à l’époque où Summers travaillait pour Bill Clinton : « C’est ironique que le point de vue économique de Summers soit très proche de celui de Feldstein. »
Après avoir servi dans l’état-major économique de Reagan, Summers a été embauché en 1990 par le gouvernement lituanien pour guider la transition démocratique de cette ancienne république soviétique. Pour la première fois, il avait un pays entier sous la main pour mettre en pratique ses théories économiques libérales. L’hebdomadaire The Nation publie un article édifiant daté du 10 novembre 2008 : « Les résultats étaient suicidaires au sens propre du terme. Quand Summers est arrivé, le taux de suicide était de 26,1 pour 100 000 Lituaniens et baissait. Cinq années après la mainmise de Summers sur l’économie lithuanienne, la vie est devenue tellement insupportable que le taux de suicide a presque doublé, passant à 45,6 pour 100 000 habitants, soit le plus taux le plus élevé au monde. Les choses ont tant empiré qu’après seulement deux ans de transition économique sous la direction de Summers, les Lituaniens, traumatisés, ont voté pour ramener les communistes au pouvoir. C’était le premier pays d’Europe de l’Est à le faire, même si deux ans auparavant les Lithuaniens étaient morts dans la rue pour combattre le communisme ! »
Quand il a ensuite officié comme économiste en chef pour la Banque mondiale, Summers a été l’auteur d’un mémorandum argumentant que les industries polluantes devaient déménager en Afrique car ce continent était « sous-pollué » ! Et quand il a travaillé pour le président Bill Clinton à différents postes au département du Trésor, il figurait parmi ceux qui ont œuvré avec succès pour l’abrogation de la loi dite Glass-Steagal. Une abrogation qui est la cause directe de la crise économique actuelle.
Enfin, les deux loustics spécifiquement chargés par Barack Obama de passer en revue le département du Trésor sont aussi des serviteurs du grand capital : Michael Warren travaille pour Stonebridge Internationale, une société de lobbying et de conseil aux multinationales et Josh Gotbaum, un ancien partenaire et gérant de la banque d’investissement Lazard Frères, est aujourd’hui le dirigeant d’un hedge fund spéculateur, Blue Wolf Capital. Vous avez dit changement ? Il semble que plus ça change avec Obama, plus c’est la même chose…
À lire ou relire sur Bakchich.info :
la beauté majoritairement visible n’est pas toujours le reflet de la beauté intérieure…
Ce débat sur le caractère plus visible de certaines différences entre les individus va peut-être enfin laisser la place à un débat vraiment politique…
J’ai même entendu un jour : "je m’en fout d’être gouverné par un con du moment qu’il me ressemble" (c’était un électeur de Notre Sinistre, vous aviez bien sûr deviné).