La gauche est en ballotage favorable après le premier tour des élections partielles de dimanche 27 septembre, avec un total de 51 % des suffrages pour les trois listes, PC, PS et Verts. Mais c’est le candidat UMP, choisi par Dassault, qui est arrivé en tête, avec 30,75% des votes. Il faut dire que, bien qu’inéligible, Serge avait mené la campagne UMP à la baguette.
A deux pas de la gare RER de Corbeil-Essonnes, une longue rue sinueuse bordée d’immeubles résidentiels mène au quartier des Tarterêts. Sur le trottoir de gauche, une église et une école maternelle. Les gamins jouent dans la cour. Derrière les grilles, à l’extérieur, un tract prend gentiment l’eau sur l’herbe humide.
En haut du feuillet, on peut lire : « Voter Bechter, c’est voter Dassault ». En photo centrale, les deux hommes posent fièrement côte à côte. Jean-Pierre Bechter, un fidèle du milliardaire, est le candidat UMP choisi par Serge Dassault pour, espère-t-il, le remplacer sur le siège de maire. Mais Dassault, que fait-il sur la photo ?
A quelques jours des élections (le premier tour a lieu ce dimanche), Dassault l’inéligible est toujours là. On ne voit que lui ! Il pose sur les affiches de Jean-Pierre, conduit sa campagne au pas, organisant réunions et excursions dominicales à la rencontre des paluches des habitants sur le marché populaire des Tarterêts. Et appose son nom sur le bulletin de vote de son copain Bechter. Impossible de quitter Corbeil-Essonnes, son bébé, son seul bien acquis sans son père Marcel, sa « danseuse » comme il dit, conquise en 1995, la première fois qu’il est élu maire. Et gardée jusqu’en juin dernier.
Mais rapidement, dès la fin des années 1990, Serge est accusé de secouer les cités, de diviser les bandes de jeunes, en distribuant « de l’argent » et des « contrats de la ville » aux uns et pas aux autres. A la misère sociale s’ajoutent ainsi les frustrations et la jalousie. Pis, quand tombent les résultats des municipales de 2008, où Dassault l’emporte à seulement 170 voix sur le candidat PC Bruno Piriou, l’opposant dépose une plainte devant le Tribunal administratif de Versailles. L’affaire est ensuite portée devant le Conseil d’Etat, qui, le 8 juin 2009, annule le scrutin de 2008 et juge Serge Dassault inéligible, coupable d’avoir… acheté des voix ! Peu habitué à se faire remonter les bretelles, le vieux Dassault s’en prend aux magistrats du Conseil d’Etat, qu’il accuse d’être « des socialistes ». C’est dit, le jugement est une machination pour le faire tomber.
Au bord du désespoir, l’avionneur tente un ultime recours, devant le même Conseil d’Etat. Cette procédure, très inhabituelle, est acceptée. Le 4 septembre 2009, les magistrats évaluent le bien fondé des deux recours déposés, l’un en révision, l’autre en rectification. Alors que la campagne municipale est – officieusement – lancée, le doute subsiste. Serge Dassault peut encore récupérer son maroquin.
Mais, comme Bakchich l’avait révélé, le Conseil d’Etat rejette toutes les requêtes de Serge Dassault.
« Sur les moyens tirés de ce que les témoignages et documents pris en considération par le Conseil d’Etat constitueraient des faux :
Considérant, en quatrième lieu, qu’ont été versés au dossier, dès la procédure devant le tribunal administratif, douze attestations nominatives et signées d’habitants de Corbeil-Essonnes déclarant avoir eu connaissance de dons d’argent effectués par M. DASSAULT ou son entourage et un document audiovisuel réalisé par M. Piriou dans lequel M. DASSAULT ne nie pas de tels dons mais en minimise la portée ; que quatre nouveaux témoignages ont été produits pour la première fois devant le Conseil d’Etat par M. Piriou le 18 mars 2009 ;
Considérant que M. DASSAULT fait grief de la décision du Conseil d’Etat d’avoir été rendue sur la base de faux témoignages et d’un faux document audiovisuel ; qu’il fait valoir, à cet égard, d’une part, que les quatre personnes qui ont prétendu avoir organisé un système de distribution d’argent à son instigation ont fait de faux témoignages, ainsi que l’établissent les pièces produites à l’appel des recours et que ces personnes l’ont elles-mêmes reconnu et, d’autre part, que le témoignage de Mme Pluquet, qui comporterait des contradictions par rapport à son attestation écrite, ainsi que les autres témoignages figurant au dossier d’appel, qui comporteraient des approximations, rapporteraient des faits dont leurs auteurs n’ont pas été directement témoins ou auraient été démentis et qui ont fait l’objet de plaintes devant le juge pénal, doivent pour ces raisons également être regardés comme des faux ; qu’il fait enfin valoir que le document audiovisuel produit par M. Piriou et enregistré à son insu, dans lequel il reconnaîtrait avoir effectué des dons d’argent aux électeurs, serait un montage de séquences audiovisuelles et sonores dépourvu de caractère authentique ;
(…)
Considérant que la circonstance que d’autres attestations prises en considération par le Conseil d’Etat dans sa décision seraient indirectes ou insuffisamment précises, que leurs auteurs aient fait l’objet de plaintes pour faux témoignage et que deux démentis n’émanent pas des témoins aient été déposés ne suffit pas non plus à établir qu’en prenant en compte ces éléments, le Conseil d’Etat aurait fondé sa décision sur des “pièces fausses”, au sens du 1° article R. 834- 1 du code de justice administrative, ou qu’il aurait entaché celle-ci d’”erreurs matérielles”, au sens de l’article R. 833- 1 du même code ;
(…)
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les moyens, selon lesquels les témoignages et documents pris en considération par le Conseil d’Etat seraient des faux ou qu’en se fondant sur eux il aurait entaché sa décision d’erreurs matérielles, ne sont pas fondées ; »
Originale, la campagne compte pléthore de candidats. Huit au total, dont trois de l’ancienne équipe municipale de Dassault. Car, dit-on, l’ancien maire, asséné par le jugement du Conseil d’Etat, s’est séparé de quelques-uns de ses anciens compagnons de route. Mais les faux félons rallieront sans doute, en temps voulu – au second tour le 4 octobre, s’il a lieu – la liste de Jean-Pierre Bechter.
La gauche, elle aussi, est divisée. Entre Michel Nouaille, candidat PC en remplacement de Bruno Piriou, qui après des années de lutte contre le « climat mafieux » qui règne à Corbeil-Essonnes, a gagné contre Dassault. Mais perdu son éligibilité (pour un an) pour avoir payé trop tard la location d’une salle de sport qu’il pensait gratuite.
Jacques Picard, candidat Vert, également très présent dans le combat contre les magouilles à Corbeil-Essonnes, avait même démissionné du Conseil municipal en janvier 2009.
Enfin, Carlos Da Silva, candidat PS bien placé mais peu estimé à cause de ses liens avec Manuel Valls, maire d’Evry, commune voisine de Corbeil-Essonnes, qui avait tenu des propos inadmissibles sur « les arabes et les noirs » ; et des prétentions régionales des socialistes.
Voilà qui fait beaucoup (trop !) de prétendants au trône. Ce qui limite les chances de l’emporter sur le candidat de Dassault. D’autant que présenté comme l’ombre du généreux milliardaire, Bechter détient beaucoup de billes, mais dont personne ne peut encore mesurer le nombre.
Lire ou relire sur Bakchich.info :
Un sénateur UMP de l’Essonne, qui vend des avions et de la presse, et dont le nom est Serge Dassault. Un homme connu, par conséquent, jusques au royaume de Belgique, pour sa vive brillance (qui fait comme un fanal dans la nuit des idées).
Vient (…)
"Mais perdu son éligibilité (pour un an) pour avoir payé trop tard la location d’une salle de sport qu’il pensait gratuite."
J’hallucine. On peut perdre son éligibilité simplement pour impayés ??? Quelqu’un peut expliquer ?
@ Anaëlle Verzaux,
VOUS OUBLIEZ DE PRECISER DANS VOTRE BILLET QUE L’ELECTION DE CORBEIL-ESSONNE D’AUJOURD’HUI VA DONNER CERTAINEMENT UN DEUXIEME TOUR ET JE SUIS CERTAIN QUE L’OPPOSITION A SERGE DASSAULT VA FUSIONNER DANS SON ENSEMBLE !!!
DONC SERGE DASSAULT AURA BIEN DU MAL A ORGANISER SON ELECTION PAR PROCURATION !!!
Bonjour,
Un deuxième tour pourrait en effet avoir lieu le 4 octobre, s’il n’y a pas de majorité absolue qui se dégage au premier tour.
Je fais bien mention du deuxième tour dans mon article.
Il pourrait en effet y avoir une alliance à gauche, entre le PC et les Verts, c’est certain. Le PS n’a par contre pas encore indiqué s’il rejoindrait les deux autres partis.
Cordialement,
Anaëlle Verzaux