Bernard Kouchner, grande figure de l’humanitaire, est le ministre français le plus populaire. Il sera pourtant jugé lundi 1er décembre, au tribunal-théâtre Dejazet.
Dépositaire du poste si envié de ministre des Affaires Étrangères, Bernard Kouchner présente le profil rêvé du poste. Un passé d’humanitaire respectable, tout fondateur de Médecins sans frontières qu’il est. Une gueule de beau mec à même de faire rayonner l’esprit français à travers le monde, droit dans la ligne d’un Roland Dumas ou d’un Dominique de Villepin. Une aura d’homme de gauche à faire pâlir les Bernard Tapie et Bernard-Henri Lévy, et qui incarne l’ouverture dans la rupture chère au président Sarkozy.
D’autant que les états de service à l’international du sieur Bernard parlent pour lui. Outre son mandat de représentant spécial de l’ONU au Kosovo, l’ardent défenseur de « l’ingérence humanitaire » a pas mal crapahuté. Sans trop user son concept.
En Birmanie par exemple, le « French doctor » sut défendre l’entreprise Total contre les accusations de travail forcé que d’affreuses mauvaises langues colportaient. Et l’homme sait travailler pour peu. Contre 25 petits milliers d’euros et quelques jours aux frais du géant pétrolier du côté de Rangoon, Bernard a pondu un rapport au poil en 2003. Non, non, le travail forcé, « une coutume ancienne, qui fut légalisée par les Anglais en 1907 », n’a pas été utilisé par l’entreprise française sur ses chantiers de Yandana. Mieux, les Birmans rencontrés à l’occasion étaient « absolument heureux de la présence de Total ». Tant pis pour la plainte déposée en 2002 contre Total…
Et son expertise ne s’arrête pas aux confins de l’Orient lointain. L’Afrique, bien après l’épisode du sac de riz les pieds dans l’eau en Somalie – photo spontanée qui a nécessité trois poses rappellent les mesquins – a eu droit aux augustes conseils de l’une des personnalités politiques préférées des français.
L’émir d’Afrique centrale, l’éminent président du Gabon Omar Bongo, a fait depuis longtemps appel à ses services. Histoire de mettre du beurre dans les épinards, l’ancien ministre de la Santé a accepté une petite mission à Libreville : une étude pour y créer une sécurité sociale à la Française.
Dans l’Afrique pétrolière et démocrate, où Total est tout à son aise, un autre fan a fait appel à son auguste personne, Denis Sassou Nguesso. Lors d’une des innombrables visites à Paris du Président congolais, Kouchner a eu l’inestimable chance d’être reçu en audience, fin février 2006. À la clé, une demande présidentielle de « réflexion sur les problèmes de Santé au Congo ». En gros, une réforme de la sécurité sociale congolaise, et, en passant, songer à prémunir l’Afrique contre la grippe aviaire. Bernard a eu l’air ravi de son entretien avec un chef d’État dont la générosité n’est pas la moindre des qualités… « Quand on s’adresse à M. Sassou Nguesso, on s’adresse à la fois au président du Congo et au Président de l’Union africaine (NDLR, poste qu’occupait Sassou à l’époque) », a-t-il alors déclaré.
C’est scandaleux ! Notre bien aimé Bernard est poursuivi en justice. La première audience a eu lieu mardi 25 novembre, et la deuxième aura lieu lundi 1er décembre à 20 h, au théâtre Dejazet.
Il est poursuivi notamment pour détournement de l’humanitaire et de l’abbé Pierre avec préméditation, opportunisme et retournement de veste avec précipitation, bidonages lucratifs et trafic d’influence médiatique en réunion, et beaucoup d’autres lourds dossiers. Comme l’incapacité du Ministre à compter les sacs de riz qu’il apportait en Somalie : « 9 000 tonnes de riz, deux mois de nourriture pour le pays », affirmait-il tout bronzé. Alors que, selon la partie civile , il y avait « seulement trois jours de nourriture, et uniquement pour la ville de Mogadiscio ». Une affaire parmi beaucoup d’autres.
Pour l’avocat de Bernard Kouchner, Maître Filaretordre, interrogé par Bakchich, « Bernard Kouchner est poursuivi par des revanchards, des Biafrais, des lâches, des frustrés, des Birmans, des Médecins sans Frontières, bref, des tocards. On en fera qu’une bouchée ».
Parmi les accusateurs, défenseurs ou magistrats, on reconnaîtra : Jacques Vergès (l’avocat de la défense le 25 novembre), Daniel Mermet (France Inter), Nicolas Beau (Bakchich), Daniel Schneidermann (Arrêt sur images), Jean-Baptiste Naudet (Le Nouvel Obs), Christophe Clerc (l’avocat de la défense le 1er décembre), Philippe Cohen (Vendredi), Jean Bricmont (enseignant chercheur), Marc-Antoine Pérouse de Montclos (enseignant chercheur en sciences-politiques), Lime (écrivain), François Ruffin (journaliste), Francis Christophe (journaliste), Xavier Harel (La Tribune), Jean-Marc Daniel (économiste), Sylvie Thienot (Actrice), Bertrand Rothé (prof et Bakchich), Anaëlle Verzaux (Bakchich), ainsi que l’orchestre « Bakchich all stars ».
La deuxième représentation du procès sera un tout petit peu différente de la première. Elle aura lieu le lundi 1er décembre, à 20 heures.
Entrée 12 euros seulement.
Tarif réduit (10 euros) sur présentation d’un grain de riz à la caisse. Réduction spéciale pour financiers, banquiers et traders frappés par la crise économique sur simple présentation de leur dernier relevé bancaire. (Discrétion assurée).
Réservez vos places, en appelant le théâtre Dejazet, au :
01 48 87 52 55
Attention, pas de réservation par e-mail !
L’adresse du théâtre :
41 boulevard du Temple, Paris 3è, Métro République
D’ici là, délateurs et encenseurs, à vos claviers ! Pour témoigner au sujet de Bernard Kouchner, écrivez-nous sur Bakchich.info, ou sur le site non officiel de « Là-bas si j’y suis »
* Les instigateurs de ce procès sont des récidivistes. Avec les Botuliens,( un groupe d’écrivains, journalistes et avocats), Noël Godin (l’entarteur), quelques dessinateurs du Canard Enchaîné, l’avocat William Bourdon, et d’autres, ils n’ont pas hésité à traîner en Justice des personnalités françaises comme Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, ou encore le prestigieux philosophe Bernard-Henri Lévy. Tous ces procès ont été diffusé dans l’émission Là- bas si j’y suis (France inter) Pour écouter le « Procès en réhabilitation de BHL » voir www.la-bas.org : La première partie, c’est ici ; et la deuxième, c’est là.
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