Il y a des écrivains talentueux qui sont des enseignants de qualité. C’est rare, mais ça arrive. Jérôme Leroy en est.
On a envie de l’avoir comme prof. Ou plutôt on aurait eu envie, car il vient de quitter l’enseignement pour écrire. Espérons pour les élèves qu’il retournera un jour au charbon.
Comme les hommes qui ne sont pas radicaux de gauche, mais radicalement de gauche, Leroy aime le roman noir. C’est l’outil évident de la critique sociale. Il permet de mettre en scène la violence de la lutte des classes que certains essaient de nous faire oublier, ou rêve de nous faire dépasser.
Dans ce dernier roman, En Harmonie, publié aux Éditions des Équateurs, on replonge dans l’écriture des années 70. Une écriture sans concession, manichéenne, dure, violente, belle, à bout de souffle.
Jérôme Leroy nous raconte sous la forme d’un roman noir la vie de Frédéric Fajardie, une des références de la littérature noire. Moins connu que Manchette, cet homme vaut le détour. Son premier livre, Tueurs de flics, est un petit chef d’œuvre. Sa vie aussi.
Le personnage est attachant, complexe : « On ne naît pas Français comme on naît poulet de Bresse, on choisit la France, d’où que l’on vienne, au nom d’un idéal de justice et de liberté ».
Mais cette passion de l’auteur pour son personnage ne fait pas un polar, au mieux une biographie. Pour réussir du noir il faut autre chose : un lieu, une situation dramatique et un salaud. Ce sera le Nord. Metaleurop. Sa fermeture et ses 830 licenciements. Avec en second rôle les délocalisations industrielles. Toutes ces souffrances modernes dont nous, journalistes, ne parlons pas assez. Car le polar est une réponse, un constat d’échec, un cri. Fajardie en est conscient : « Le polar c’est l’ultime recours lorsque la littérature est souffrante ».
Mais quel lien y a-t-il entre Metaleurop et Fajardie ? Fajardie est l’auteur d’un magnifique livre, « Metaleurop, Paroles ouvrières », édité chez Mille et Une Nuits. Il a recueilli les confidences de ces hommes.
« Metaleurop devait disparaître, on y était trop dignes, on donnait le mauvais exemple. Ici, nul ne songeait à se prostituer dans les reality-show d’une télé pourrie ; on était simplement fier d’appartenir à la classe ouvrière, de travailler dans une usine d’élite, de produire de la richesse en espérant qu’elle serait un jour répartie avec davantage de justice. »
Pour le reste ? De la violence et de l’amitié, à vous de lire, En Harmonie, par Jérôme Leroy, 15 euros, aux éditions des Equateurs.
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