A la fin de la guerre qui dirigeaient les camps de concentration ? Les SS ou les détenus ? Rien n’est simple dans l’univers de Delteil.
Quand la sociologie des années 1970 et 80 permet de comprendre la vie d’un camp de concentration
A partir des années 1970 1980, certains théoriciens de la sociolologie souhaitent dépasser la lecture les rapports sociaux en termes de groupes sociaux. Ils pensent qu’il est plus efficace de les penser sous la forme de réseau et de jeux d’acteurs. Le social c’est l’« association », la formation de « collectifs » qui sont liées par des relations et des médiations. Les jeux entre les acteurs sont complexes, et il est difficile de penser les organisations en dehors d’une dialectique entre le conflit et la coopération.
Cette sociologie qui a voulu dépasser Marx complète plutôt l’affrontement des classes, elle permet de décrypter le jeu des acteurs. Gérard Delteil va utiliser cette lecture pour nous permettre de tenter de comprendre la vie d’un camp de concentration.
Gerard Delteil a beaucoup travaillé pour écrire ce roman, mais rassurez-vous ça ne se voit pas. Tout est limpide, tout coule, et pourtant, comme l’atteste la bibliographie, ce roman est très documenté. Un vrai travail de journaliste.
De ce fait KZ n’est pas un roman manichéen sur les camps, tout est beaucoup plus complexe. Evidemment, les nazis ne sont pas des anges, mais les prisonniers non plus.
Les "rivalités nationales" polluent l’organisation rationnelle des camps. Tout le monde pense à sa survie. Même les juifs se laissent aller : "Sans tous les traînes savates venus d’Europe de l’Est, disait Rohman, jamais nous n’en serions là ! Jamais l’antisémitisme n’aurait pris racisme en France, jamais Pétain ne nous aurait livrés aux Allemands… C’est à cause de tous ces Polonais qui sont venus camper sur notre sol, ils auraient mieux fait de rester chez eux dans leurs ghettos ; ils nous ont porté malheur !".
La pressions des kapos auxquels les SS ont délégué la gestion des camps à la fin du conflit rend la survie aléatoire. De ce fait, même les vieux communistes ne font pas cadeaux. "Ici on ne peut pas se permettre d’être généreux. Après, un jour, oui, quand nous aurons gagné, mais nous ne le verrons sans doute pas…"
Un des plus beaux romans policiers sur les camps, et sûrement l’un des plus documentés.
Gérard Delteil, KZ retour vers l’enfer, Métaillé policier, 4,6 euros d’occasion à la Fnac.
Excusez-moi, mais la référence en début d’article est ahurissante. Vouloir faire passer CROZIER pour quelqu’un qui "complète le marxisme" ??!!!
M. Crozier a loyalement fait tout ce qu’il pouvait, que ce soit du point de vue théorique ou dans le champ universitaire, pour démolir le marxisme et tous ses présupposés. Il ne le complète en aucun cas : il ne visait qu’à l’éradiquer. Les Acteurs et le système est un ouvrage très intéressant, mais c’est quasiment un ouvrage de commande. Il est écrit dans une intention politique, qui est de contester l’hégémonie d’alors (ou du moins l’hégémonie ressentie par les universitaires conservateurs) du marxisme sur l’université.
M. Crozier a d’ailleurs quelques raisons de s’appliquer autant (et je dirais avec autant de talent) à cette entreprise de démolition, puisqu’il émargeait au Congrès pour la Liberté de la Culture. Un cache-nez de "lutte idéologique" financé directement par les "fondations" américaines - avec tout ce que ce terme recouvrait à l’époque. En somme, ce que vous dites sur M. Crozier, c’est comme si vous proposiez l’hypothèse que Karl Popper était une sorte de gauchiste. Ou que M. Fukuyama manifestait à Seattle.