Dans la famille Affleck, je demande le cadet, Casey, qui électrifie le polar morbide de Michael Winterbottom, adapté d’un roman de Jim Thompson. Attention, acteur sublime !
J’ai croisé Casey Affleck au festival de Deauville en 2007. Il était venu présenter la première réalisation de Ben, son frère aîné, le très bon thriller Gone Baby gone, d’après Dennis Lehane.
Ben s’excusait péniblement de ses nanars à répétition et la jouait profil bas en tentant de se faire passer pour un réalisateur débutant. Un plan marketing comme un autre, mais Ben a semblé vraiment sincère quand il s’est mis à parler de son petit frère, Casey. « Je peux vous certifier que ma meilleure idée en tant que réalisateur a été d’imaginer un personnage plus jeune que celui du roman. Le film s’est alors transformé, il est devenu plus nerveux, plus dramatique : un personnage jeune a plus de choses à perdre. Et quand vous cherchez un acteur génial d’une trentaine d’années, il n’y a qu’un choix possible, c’est Casey ! »
Dans son coin, Casey, 32 ans à l’époque, n’impressionnait guère. Petit bonhomme d’1,75 m, transparent, tête d’ado, il semblait s’endormir et prenait soin de laisser son grand frère dans la lumière. Pourtant, dès qu’il prenait la parole, c’était pour dire des choses comme : « Quand j’entends ma voix, je suis choqué. Je produis un son étrangement aigu et fluctuant comme un ado avant la mue. Parfois on me demande de quel pays je viens… C’est devenu un vrai outil de jeu : j’ai accentué l’intonation haut perchée dans Will Hunting et, à l’inverse, contrôlé les aigus pour Gone Baby gone, où pour la première fois de ma carrière, je joue un détective un peu dur à cuire… J’ai l’air très jeune et, encore aujourd’hui, on continue de m’identifier comme un post-ado. Comme la voix, tout ce qui vous distingue est bénéfique. Malheureusement, la "différence" n’est pas si bien vue à Hollywood. »
Ce long préambule n’a qu’un seul but : vous convaincre que Casey Affleck est - avec Ryan Gosling - une plus belles choses qui soient arrivées au cinéma américain ces dernières années. Meilleur pote de Joaquin Phoenix, marié à Summer Phoenix, papa de deux enfants, le très peu médiatique Casey Affleck sait choisir ses films et ses metteurs en scène : Gus Van Sant ("Prête à tout", "Will Hunting", et la merveille des merveilles, "Gerry") Steven Soderbergh (les trois "Ocean’s Eleven"), Andrew Dominik ("L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford"), aujourd’hui Michael Winterbottom pour "The Killer inside me" et demain Ridley Scott pour "The Kind One".
Après trois ans d’absence des écrans, Casey Affleck revient avec "The Killer inside me", qu’il porte entièrement sur ses frêles épaules et où il se révèle bien meilleur que le film lui-même. Réalisé par l’éclectique Michael Winterbottom, ce polar inégal est inspiré du roman Le Démon dans ma peau de Jim Thompson (Le Vaurien, La mort viendra), collaborateur de Kubrick pour "L’Ultime razzia" et "Les Sentiers de la gloire", un cador de la série noire déjà adapté au cinéma par Tavernier ("Coup de torchon"), Corneau ("Série noire") ou Frears ("Les Arnaqueurs").
L’action de "The Killer inside me" se déroule au Texas, pendant les années 50. Gueule d’ange, large Stetson vissé sur le crâne, Lou Ford est le shérif adjoint d’une paisible bourgade, écrasée par le soleil, un homme bien sous tous rapports. « Yes m’am », « Of course Sir », c’est le genre de flic à aider une jeune fille à traverser la route et à rattraper le chat d’une mamie.
Mais derrière la vie bien rangée ce personnage lisse et sans saveur, entre enquête de routine et vie terrassante d’ennui avec bobonne, il y a un monstre, un démon qui sommeille et qui attend son heure. Car Lou Ford est un sociopathe, capable de massacrer une prostituée avec ses poings et de brûler la main d’un clodo avec son cigare, sans se départir de son regard d’ange. Et là réside le génie de Casey Affleck. Jouant une nouvelle fois de son physique enfantin et de son air transparent, il campe magistralement cette énigme, ce vide métaphysique.
Si Winterbottom tente d’expliciter ce personnage avec une psychanalyse à deux balles – la partie la moins probante du film – Casey Affleck creuse plus en profondeur. Ce qui choque, c’est l’insoutenable légèreté de Ford : le visage impassible, les yeux morts, il faut le voir reculer doucement ses santiags pour ne pas les maculer du sang d’une victime, ou esquisser un bref sourire après une torture. Voix d’ado, regard doux, démarche silencieuse, Affleck vide le personnage de toute culpabilité, de tout remords, pour ne le remplir que de désinvolture, de fragilité, de pureté enfantine. C’est complètement déstabilisant et absolument dément. La plus belle interprétation de l’année…
Voilà, Casey Affleck est la meilleure raison de voir "The Killer inside me". Pas la seule, car le film a d’autres qualités. Simplement la meilleure.
Merci merci merci pour tant d’objectivité passionnée sur Casey Affleck, superbe note … ouich, grand acteur, rare de surcroît.
Comme l’impression qu’il peut tout explorer avec aisance tout en en gardant sous l’pied pour brouiller les pistes.
Ajouté à cela un entourage à la Gus Van Sant et famille Phoenix : y’a pire dans le genre !
Indispensable avis peut-être pas, ha ha ha …
L’Affleck Junior est un rebelle ou je n’m’abuse ? : Gus Van Sant en ligne de mire, un physique transparent avec une personnalité aux antipodes de ce gendre idéal, un mec qui se sert de ses différences pour se distinguer, en osmose complète avec un beau-frère plus qu’opaque pour le coup … hum hum
Enfin de l’intéressant et du rare par dessus le marché ; parait qu’un projet avec De Niro en partenaire est en gestation, moi je dis OUI à Casey !!!