Cathi Unsworth, journaliste anglaise, écrit un roman policier. Pourquoi pas ? C’est son droit, madame sait faire. Mais, elle a rencontré le grand Robin Cook. De ce fait, on crie au génie. C’est un peu court pour juger un livre, non ?
Pour ne pas perdre le néophyte, en Grande-Bretagne il y a deux génies du roman policier : Robin Cook et Agatha Christie. Il y a la merde et le rose. Le rose est connu. Certains considèrent qu’Agatha serait l’auteur la plus lue de l’histoire. Donc pas la peine de la présenter, il y a au moins quelqu’un dans votre entourage qui l’a lue. Robin Cook, c’est moins sûr. C’est un noir dur, mutilant, très souvent mortifère et christique. Dans son domaine c’est une référence.
Comme Cathy Unsworth est anglaise, Rivages Noir devait faire référence à l’un ou à l’autre des auteurs mythiques de la perfide Albion. Cette fois-ci ce sera Cook. Peut-être parce que les personnages s’habillent en noir. Mais plus sûrement parce l’auteur a rencontré Cook à la fin de sa vie. " La dernière fois que j’ai vu Robin, il sortait tout juste de l’hôpital…". Mais aussi et surtout parce que François Guérif (le découvreur d’Ellroy) ne pouvait pas faire référence à l’auteur des Dix Petits Nègres. Elle est comme ça l’aristocratie du polar. Comme toutes les castes, elle se définit surtout par ses codes stupides. Out Agatha ! Tu sens la naphtaline, ici on n’aime pas le rose.
Et pourtant, comme la plupart des livres d’Agatha Christie, ce livre nous fait découvrir un microcosme : le milieu underground de Londres. L’auteur l’évoque avec intelligence et une grande sensibilité. C’est difficile, ce monde est aussi éclaté que la gauche alternative en France, et ce n’est pas peu dire. La peinture est subtile, pointilliste, jamais naturaliste.
Pour le reste c’est un « whodunit » (« Who done it ? » c’est-à-dire « qui l’a fait ? ») classique et efficace. On cherche, et on trouve tardivement. Et en plus c’est moral. Ça n’a donc rien à voir avec Cook, mais rien du tout. L’héroïne est belle. Elle ressemble à une star de cinéma, ce qui est rarement le cas chez Cook. Et à la fin elle préfère l’homme riche et beau, et n’a pas du tout aimé être pilonnée (c’est son vocabulaire), par le pauvre au « corps maigre (aux) épaules basses, (à la) poitrine de coq ».
C’est définitivement de l’Agatha Christie, ça n’a rien à voir avec du Robin Cook et pourtant ça se lit avec plaisir.
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