Six mois après la fusion ANPE-Assedic, les salariés du Pôle emploi racontent des conditions de travail rocambolesques. Et donnent quelques clés pour comprendre l’accumulation des bourdes auprès des chômeurs.
On avait d’abord cru à des erreurs de jeunesse. Le Pôle emploi, lancé en janvier dernier, a, dès le départ, beaucoup tâtonné – lignes téléphoniques saturées, envois de lettres contradictoires, offres périmées, etc. Mais bon … Patience ! Tout ça allait bientôt rentrer dans l’ordre et la fusion de l’ANPE et des Assedic allait, promis juré, enfin porter ses fruits : simplicité, proximité, efficacité. Sauf que six mois après, les témoignages qu’a pu recueillir Bakchich auprès de salariés du Pôle emploi ne sont pas des plus rassurants. L’afflux actuel de chômeurs, conjugué avec l’arrivée du RSA, leur fait craindre le big bug.
« C’est le bordel le plus total », assène une ex-ANPE pour résumer les conditions dans lesquelles travaillent aujourd’hui les agents du Pôle emploi. Beaucoup dénoncent une fusion bâclée à tous les niveaux. « Nos systèmes informatiques n’ont pas été harmonisés, poursuit cet ancien agent de l’ANPE. Chacun travaille sur le sien. Pour avoir toutes les informations sur le demandeur d’emploi assis en face de moi, j’ai besoin de deux ordinateurs ». Et tant pis si on avait promis que cette fusion rimerait avec modernisation ; pour l’instant, les plantages continuent de s’accumuler. « C’est tous les jours que je vois des demandeurs d’emploi se plaindre d’avoir reçu simultanément deux ou trois courriers avec des informations contradictoires : les dates de rendez-vous changent, on leur réclame de l’argent alors qu’ils s’attendaient à recevoir des indemnités… », raconte de son côté Dominique, issu, lui, des Assedic. « Un petit truc : il faut généralement tenir compte du dernier courrier en date ». Mais, charme de la nouvelle entité, pas toujours !
Derrière les « sites mixtes » destinés à accueillir les demandeurs d’emploi se cache souvent une organisation pour le moins désorganisée. Comme rien n’a été anticipé et qu’il n’y pas les locaux correspondants, en guise de site mixte, les antennes Anpe et Assedic sont symboliquement réunies. « Résultat, explique Marie-Line, qui travaille à la plateforme de transition de Paris qui suit les licenciés économiques et les demandeurs d’emploi en grande difficulté, on court d’un site à un autre, plusieurs fois par jour. Certains ne sont mêmes pas dans le même arrondissement ! Et à chaque fois on se promène avec nos dossiers ».
Plus profondément, les salariés du Pôle emploi se disent dépassés par les nouvelles tâches qui leur incombent et pour lesquelles ils ont le sentiment de ne pas avoir été suffisamment préparés. Pour réaliser la fusion et former les actuels « référents uniques », les ex-ANPE devaient se frotter aux arcanes complexes du fonctionnement des Assedic et vice versa. « Les formations que nous avons reçu sont indignes. Il faut six mois pour former un conseiller emploi. Là, en une semaine, c’est réglé », affirme Loïc. Pas étonnant, selon lui, que le service soit un peu « hésitant ».
« Ce qui est difficile à vivre, c’est que les demandeurs d’emploi deviennent agressifs. On a un ou deux mois de retard dans le traitement des dossiers et toujours la même rigueur dans les convocations et les radiations », raconte Dominique. Tous racontent que la relation avec leur « clientèle » s’est considérablement détériorée. La généralisation des pratiques de contrôle des papiers, avec lampe à UV comme chez les pandores, n’a pas amélioré le climat.
L’annonce, hier, du directeur général de Pôle emploi, Christian Charpy d’embaucher 500 CDD en renfort pour la plate-forme téléphonique paraît un brin décalée.
L’intersyndicale Pôle emploi IDF a d’ores et déjà appelé à une journée de grève le 18 juin prochain.
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