L’efficacité du RSA a été, grande première, testée par des économistes avant sa généralisation. Leurs résultats, trop peu vendeurs, ont été savamment habillés.
Annoncé depuis l’été 2007 comme LA mesure anti-pauvreté du gouvernement, le RSA sera généralisé lundi 1er juin. Depuis plusieurs mois, le dispositif qui doit permettre de rendre le travail attractif pour les bénéficiaires des minimas sociaux a fait l’objet d’une expérimentation dans une trentaine de départements. Une démarche inédite en matière de politique sociale où les mesures s’empilent souvent sans qu’aucune étude n’ait évalué leur impact. Un choix de la transparence, aussi, qui permettait à Martin Hirsch, caution de gauche du gouvernement, de faire taire les critiques, grâce à de solides arguments chiffrés. Sauf que rien ne s’est déroulé comme prévu.
Alors que l’expérimentation devait initialement durer trois ans, la décision de généraliser le RSA est finalement prise au bout de six mois. Sans doute parce que la polémique sur le bouclier fiscal est alors en train de prendre de l’ampleur et qu’il est donc grand temps de sortir un contre-feu social. Et puis les premiers résultats sont tellement bons qu’il aurait été bien dommage d’attendre… Un premier rapport du comité d’évaluation fait ainsi état d’un taux de retour à l’emploi dans les zones RSA de 30% supérieur à celui des zones témoins. Emballé, c’est pesé. Le RSA est efficace : ce sont des experts indépendants qui le disent.
Reste que pour la majorité des économistes chargés de l’évaluation, ce premier rapport - dicté par le calendrier politique – n’a que peu de valeur scientifique. Yannick L’Horty, économiste membre du comité interrogé par Bakchich, reconnaît ainsi que les résultats de ce premier rapport étaient « extrêmement fragiles ». Leurs premiers chiffres sont si peu concluants qu’un petit toilettage s’est imposé. A y regarder de près, le chiffre de + 30% de taux de retour à l’emploi, abondamment relayé dans la presse, est en effet pour le moins abusif. Obtenu en comparant le pourcentage de Rmistes qui retrouvent chaque mois un emploi -3 %- au pourcentage de ceux qui en retrouve avec le RSA -3,9%- il ne correspond donc qu’à un écart de 0,9 points … Pas très vendeur. « Ils auraient pu aussi comparer un taux de 0, 01% à 0, 02% en disant que l’augmentation était de 100% ! » ironise Christophe Ramaux, économiste spécialiste de l’emploi.
Mais comme la petite manip’ n’a dérangé personne, le rapport final d’évaluation rendu la semaine dernière, remet ça. Cette fois, il y a, en plus, urgence. Le différentiel entre zone RSA et zone test est bien faible : 3,38% désormais contre 3,1% précédemment, soit une augmentation modeste de 0,28% des chances de retrouver un emploi ! « Il s’agit d’un écart mensuel, il faut le multiplier par douze, rapporté au stock de Rmistes, cela concerne près de 120 000 personnes » explique un membre du comité d’évaluation. Disons que 120 000 allocataires par an sur les quelques 3 millions concernés, ce n’est pas franchement pas décoiffant.
Comment enjoliver ce bilan ? La communication gouvernementale s’est bien gardée d’évoquer le passage de 3,1% à 3,38 %, soit 0,28% d’augmentation des remises au travail chaque mois. Nos experts ont préféré évoquer la progression de 9% que ce chiffre de 0,28% représentait par rapport aux 3,1% de départ. Hormis Marianne, tous les médias ont expliqué benoitement que, chaque mois, grace à la création du RSA, les Rmistes étaient 9% de plus qu’auparavant à retrouver un travail.
Les statistiques ne sauraient mentir !
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