RMistes, chômeurs, médecins, sur tous ces dossiers brûlants, les chiffres des ministres sont contestés par leurs propres services.
« La raison d’être des statistiques, c’est de vous donner raison ». La ritournelle, bien connue, fait le miel de quelques politiques en mal de com’. À commencer par notre Haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté et Haut commissaire à la Jeunesse, Martin Hirsch, qui, n’ayant pas supporté qu’elle ne lui donne pas raison, a exigé que soit refaite une enquête sur le Revenu de Solidarité Active (RSA).
Les résultats de l’enquête de la Drees (la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) sur la réforme Hirsch, le Revenu de Solidarité Active, viennent de paraître. Mais ne sont pas des plus encourageants pour l’avenir du nouveau dispositif, qui doit se substituer, à partir du 1er juin prochain, au Revenu Minimum d’Insertion (RMI) et à l’Allocation de parent isolé (Api). Selon la Drees, et comme l’a relevé le journal Les Echos, le RSA n’a qu’un « impact limité en termes d’accès ou de maintien en emploi ». D’après l’enquête statistique, « l’accès à l’emploi a été facilité par le RSA pour les populations ne cumulant pas trop d’obstacles pour le retour à l’emploi (comme le manque de qualifications et les problèmes de garde d’enfant) ». Une réforme utile !
Jusqu’au boutiste et un brin agacé de voir son projet déstabilisé par la Drees, qui dépend d’ailleurs en partie de son ministère, Hirsch n’a pas laissé faire. Et a fait publier, le 15 avril dernier, un communiqué de presse « rectificatif », dans lequel il dénonce deux failles dans l’enquête. Sa date de réalisation d’abord. L’enquête a été « effectuée il y a près d’un an, au mois de mai 2008 soit seulement quelques mois après le démarrage des expérimentations. » Ensuite, le manque d’effectifs (2 900 personnes) pris en compte dans le questionnaire, « des effectifs évidemment trop faibles pour donner des enseignements statistiques valides. »
Réplique quasi immédiate de la Drees, qui, accablée de voir son service mis en cause, rédige une « mise au point » (voir l’intégrale dans le document ci-joint) : « Le récent communiqué de presse de Martin Hirsh, qui met en cause la validité scientifique d’une enquête réalisée par des statisticiens de la Drees, service statistique ministériel (santé, travail, affaires sociales), porte une nouvelle fois atteinte à la crédibilité de la statistique publique. » Et la lettre de rappeler, entre autre, que « la réalisation de cette enquête sur l’expérimentation du revenu de solidarité active », si ouvertement critiquée par « le Haut-commissaire » a « cependant été décidée par le [très sérieux] comité d’évaluation des expérimentations ».
Une petite histoire qui devient monnaie courante dans les services statistiques des ministères. « Le tripatouillage des statistiques publiques, c’est une habitude de la maison Sarkozie ! », s’exclame une salariée de la Drees et depuis peu membre du collectif « Sauvons la statistique publique ».
Il y a déjà eu, tout récemment, l’éclatement de la DEPP, l’institut statistique de l’Éducation nationale, et la non publication d’un certain nombre de ses données. Dont l’essentielle étude sur les projections d’effectifs (c’est-à-dire le nombre d’élèves inscrits dans le public pour les années à venir)…
Autre polémique, les chiffres du chômage de mars. 80 000 chômeurs supplémentaires en un mois. Seuls étaient comptés les chômeurs inscrits au Pôle Emploi (ex ANPE), et dits de la catégorie A – alors qu’anciennement, les catégories A, B et C étaient systématiquement regroupées. Il fallait des pincettes pour interpréter ces données, la plupart des journaux ont pris le tournevis, s’appuyant sur le communiqué du ministère. Aujourd’hui, à force de mauvais signes, le collectif « Sauvons la statistique publique » craint de voir disparaître le pôle « service publique » de ces instituts statistiques.
À la santé, la censure gouvernementale est camouflée, plus que directe. « De plus en plus, les commentaires qui accompagnent les chiffres sont modifiés a posteriori par les services du ministère », explique un agent de la Drees, l’institut statistique du ministère de la santé. Sans compter « les notes désobligeantes, souvent camouflées dans de minables encadrés de bas de pages ». Mais parfois, à l’instar des études sur l’éducation, des enquêtes sont bloquées. Deux semaines, trois semaines, ou davantage. Une autre femme, salariée de la Drees depuis trois ans, donne l’exemple de l’enquête sur les hôpitaux publics en déficit, bloquée trois semaines. « Et débloquée quand le sujet est retombé ».
Tandis qu’une campagne de com’ du ministère insistait sur la stabilité future du nombre de médecins en France, les enquêtes de la Drees prévoyaient une baisse d’environ 10 % de ces effectifs en quelques années. Mais le ministère ne s’en est pas vanté…
De quoi douter de la fiabilité des chiffres ministériels. Et la délocalisation prévue de l’INSEE et de quelques services statistiques à Metz, ne semble pas redonner le moral à nos fonctionnaires trop parisiens.
À lire ou à relire sur Bakchich.info :
Pour le chômage, j’arrivais ici :
http://menilmontant.numeriblog.fr/mon_weblog/2009/04/chomage-en-hausse-avant-le-premier-mai.html
à 77 000, en comptant les catégories A, B et C (hors Outre-mer). Comment faites-vous 80 000 ? Avez-vous eu d’autres données ?
Avec Martin Hirsch c’est tout un poème. Fort de son titre et de son passé il fait souvent la tournée des popotes avec micros et caméras. Sauf que l’an dernier, sur un site du Ministère de la Culture, il s’est fait littéralement "allumer" par un emploi dit "d’insertion" vous savez ces gars à qui on refile toute la merde à faire et qu’on paye 700€ par mois (au mieux). C’est en résumé ce que lui a si gentiment reproché le jeune homme… qui couche où il peur le soir venu.
Les ministères, sous la houlette du bon M. Hirsch encouragent ce genre d’insertions sur les sites (en général une vingtaine par an et par sites), le tout en passant par des associations sur des projets vaguement culturels (comme ramasser les papiers gras ou repeindre des bâtiments…). Mais ces emplois perdurent dans le temps et deviennent de vrais boulots mais toujours à 700e par mois. Une aubaine pour les ministères, car ce genre d’insertion ne figure sur aucun recensement ni statistiques ministérielles, çà remplace des fonctionnaires ou des entreprises privés et çà évite d’embaucher. En cas de problème, on change le nom de l’assoc. Si si en cas d’accident surtout… c’est une question de propreté.