Rachida Dati sera ce jeudi, l’invitée d’« À vous de juger » à 20h50 sur France 2. Avec une stricte feuille de route : parler de justice plutôt que de son ventre arrondi.
L’échange a eu lieu, cet été, entre Rachida Dati et Nicolas Sarkozy. « Comment éviter de parler de ma grossesse », se plaint la ministre, « tous les médias me harcèlent ». « Tu sais Rachida », lui répond le président « la ministre de la Défense espagnole était aussi enceinte. Mais elle a continué à parler des problèmes de défense. Toi, tu ne parles plus de justice ! » Que Rachida Dati fasse le boulot, souhaite l’Élysée, et qu’elle le dise ! Sans s’afficher en une des magazines people.
Dès lors, les communicants de la ministre ont trouvé la parade : l’émission « À vous de juger », un direct de deux heures sur France 2 pour que Rachida Dati évoque « ses » réformes, carte judiciaire, peines planchers… La garde des Sceaux devrait aussi revenir brièvement sur l’heureux événement : « elle n’évitera pas la question », confient ses proches. Une bonne fois pour toute ?
Sarko a donc pris les choses en main. À sa demande, c’est son proche conseiller, Pierre Charon, qui a été chargé d’apprendre à Dati à mieux gérer son image. Pourtant, la collaboration n’avait rien de naturel entre eux deux. Alors que Rachida Dati était la « sœur » de Cécilia ex-Sarkozy, le conseiller du président faisait partie de la blacklist de l’ex-première dame.
La page Cécilia tournée, le terrain a été déminé cet été. Et l’équipe de Dati remaniée, place Vendôme. La conseillère en communication, Laurence Lasserre, a été remerciée et remplacée par Pierre-Yves de Bournazel, sur les conseils de Pierre Charon. L’expert en communication est quant à lui venu à la rescousse une fois par semaine – avant ou après le conseil des ministres – pour débroussailler le terrain et balayer les sujets qui fâchent. L’élève aura-t-elle retenu les leçons du maître ? La ministre répondra-t-elle aux questions sur France 2, sans langue de bois ?
Dans l’entourage de Rachida Dati, on se borne à reconnaître que « Pierre Charon et Rachida Dati travaillent ensemble de façon régulière ». Sans pour autant évoquer le « media training » avant l’émission. Avant d’ajouter : « Il n’y a pas eu de préparation particulière. Rien de plus, rien de moins que ce qui se fait d’habitude ». La fin de la langue de bois ? Pas sûr !
Les magistrats, eux, sont loin de faire corps avec leur ministre. Ils n’ont guère apprécié que la Garde des Sceaux ne se rende pas, le 10 octobre dernier, au congrès de l’Union syndicale des magistrats (USM) à Clermont-Ferrand, et qu’elle y envoie le secrétaire général du ministère, Gilbert Azibert. Et lui ont reprochée qu’elle qualifie « d’injuste » la décision du tribunal de Sarreguemines (Moselle) d’incarcérer début octobre un mineur, qui s’est suicidé peu de temps après à la prison de Metz-Queuleu.
« Le garde des Sceaux nous reproche », explique un magistrat,« d’appliquer la politique de répression qu’elle a elle-même fixée ! » Ça, c’est pour les derniers griefs. Populaire, la ministre l’est de moins en moins au sein de la profession. Reste à voir, après l’émission, si elle l’est dans l’opinion.
L’enjeu est de taille et l’émission attendue. « Elle sera regardée de très près par l’Élysée », commente un visiteur de Nicolas Sarkozy. Les chiffres d’audience, sûrement aussi ! Histoire de voir comment Rachida Dati se sort de ce direct et se remet dans le circuit politique élyséen. Autrefois chouchou du président, la ministre aujourd’hui ne fait plus partie du premier cercle. Ainsi, n’apparaît-elle pas dans le « G7 », ce cercle des ministre réunis régulièrement au « Château », choisis pour leurs talents de communicants devant les médias.
Depuis son arrivée dans la sphère de Nicolas Sarkozy, Rachida Dati a eu plusieurs « coachs » ou conseillers en communication : le journaliste Jean-Claude Narcy quand elle était porte-parole du candidat à la présidentielle. Puis Anne Méaux, présidente et fondatrice de la puissante agence de communication Image 7, Yamina Benguigui, réalisatrice et écrivain, Jacques Attali, BHL et combien d’autres ?
« Quand vous regardez la communication de Rachida Dati », explique un de ses anciens conseillers, « vous vous apercevez qu’il y a eu des mises en scène successives : la ministre symbole qui réussit grâce à son travail et sa force de caractère, l’amie de Cécilia ex-Sarkozy, la ministre glamour, la femme indépendante et enceinte, la garde des Sceaux sur le terrain ». Selon un ex-membre de son cabinet, « elle écoute le dernier qui a parlé ».
Cette fois, attention Madame la garde des Sceaux, c’est le chef de l’État qui parle en dernier !
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